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ment leur rôle. Il ne s'exagérait pas leur supériorité, que l'on ne peut proclamer trop haut; mais il se l'expliquait mal. On eût dit que sa Grèce s'était développée entre ciel et terre, ou bien dans une île que l'Océan entourait en tous sens d'espaces infranchissables; il ne la montrait pas plongeant par toutes ses racines dans le milieu qui l'enveloppait, dans ce sol fécond, tout plein de semences gonflées de vie, qui n'est autre que la civilisation de l'Egypte et de l'Asie antérieure. Sa Grèce était une proles sine matre creata; les phénomènes qui s'y produisent ne s'y rattachaient pas d'une manière organique à toute une série de phénomènes antérieurs. Cette insuffisance du point de vue n'est point chez lui manque de science ou de réflexion et de pénétration; elle trouve sa justification dans l'époque même où il écrivait, où il menait à bien cette puissante et forte synthèse de toute l'histoire de l'art ancien. Son cadre est trop étroit; à vouloir l'élargir après coup, on aurait risqué de le briser. Jamais les notions nouvelles que l'on aurait cherché à y faire entrer ne s'y seraient commodément réparties et distribuées; il y aurait eu encombrement et disproportion, contradiction latente entre les paragraphes ajoutés et ce que l'on aurait voulu garder de l'œuvre du

maître.

C'est ce qu'avait très-bien senti M. Stark. Cet érudit s'était proposé de bonne heure, comme but principal de sa carrière scientifique, une exposition complète de l'archéologie classique, de sa méthode et des principaux résultats qu'elle avait obtenus jusqu'à nos jours. Dès 1852, il avait tracé le plan de cette exposition, tel qu'il le comprenait, dans un article où il rendait compte de l'édition de Welcker. Depuis lors il n'a cessé de suivre avec un intérêt particulier toutes les publications archéologiques; il amassait des matériaux et préparait tous les détails du livre dont il avait déjà fixé depuis longtemps les grandes lignes. En 1872, il était en mesure de donner un prospectus où étaient indiquées toutes les divisions et subdivisions de l'ouvrage dont la première livraison vient enfin de paraître. Elle répond, croyons-nous, à l'attente qu'avait excitée cette première annonce et que justifiaient d'ailleurs les travaux antérieurs de M. Stark 1.

L'ouvrage aura la même forme, le même aspect typographique que celui d'Ottfried Müller. C'est un de ces Manuels comme l'Allemagne en a dans tous les ordres d'étude; c'est un de ces instruments de travail dont l'existence explique certains des caractères de la prodigieuse acti

1. Son principal ouvrage est le livre intitulé Niobe und die Niobiden (1863); mais il a depuis fourni un grand nombre de mémoires intéressants à l'Archæologische Zeitung, aux Annales de l'Institut de correspondance archéologique et à d'autres recueils savants. On a beaucoup remarqué l'analyse qu'il a donnée dans les Jahresberichte de Bursian des livres et articles ayant trait à l'archéologie classique qui avaient été publiés pendant le cours de ces dernières années un peu partout; il a fait preuve, dans ce vaste dépouillement de tant de travaux allemands et étrangers, d'une grande sûreté de jugement et d'une très-libre impartialité.

vité scientifique qui ne cesse pas de se maintenir de l'autre côté du Rhin. L'ouvrage se partage en paragraphes où sont rapidement exposées les idées de l'auteur et indiqués les faits principaux; chaque paragraphe est suivi de notes copieuses, en petit texte, où celui qui voudrait approfondir la question traitée dans le paragraphe même trouverait l'indication de toutes les sources anciennes ou modernes, les passages principaux des auteurs allégués, les moyens de se procurer tout le détail des faits. C'est à l'aide de pareils livres que l'on évite le défaut qui a souvent été reproché aux érudits français, celui de perdre leur temps à refaire ce qui a été fait avant eux et à discuter les questions tranchées, au lieu de se servir du travail de leurs devanciers pour aller tout droit aux problèmes non encore éclaircis, aux points obscurs, aux cantons inexplorés de la science. Chacun de ces manuels représente, pour ceux qui l'emploieront, une grande économie d'efforts et de temps; il contribue à garantir cette division du travail qui, dans les recherches scientifiques comme dans la production industrielle, est une des conditions du succès et de la perfection relative qu'il s'agit d'obtenir. Il est fàcheux qu'il ne se soit pas encore trouvé une grande maison de librairie française qui se chargeât d'entreprendre, en vue des études de médecine, d'histoire, de droit, de philologie, d'archéologie, etc., une collection de manuels analogue à celle que la librairie Roret avait jadis donnée pour l'industrie et les métiers de tout genre, collection à laquelle nous avons dû de voir traduit le seul à peu près de ces utiles ouvrages qui ait passé dans notre langue, le manuel d'Ottfried Müller. 1

