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silence aux menées criminelles des ennemis qu'il avait à l'intérieur. On ne saurait donc lui faire un reproche d'être resté deux jours devant la position de Blücher; car dès le 31 au soir, l'Empereur avait bien compris qu'il lui était désormais impossible de tomber sur Blücher. Il avait vu clair dans le jeu de ses adversaires et, comme il le fit sept semaines plus tard à Arcis-sur-Aube, il pensait déjà à se replier le lendemain, puisque le 31 à 9 heures du soir, il faisait écrire à Ney et à ses autres lieutenants: « On attendra sur cette position des nouvelles de l'ennemi et tout se tiendra prêt à partir dans la direction qui sera donnée 1. »

Enfin, il est certain que si l'Empereur avait eu l'intention de combattre dans ces parages et surtout d'accepter la lutte, il aurait choisi un champ de bataille moins désavantageux au point de vue tactique et surtout plus en rapport avec l'effectif des forces dont il disposait.

Description du champ de bataille de La Rothière. — La plaine qui s'étend des hauteurs de Trannes jusque vers Rosnay et Blignicourt a dans sa plus grande longueur un peu plus de 16 kilomètres et dans la direction de l'ouest à l'est un peu moins de 5 kilomètres. Le terrain y est presque plat. Cette plaine est limitée de tous côtés par des obstacles naturels au sud, elle est bornée par le plateau de Trannes qui s'étend jusqu'à l'Aube; à l'est, par le bois de Beaulieu situé au nord-est du village de Trannes; à l'ouest et en avant du plateau de Trannes, par l'Aube sur les bords de laquelle la plaine s'étend depuis le plateau de Trannes jusque vers Brienne. Cette plaine, basse dans la plus grande partie de son étendue, s'élève du côté de Perthes pour s'abaisser ensuite vers la route de Bar; elle se relève ensuite à partir du coude de l'Aube, en amont de Dienville, aux environs d'Unienville jusque vers Trannes. Dominée, du côté de l'ouest, dans toute son étendue par les hauteurs escarpées de la rive gauche de l'Aube, elle est limitée au nord-ouest par une ligne de hauteurs qui, partant du parc de Brienne, vont mourir sur les bords de la Voire. Le cours d'eau qui la borne au nord, l'inonde généralement en hiver. A l'est, elle a pour limites les bois marécageux et presque impraticables de

1 Berthier a Ney, Marmont, Oudinot, Drouot et Victor, Brienne, 31 janvier, 9 heures du soir. (Archives de la guerre.)

Vallentigny, les bois d'Ajou et le revers du plateau de Morvilliers qui, couvert du côté de l'est, vers Soulaines, sur son front et sur ses flancs par des bois et des marécages et dominant toute la plaine, est la véritable clef de la position. C'est sur ce plateau de Morvilliers que sont situées, dans la partie sud et à peu de distance de la lisière nord du bois de Beaulieu, La Giberie, puis au centre Chaumesnil et enfin, plus au nord, Morvilliers.

La route de Bar-sur-Aube à Vitry-le-François traverse cette plaine dans toute sa longueur presque en ligne droite et passe par le village de La Rothière.

Ce champ de bataille était beaucoup trop étendu pour les forces dont disposait l'Empereur. Même en considérant La Giberie comme un poste avancé, les lignes françaises de Dienville par Petit-Mesnil, Chaumesnil et la ferme de Beauvoir jusqu'à Morvilliers, présentaient un développement total de près de 15 kilomètres. Ce développement obligea l'Empereur à employer la plus grande partie de sa cavalerie, sensiblement inférieure en nombre à celle des Alliés, à remplir les vastes espaces vides existant sur son front entre les différentes positions qu'il dut faire occuper à ses corps, lorsque, attaqué par Blücher, il accepta le combat dans des conditions si désavantageuses pour lui.

