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sienne, comme l'armée autrichienne, était aujourd'hui cernée, ayant perdu sa ligne d'opérations, ses magasins; qu'elle ne se battait plus dans ce moment pour la gloire, mais pour sa retraite; que cherchant à faire une trouée sur différens points, les corps d'armée qui la laisseraient passer, seraient perdus d'honneur et de réputation. A ce discours animé, le soldat répondit par des cris de marchons. Les tirailleurs engagèrent l'action, la fusillade devint vive. Quelque bonne que fût la position que l'ennemi occupait, il en fut débusqué, et l'armée française, débouchant dans la plaine, commença à prendre son ordre de bataille.

De son côté, le gros de l'armée ennemie, qui n'avait eu le projet d'attaquer que lorsque le brouillard serait dissipé, prit les armes. Un corps de cinquante mille hommes de la gauche, se posta pour couvrir les défilés de Naumbourg et s'emparer des débouchés de Koesen; mais il avait déjà été prévenu par le maréchal Davoust. Les deux autres corps formant une force de 80,000 hommes, se portèrent en avant de l'armée française qui débouchait du plateau de Jéna. Le brouillard couvrit les deux armées pendant deux heures, mais enfin il fut dissipé par un beau soleil d'automne. Les deux armées s'aperçurent à petite portée de canon. La gauche de l'armée française, appuyée sur un village et des bois, était commandée par le maréchal Augereau. La garde impériale la séparait du centre qu'occupait le maréchal Lannes. La droite était formée par le corps du maréchal Soult; le maréchal Ney n'avait qu'un simple corps de trois mille hommes, seules troupes qui fussent arrivées de son corps d'armée.

L'armée ennemie était nombreuse et montrait une belle cavalerie. Ses manoeuvres étaient exécutées avec précision et rapidité. L'empereur eût désiré retarder de deux heures d'en venir aux mains, afin d'attendre dans la position qu'il venait de prendre après l'attaque du matin, les troupes qui devaient

le joindre, et surtout sa cavalerie; mais l'ardeur française l'emporta. Plusieurs bataillons s'étant engagés, au village de Hollstedt, il vit l'ennemi s'ébranler pour les en déposter. Le maréchal Lannes reçut ordre sur-le-champ de marcher en échelons pour soutenir ce village. Le maréchal Soult avait attaqué un bois sur la droite; l'ennemi ayant fait un mouve-ment de sa droite sur notre gauche, le maréchal Augereau fut chargé de le repousser; en moins d'une heure, l'action devint générale ; deux cent cinquante ou trois cent mille hommes avec sept ou huit cents pièces de canon, semaient partout la mort, et offraient un de ces spectacles rares dans l'histoire. De part et d'autre, on manœuvra constamment comme à une parade. Parmi nos troupes, il n'y eut jamais le moindre désordre, la victoire ne fut pas un moment incertaine. L'empereur eut toujours auprès de lui, indépendamment de la garde impériale, un bon nombre de troupes de réserve pour pouvoir parer à tout accident imprévu.

Le maréchal Soult ayant enlevé le bois qu'il attaquait depuis deux heures, fit un mouvement en avant. Dans cet instant, on prévint l'empereur que la division de cavalerie française de réserve commençait à se placer, et que deux divisions du corps du maréchal Ney se plaçaient en arrière sur le champ de bataille. On fit alors avancer toutes les troupes qui étaient en réserve sur la première ligne, et qui, se trouvant ainsi appuyées, culbutèrent l'ennemi dans un clin-d'œil, et le mirent en pleine retraite. Il la fit en ordre pendant la première heure; mais elle devint un affreux désordre du moment que nos divisions de dragons et nos cuirassiers, ayant le grand-duc de Berg à leur tête, purent prendre part à l'affaire. Ces braves cavaliers, frémissant de voir la victoire décidée sans eux, se précipitèrent partout où ils rencontrèrent l'ennemi. La cavalerie, l'infanterie prussienne ne purent soutenir leur choc. En vain l'infanterie ennemie se forma en bataillons carrés,

cinq de ces bataillons furent enfoncés; artillerie, cavalerie, infanterie, tout fut culbuté et pris. Les Français arrivèrent à Weimar en même temps que l'ennemi, qui fut ainsi poursuivi pendant l'espace de six lieues.