Nous exposerons le plan de l'ouvrage d'après le prospectus même auquel nous avons fait plus haut allusion.

Le premier volume contiendra l'introduction et les principes de l'archéologie en trois livres. La première partie, la seule qui ait encore paru (256 pages), ne va pas tout à fait jusqu'à la fin du premier livre, auquel il manque encore un long et important paragraphe, celui qui conduira jusqu'à nos jours l'histoire des études archéologiques. Ce livre I se divise en trois chapitres. Le premier, intitulé Introduction, comprend les paragraphes suivants: 1. Définition de l'archéologie de l'art; 2. La position de l'archéologie par rapport à la philologie classique; 3. L'archéologie classique dans ses relations avec l'histoire générale de l'art; 4. L'archéologie classique dans ses rapports avec la connaissance générale de l'antiquité et avec l'histoire de la civilisation; 5. Nomenclature et système d'une science de l'art antique dans son développement historique.

Le chapitre second a pour titre Divisions de l'archéologie; il renferme les paragraphes suivants: 6. Partie propédeutique; introduction. et méthodologie; 7. Partie systématique; théorie de l'art (Kunstlehre); 8. Partie historique; histoire de l'art; 9. Partie typologique; connais

1. La librairie Vieweg vient de publier une traduction de l'excellent manuel de la littérature latine de Teuffel.

sance des monuments, symbolique de l'art et iconographie; 10. Sciences accessoires qui fournissent leur concours à l'archéologie.

Nous craignons que les termes mêmes de cette nomenclature, avec leur aspect pédantesque et insolite, ne causent quelque effroi au public français. L'auteur y tient beaucoup, comme le montre une phrase du prospectus, et toute cette partie témoigne d'une grande puissance de réflexion; c'est elle qui a dû coûter à M. S. le plus d'effort et de peine. Nous serions pourtant bien étonné que, même en Allemagne, cette portion de l'ouvrage échappât à la critique; quant à nous, dût-on nous accuser de frivolité, nous trouvons qu'il y a là trop de définitions et de distinctions, trop de divisions et d'abstractions. Cette introduction aurait beaucoup gagné, selon nous, à être moins scolastique de forme, à exiger du lecteur une moindre tension d'esprit. Sans doute il fallait définir les termes qui seraient employés dans le courant de l'ouvrage et indiquer les divisions entre lesquelles seraient répartis les faits et les idées qu'il contiendrait; mais cela ne pouvait-il se faire dans une langue courante et claire, sans composés tirés du grec ni terminologie kantienne?

Passe encore pour les idées qu'expose l'auteur sur l'étendue et les caractères de la science qu'il étudie, sur les différents chapitres qu'elle comporte quand on veut l'embrasser sous tous ses aspects; certaines intelligences, qui se plaisent à l'abstraction, aimeront à trouver ainsi définis et classés tous les phénomènes qui se rattachent à l'art, c'est-àdire à la faculté que l'homme possède d'exprimer ses idées par des formes sensibles. Où il y a décidément abus, selon nous, c'est dans le développement donné aux notes de ces deux premiers chapitres, dans la critique des définitions et des classifications jusqu'ici proposées. Les premiers écrivains qui ont touché à ces matières ne pouvaient, cela se comprend, avoir à ce sujet des idées aussi nettes que le seront aujourd'hui celles de l'historien de l'art. Etait-il bien utile de discuter par le menu toutes leurs théories, de relever leurs erreurs, de faire des citations empruntées à des travaux où nous n'avons pas maintenant grand' chose à prendre? Toute cette première moitié du premier livre est philosophique et dogmatique; or, quand il s'agit de faire la théorie d'une science, ce qui importe surtout, c'est que cette théorie s'applique à tous les faits connus et établisse entre eux des rapports faciles à saisir. Qu'elle s'accorde plus ou moins avec les théories antérieures, cela n'a qu'un intérêt très secondaire. M. S. aurait eu grand avantage, croyons-nous, à beaucoup élaguer dans les notes de ces deux chapitres, à ne toucher qu'aux plus considérables des tentatives qui avaient été faites avant lui. Il a prodigieusement