Napoléon se rend en personne à La Rothière. Il envoie à Ney l'ordre de battre en retraite. — Pendant que les Alliés exécutaient leurs mouvements préparatoires en arrière de la position de Trannes et hors des vues des Français, pendant que la neige obscurcissait encore l'horizon. Napoléon, qui avait à son grand désappointement reçu pendant la nuit l'avis par lequel Marmont l'informait de l'évacuation de Soulaines et de sa marche de nuit sur Morvilliers, s'était dès le 1er février au matin porté à La Rothière. Alarmé par l'immobilité même des Alliés, pensant qu'on allait ou l'attaquer ou se décider à se replier devant lui, il avait tenu à se rendre compte par lui-même de l'état des choses.

L'impassibilité des troupes de Blücher ne tarda pas à lui prouver que ses espérances étaient déçues. Craignant dès lors que les renseignements lui annonçant la marche de la grande armée sur Brienne ne fussent erronés, il en vint à penser qu'on pouvait bien avoir chargé Blücher de tenir devant lui pour lui dissimuler les mouvements de Schwarzenberg et de former un rideau derrière

Weil.

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lequel les colonnes de la grande armée auraient défilé à l'aise dans la direction de Troyes. Croyant qu'on avait voulu l'arrêter pour avoir le temps nécessaire de se jeter sur Mortier isolé à Troyes, il donna dans la matinée, au gros de son armée, l'ordre de se diriger par le pont de Lesmont sur cette ville. Il mit immédiatement en route pour Lesmont, sans parler des gardes d'honneur du général de France, déjà postés sur la route de Lesmont à Piney, les trois divisions de jeune garde des généraux Meunier, Decouz 1 et Rottembourg qui, sous les ordres du maréchal Ney, formaient sa réserve et occupaient le 31 au soir Brienne-la-Vieille .

Le Maréchal Victor et Grouchy signalent les premiers mouvements des Alliés. Reconnaissance faite par l'Empereur. Positions qu'il faut occuper.

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Ney reçoit l'ordre de revenir sur ses pas. Le prince de La Moskova avait déjà commencé son mouvement, lorsque vers midi, le général Grouchy et le maréchal Victor firent savoir à l'Empereur qu'on remarquait dans les lignes ennemies, sur les routes de Soulaines à Brienne, d'Eclance à La Giberie et de Trannes à La Rothière, des mouvements qui leur paraissaient révéler l'imminence d'une attaque. L'Empereur monta immédiatement à cheval pour jeter, une fois encore, un coup d'œil sur le terrain, et bien que l'ouragan de neige l'eût empêché d'apercevoir distinctement ce qui se passait sur la position des Alliés, il se rangea à l'opinion émise par Grouchy. Pendant qu'il envoyait à Ney l'ordre de revenir au plus vite sur ses pas et de faire entrer immédiatement en ligne la division Rottembourg, il établissait sa petite armée sur les positions suivantes: Gérard, à l'aile droite et s'appuyant à l'Aube, disposa ses deux divisions formées en bataillons en masse, la division Dufour en 1re ligne, la division Ricard en 20 ligne depuis l'Aube jusqu'à La Rothière. Ces deux lignes étaient couvertes en avant par les

↑ Le général Curial avait remplacé le général Decouz, grièvement blessé à Brienne et qui mourut des suites de ses blessures.

⚫ Clausewitz, comme nous l'avons fait remarquer plus haut, dit à ce propos, dans son Aperçu de la campagne de 1814: « Bonaparte semble avoir voulu attendre Marmont, qui n'arriva que le 31. De plus, comme, même le 1er février, il attendit l'attaque de Blücher, il est permis de se demander si, à cette époque, il recherchait et désirait encore la bataille. »

huit escadrons de la brigade de cavalerie du général Picquet qui s'étaient déployés et couvraient l'intervalle existant entre la division Dufour et La Rothière.

