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Tous les renseignemens que l'on avait sur l'armée autrichienne portaient qu'elle était considérable, qu'elle avait été recrutée par de nombreuses réserves, par les levées de Moravie et de Hongrie, par toutes les landwehrs des provinces ; qu'elle avait remonté sa cavalerie par des réquisitions dans tous les cercles, et triplé ses attelages d'artillerie en faisant d'immenses levées de charrettes et de chevaux en Moravie, en Bohême et en Hongrie. Pour ajouter de nouvelles chances en leur faveur, les généraux autrichiens avaient établi des ouvrages de campagne dont la droite était appuyée à Gros-Aspern et la gauche à Enzersdorf.

Les villages d'Aspern, d'Esling et d'Enzersdorf, et les intervalles qui les séparaient, étaient couverts de redoutes palissadées, fraisées et armées de plus de cent cinquante pièces de canon de position, tirées des places de la Bohême et de la Moravie. On ne concevait pas comment il était possible qu'avec son expérience de la guerre, l'empereur voulût attaquer des ouvrages si puissamment défendus, soutenus par une armée qu'on évaluait à deux cent mille hommes, tant de troupes de ligne que des milices et de l'insurrection, et qui étaient appuyés par une artillerie de huit ou neuf cents pièces de campagne. Il paraissait plus simple de jeter de nouveaux ponts sur le Danube, quelques lieues plus bas, et de rendre ainsi inutile le champ de bataille préparé par l'ennemi. Mais dans ce dernier cas, on ne voyait pas comment écarter les inconvéniens qui avaient déjà failli être funestes à l'armée, et parvenir en deux ou trois jours à mettre ces nouveaux ponts à l'abri des machines de l'ennemi.

D'un autre côté, l'empereur était tranquille. On voyait élever ouvrages sur ouvrages dans l'île de Lobau, et établir sur le même point, plusieurs ponts sur pilotis et plusieurs rangs d'estacades.

Cette situation de l'armée française, placée entre ces deux

grandes difficultés, n'avait pas échappé à l'ennemi. Il convenait que son armée trop nombreuse et pas assez maniable, s'exposerait à une perte certaine, si elle prenait l'offensive; mais en même temps, il croyait qu'il était impossible de le déposter de la position centrale où il couvrait la Bohême, la Moravie et une partie de la Hongrie. Il est vrai que cette position ne couvrait pas Vienne et que les Français étaient én possession de cette capitale; mais cette position était, jusqu'à un certain point, disputée, puisque les Autrichiens se maintenaient maîtres du Danube, et empêchaient les arrivages des choses les plus nécessaires à la subsistance d'une si grande cité.

Telles etaient les raisons d'espérance et de crainte, et la matière des conversations des deux armées, lorsque le premier juillet, à quatre heures du matin, l'empereur porta son quartier - général à l'île Lobau, qui avait déjà été nommée, par les ingénieurs, île Napoléon; une petite île à laquelle on avait donné le nom du duc de Montebello ét qui battait Enzersdorf, avait été armée de dix mortiers et de vingt pièces de dix-huit. Une autre île, nommée île Espagne, avait été armée de six pièces de position de douze et de quatre mortiers. Entre ces deux îles, on avait établi une batterie égale en force à celle de l'île Montebello et battant également Enzersdorf. Ces soixante-deux pièces de position avaient le même but et devaient, en deux heures de temps, raser la petite ville d'Enzersdorf, en chasser l'ennemi, et en détruire les ouvrages. Sur la droite, l'île Alexandre, armée de quatre mortiers, de dix pièces de douze et de douze pièces de six de position, avaient pour but de battre la plaine et de protéger le ploiement et le déploiement de nos ponts.

Le 2, un aide-de-camp du duc de Rivoli passa avec cinq cents voltigeurs, dans l'île du Moulin, et s'en empara. On arma cette île ; on la joignit au continent par un petit pont

qui allait à la rive gauche. En avant, on construisit une petite flèche que l'on appela redoute Petit. Le soir, les redoutes d'Esling, en parurent jalouses : ne doutant pas que ce ne fût une première batterie que l'on voulait faire agir contre elles, elles tirèrent avec la plus grande activité. C'était précisément l'intention que l'on avait eue en s'emparant de cette île; on voulait y attirer l'attention de l'ennemi pour la détourner du véritable but de l'opération.

Passage du bras du Danube à l'île Lobau.

Le 4, à dix heures du soir, le général Oudinot fit embarquer, sur le grand bras du Danube, quinze cents voltigeurs, commandés par le général Conroux. Le colonel Baste, avec dix chaloupes canonnières, les convoya et les débarqua au-delà du petit bras de l'île Lobau dans le Danube. Les batteries de l'ennemi furent bientôt écrasées, et il fut chassé des bois jusqu'au village de Muhllenten.