1. « On trouvera peut-être l'aperçu des principes de l'esthétique d'après Winckelmann trop long ou même superflu; mais l'auteur croit cette partie nécessaire pour exposer et son point de vue à lui et les tendances particulières des savants éminents qui l'ont précédé. Il ne se contentera jamais de l'empirisme pur; il ne fera pas non plus une esthétique populaire, mais il suivra la méthode des grands philosophes allemands, inaugurée par Leibniz et par Kant. »

lu; mais c'eût été tout profit qu'il égarât quelques-unes des notes prises dans ses lectures. On serait arrivé plus vite et avec moins de fatigue à ce qui est le vrai sujet du livre, l'histoire de l'art antique.

Nous ne pouvons, au contraire, qu'approuver le développement donné à l'Histoire des études archéologiques (chapitre m du livre I, S 1214). Comme le fait remarquer M. S., « c'est là un chapitre tout nouveau de la science; c'est seulement dans ces dernières années que l'attention a été appelée de ce côté et que les matériaux de cette histoire ont été recueillis. Il eût été peut-être plus agréable à l'auteur de publier séparément ses nombreuses recherches sur certaines personnes et sur certaines époques; mais ceux qui savent vraiment à quoi s'en tenir sur l'importance et l'intérêt de ces études lui sauront gré d'avoir fait l'essai d'une exposition complète. Il mettra un soin particulier à combler les lacunes de cette partie, si une seconde édition lui en fournit l'occasion. Un aperçu de l'histoire de la science offre par lui-même de grands avantages; de plus, il nous enseigne à apprécier les efforts des hommes qui ont avant nous travaillé à constituer la science que nous aimons. Enfin, en mettant à sa place chronologique chaque érudit et en nous fournissant les moyens de juger son rôle et ses ouvrages, il permettra d'alléger une autre partie du livre, la description des monuments et l'histoire de leur découverte ; il nous débarrassera ainsi de cette foule de citations et de titres d'ouvrages qui, dans le livre d'Ottfried Müller, nous empêchent si souvent de poursuivre l'idée générale. » M. S. aurait pu ajouter que pour former l'archéologue, pour l'aiguillonner et le retenir tout à la fois, il n'est rien de meilleur que cette étude de l'histoire de la science; l'expérience des générations qui se sont succédé s'ajoute ainsi à celle de l'individu et supplée à ce qu'elle a de nécessairement insuffisant et borné; les fautes commises par ses prédécesseurs et leurs coups de bonheur ou de génie contribuent également à lui montrer la vraie voie, à lui enseigner la méthode à suivre. Le passé l'aide à prévoir et à préparer l'avenir. Nous ne pouvons donc que louer une innovation qui suffirait, ce nous semble, à justifier la publication de ce manuel et à en assurer le succès. Pour pouvoir réunir autant de données exactes et précises, dont beaucoup ont été tirées d'ouvrages devenus aujourd'hui très rares, il a fallu des recherches qui ont dû être poursuivies avec une rare patience pendant bien des années; nulle part ailleurs on ne trouverait un pareil ensemble de faits bien classés, de documents authentiques et bien digérés. Nous ne doutons pas que le livre n'arrive bientôt à la nouvelle édition sur laquelle l'auteur compte pour insérer en leur lieu les noms et les œuvres qui auraient pu lui échapper dans un si long travail ; il aura alors bien des renseignements précieux à tirer de l'ouvrage que M. Müntz publie sur les arts à la cour des papes. Quelque précieux que puissent être les renseignements qu'il gagnera ainsi, on a là dès maintenant l'esquisse, le canevas très ferme et très serré d'une histoire de l'archéologie qui irait depuis le premier éveil de la Renaissance jusqu'à nos jours.