A La Rothière même, où commençait le centre des lignes françaises, Victor avait posté une des brigades de la division Duhesme, tandis que l'autre brigade était massée en arrière du village, à cheval sur la route de Brienne à Trannes. Deux bataillons avaient été jetés dans chacun des villages de Petit-Mesnil et de Chaumesnil. Victor avait également fait occuper La Giberie par des troupes de sa 2e division (Forestier) qui avait posté, en outre, depuis la veille un bataillon dans le bois de Beaulieu. Quatre bataillons déployés en tirailleurs gardaient la partie des hauteurs situées en arrière de ce bois, dans toute leur étendue comprise entre La Vénerie, les étangs du même nom et les sources du ru de Froideau. Les divisions de cavalerie des généraux Piré, Briche et Lhéritier, sous les ordres directs de Grouchy, étaient déployées sur deux lignes entre Petit-Mesnil et Chaumesnil. Nansouty, avec les divisions de cavalerie de la garde des généraux Lefebvre-Desnoëttes, Colbert et Guyot, se formait en bataille, également sur deux lignes, à droite et en arrière de La Rothière, s'étendant jusqu'à Petit-Mesnil et faisait prendre position en avant de son front à son artillerie à cheval.

A l'aile gauche, Marmont avec la division Lagrange occupait Morvilliers et en avant de ce point le village de La Chaise, au débouché du bois de Soulaines. La cavalerie de Doumerc était déployée des deux côtés de la route de Brienne à Doulevant sur le plateau de Morvilliers, à la ferme de Beauvoir, face à La Chaise.

Des trois divisions de la jeune garde, l'une, la division Rottembourg, allait se déployer immédiatement en avant de Briennela-Vieille, et les deux autres étaient encore en marche, des environs de Lesmont, sur la ferme de Beugné (située à mi-chemin entre Brienne et Petit-Mesnil).

Le front de combat était manifestement, trop étendu : c'était à peine si l'infanterie suffisait pour occuper les villages, leurs abords et les points principaux de la ligne. La cavalerie tout entière servait à combler les vides de la ligne et de plus les réserves, peu considérables d'ailleurs, puisque les trois divisions. de la jeune garde présentaient au plus un total de 10,000 combat

tants, n'étaient pas disponibles au moment où la lutte allait s'engager et devaient ensuite être à peine suffisantes pour soutenir les troupes postées à La Rothière et couvrir, en dernier lieu, la retraite.

Les Alliés commencent leur mouvement à midi. La matinée tout entière du 1er février s'était écoulée sans incident. A midi, au moment où l'empereur Alexandre, le roi de Prusse accompagné de ses deux fils, le prince royal et le prince Guillaume de Prusse (celui qui devait être plus tard l'empereur Guillaume), et le prince de Schwarzenberg rejoignaient Blücher sur les hauteurs de Trannes, les différentes colonnes des armées alliées précédées par la cavalerie chargée de couvrir leur déploiement, venaient de s'ébranler dans les directions que leur avaient assignées, d'abord la disposition de Schwarzenberg, puis les ordres de Blücher et de Barclay de Tolly. Elles commençaient à descendre vers la plaine où leur marche allait être sensiblement retardée par la nature même du terrain gras et collant sur lequel elles devaient se mouvoir. Les pluies des dernières journées avaient détrempé les cultures; creusant dans les chemins de profondes ornières elles les avaient transformés en fondrières. Enfin, la gelée, survenue tout à coup dans la nuit du 31 janvier au 1er février, avait recouvert toute la plaine d'une légère croûte de glace qui rendait les mouvements d'autant plus lents et plus pénibles que cette plaine avait été sillonnée en tous sens par le passage des troupes, de l'artillerie et des convois, que le vent soufflait fort et que la neige n'avait cessé de tomber depuis le matin.

Il était près d'une heure, lorsque la cavalerie alliée qui avait, en s'avançant lentement, couvert jusqu'à ce moment le déploiement des colonnes de Gyulay et surtout de Sacken, passa tout entière en deuxième ligne, démasquant les têtes de colonne de l'infanterie et ne laissant devant elle que quelques éclaireurs. Mais l'état du terrain avait contrarié la marche des troupes et compromis sérieusement les mouvements de l'artillerie. Le corps Sacken se vit réduit à n'amener en ligne que la moitié de ses bouches à feu et à laisser 36 de ses pièces sur les hauteurs de Trannes. Encore le général Nikitin, qui commandait cette artillerie, avait-il dù pour cela faire doubler les attelages des pièces

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