A onze heures du soir les batteries dirigées coutre Enzersdorf reçurent l'ordre de commencer leur feu. Les obus brûlèrent cette infortunée petite ville, et en moins d'une demiheure les batteries ennemies furent éteintes.

Le chef de bataillon Dessales, directeur des équipages des ponts, et un ingénieur de marine avaient préparé, dans le bras de l'île Alexandre, un pont de quatre-vingts toises d'une seule pièce et cinq gros bacs.

Le colonel Sainte-Croix, aide-de-camp du duc de Rivoli, se jeta dans des barques avec deux mille cinq cents hommes et débarqua sur la rive gauche.

Le pont d'une seule pièce, le premier de cette espèce qui, jusqu'à ce jour, ait été construit, fut placé en moins de cinq minutes, et l'infanterie y passa au pas accéléré.

Le capitaine Buzelle jeta un pont de bateaux en une heure et demie.

Le capitaine Payerimoffe jeta un pont de radeaux en deux heures.

Ainsi, à deux heures après minuit, l'armée avait quatre ponts, et avait débouché, la gauche à quinze cents toises audessous d'Enzersdorf, protégée par les batteries, et la droite sur Vittau. Le corps du duc de Rivoli forma la gauche; celui du comte Oudinot le centre, et celui du duc d'Auerstaedt la droite. Les corps du prince de Ponte-Corvo, du vice-roi et du duc de Ragusé, la garde et les cuirassiers formaient la seconde ligne et les réserves. Une profonde obscurité, un violent orage et une pluie qui tombait par torrens, rendait cette nuit aussi affreuse qu'elle était propice à l'armée française et qu'elle devait lui être glorieuse.

Le 5, aux premiers rayons du soleil, tout le monde reconnut quel avait été le projet de l'empereur, qui se trouvait alors avec son armée en bataille sur l'extrémité de la gauche de l'ennemi, ayant tourné ses camps retranchés, ayant rendu tous ses ouvrages inutiles, et obligeant ainsi les Autrichiens à sortir de leurs positions et à venir lui livrer bataille, dans le terrain qui lui convenait. Ce grand problème était résolu, et sans passer le Danube ailleurs, sans recevoir aucune protection des ouvrages qu'on avait construits, on forçait l'ennemi à se battre à trois quarts de lieue de ses redoutes. On présagea dès-lors les plus grands et les plus heureux résultats.

A huit heures du matin, les batteries qui tiraient sur Enzersdorf avaient produit un tel effet que l'ennemi s'était borné à laisser occuper cette ville par quatre bataillons. Le duc de Rivoli fit marcher contre elle son premier aide-decamp Sainte-Croix, qui n'éprouva pas une grande résistance, s'en empara et fit prisonnier tout ce qui s'y trouvait.

Le comte Oudinot cerna le château de Sachsengand que

l'ennemi avait fortifié, fit capituler les neuf cents hommes qui le défendaient, et prit douze pièces de canon.

L'empereur fit alors déployer toute l'armée dans l'immense plaine d'Enzersdorf.

Bataille d'Enzersdorf.

Cependant, l'ennemi, confondu dans ses projets, revint peu à peu de sa surprise, et tenta de ressaisir quelques avantages dans ce nouveau champ de bataille. A cet effet, il détacha plusieurs colonnes d'infanterie, un bon nombre de pièces d'artillerie, et sa cavalerie tant de ligne qu'insurgée, pour essayer de déborder la droite de l'armée française. En conséquence, il vint occuper le village de Rutzendorf. L'empereur ordonna au général Oudinot de faire enlever ce village, à la droite duquel il fit passer le duc d'Auerstaedt, pour se diriger sur le quartier-général du prince Charles, en marchant toujours de la droite à la gauche.

Depuis midi jusqu'à neuf heures du soir, on manœuvra dans cette immense plaine; on occupa tous les villages, et à mesure qu'on arrivait à la hauteur des camps retranchés de l'ennemi, ils tombaient d'eux-mêmes et comme par enchantement. Le duc de Rivoli les faisait occuper sans résistance. C'est ainsi que nous nous sommes emparés des ouvrages d'Esling et de Gros-Aspern, et que le travail de quarante jours n'a été d'aucune utilité à l'ennemi. Il fit quelque résistance au village de Raschdorf, que le prince de Ponte-Corvo fit attaquer et enlever par les Saxons. L'ennemi fut partout mené battant et écrasé par la supériorité de notre feu. Cet immense champ de bataille resta couvert de ses débris.

Bataille de Wagram.

Vivement effrayé des progrès de l'armée française et des grands résultats qu'elle obtenait presque sans effort, l'ennemi

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