Pour ce qui est de la suite de l'ouvrage, nous ne pouvons mieux faire que de continuer à traduire les indications du prospectus :

« La seconde partie du premier volume contiendra le livre II et le livre III, d'abord les sources où l'on puise les connaissances archéologiques, la critique et l'herméneutique, puis la théorie de l'art antique. La critique et l'herméneutique partent des témoignages littéraires et passent ensuite aux témoignages épigraphiques, c'està-dire à ceux qui ont trait, d'une manière quelconque, aux ouvrages de l'art; elles traitent enfin, en détail, des monuments de tout genre qui relèvent des arts du dessin; elles nous informent de leur distribution locale et nous apprennent où aller les chercher (topographie et muséographie). Les principes de l'herméneutique archéogique seront démontrés par quelques exemples frappants; on y fera voir comment la recherche archéologique va à son but par l'emploi méthodique de tous les documents qui ont trait à l'art ancien et à ses productions les plus intéressantes.

<< Dans la théorie de l'art antique, on trouvera la théorie de la technique, celle du style, des formes, de la composition et des idées de l'art, enfin quelques données sur l'éducation et les études des artistes ainsi que sur les habitudes et les exigences du public pour lequel ils travaillaient. Ce sont là les points de vue principaux auxquels on peut se placer pour envisager les objets d'art, en corrigeant par la critique les erreurs auxquelles pourrait entraîner une interprétation trop servile des textes anciens acceptés en bloc et sans contrôle; autant que possible, on conservera pourtant, dans cette exposition, les termes spéciaux que les anciens employaient. L'auteur s'occupe, sans se laisser distraire par d'autres travaux, de la composition de ces deux livres; ce sont là justement des domaines de l'archéologie auxquels Ottfried Müller n'a pas touché, et qui, après lui, n'ont pas fourni la matière de travaux spéciaux.

« Le second volume de l'ouvrage contiendra l'histoire de l'art antique dans le sens spécial de ce mot. Aucune date n'y sera assignée à un monument qui ne soit confirmée par des textes ou suggérée par des inductions plausibles. Le tableau de chaque époque sera précédé d'une introduction où sera exposé, pour la même époque, l'état de la civilisation. L'exposé historique se divise en trois parties :

« Fremière époque de l'art antique, exposé de l'art grec primitif et de l'art italique, de leurs rapports entre eux et avec l'art européen en général, ainsi qu'avec l'art sémitique et l'art oriental en général.

« Deuxième époque : l'art hellénique proprement dit (la période archaïque, les siècles de Périclès et d'Alexandre).

« Troisième époque l'art hellénistique, comme on dit aujourd'hui, et celui de l'empire romain.

<«< Le troisième volume contiendra la typologie (statistique des monuments d'après les idées qu'ils représentent et mythologie de l'art). On se fondera sur les résultats de l'histoire et de la théorie de l'art pour ramener tous les monuments connus à leurs types principaux; une fois ces types définis et classés, il sera plus facile d'assigner aux monuments nouveaux, qui se découvriront d'année en année, leur place dans les séries ainsi établies; on pourra se dispenser de longues explications souvent nécessaires aujourd'hui. Pour tout ce qui concerne l'illustration, au moyen de figures, des idées exposées dans cette partie, sur les variations des types que l'art a successivement adoptés pour chaque divinité, on renverra à l'ouvrage d'Overbeck, qui est maintenant en cours de publication chez le même éditeur 1. »

M. Stark termine cette annonce en nous informant de sa volonté bien arrêtée de consacrer au prompt achèvement de son livre tout ce que lui

1. Griechische Kunstmythologie. Besonderer Theil. Il n'avait encore paru de l'ouvrage d'Overbeck, à la fin de l'année dernière, que quatre livres, consacrés à Zeus, Hera, Poseidon, Déméter et Kora. L'atlas, très-riche, mais d'un format bien incommode (grand in-fo impérial) marche de pair avec la publication du texte.

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