A notre droite, le corps du maréchal Davoust faisait des prodiges. Non-seulement il contint, mais mena battant pendant plus de trois lieues, le gros des troupes ennemies qui devait déboucher du côté de Koesen. Ce maréchal a déployé une bravoure distinguée et de la fermeté de caractère, première qualité d'un homme de guerre. Il a été secondé par les géné raux Gudin, Friant, Morand, Daultanne, chef de l'étatmajor, et par la rare intrépidité de son brave corps d'armée.

Les résultats de la bataille sont trente à quarante mille prisonniers; il en arrive à chaque moment; vingt-cinq à trente drapeaux, trois cents pièces de canon, des magasins immenses de subsistances.Parmi les prisonniers, se trouvent plus de vingt généraux, dont plusieurs lieutenants-généraux, entr'autres le lieutenant-général Schmettau. Le nombre des morts est immense dans l'armée prussienne. On compte qu'il y a plus de vingt mille tués ou blessés; le feld-maréchal Mollendorffa été blessé; le duc de Brunswick a été tué; le général Rüchel a été tué; le prince Henri de Prusse grièvement blessé. Au dire des déserteurs, des prisonniers et des parlementaires, le désordre et la consternation sont extrêmes dans les débris de l'armée ennemie.

De notre côté, nous n'avons à regretter parmi les généraux que la perte du général de brigade de Billy, excellent soldat; parmi les blessés, le général de brigade Conroux. Parmi les colonels morts, les colonels Vergès, du douzième régiment d'infanterie de ligne; Lamotte, du trente-sixième; Barbenegre, du neuvième de hussards; Marigny, du vingtième de chasseurs; Harispe, du seizième d'infanterie légère; Dulembourg, du premier de dragons; Nicolas, du soixante-unième

de ligne; Viala, du quatre-vingt-unième; Higonet, du centhuitième.

Les hussards et les chasseurs ont montré dans cette journée une audace digne des plus grands éloges. La cavalerie prussienne n'a jamais tenu devant eux ; et toutes les charges qu'ils ont faites devant l'infanterie, ont été heureuses.

Nous ne parlons pas de l'infanterie française; est reconnu depuis long-temps que c'est la meilleure infanterie du monde. L'empereur a déclaré que la cavalerie française, après l'expérience des deux campagnes et de cette dernière bataille, n'avait pas d'égale.

L'armée prussienne a dans cette bataille perdu toute retraite et toute sa ligne d'opérations. Sa gauche, poursuivie par le maréchal Davoust, opéra sa retraite sur Weimar, dans le temps que sa droite et son centre se retiraient de Weimar sur Naumbourg. La confusion fut donc extrême. Le roi a dû se retirer à travers les champs, à la tête de son régiment de cavalerie.

Notre perte est évaluée à mille ou douze cents tués et à trois mille blessés. Le grand-duc de Berg investit en ce moment la place d'Erfurth, où se trouve un corps d'ennemis que commandent le maréchal de Mollendorff et le prince d'Orange.

L'état-major s'occupe d'une relation officielle, qui fera connaître dans tous ses détails cette bataille et les services rendus par les différens corps d'armée et régimens. Si cela peut ajouter quelque chose aux titres qu'a l'armée à l'estime et à la considération de la nation, rien ne pourra ajouter au sentiment d'attendrissement qu'ont éprouvé ceux qui ont été témoins de l'enthousiasme et de l'amour qu'elle témoignait à l'empereur au plus fort du combat. S'il y avait un moment d'hésitation, le seul cri de vive l'empereur! ranimait les conrages et retrempait toutes les ames. Au fort de la mêlée, l'em

pereur voyant ses ailes menacées par la cavalerie, se portait au galop pour ordonner des manœuvres et des changemens de front en carrés ; il était interrompu à chaque instant par des cris de vive l'empereur! La garde impériale à pied voyait avec un dépit qu'elle ne pouvait dissimuler, tout le monde aux mains et elle dans l'inaction. Plusieurs voix firent entendre les mots en avant? « Qu'est-ce? dit l'empereur; ce ne peut être qu'un jeune homme qui n'a pas de barbe qui peut vouloir préjuger ce que je dois faire; qu'il attende qu'il ait commandé dans trente batailles rangées, avant de prétendre me donner des avis. » C'étaient effectivement des vélites, dont le jeune courage était impatient de se signaler.

Dans une mêlée aussi chaude, pendant que l'ennemi perdait presque tous ses généraux, on doit remercier cette Providence qui gardait notre armée. Aucun homme de marque n'a été tué ni blessé. Le maréchal Lannes a eu un biscaïen qui lui a rasé le poitrine sans le blesser. Le maréchal Davoust a eu son chapeau emporté et un grand nombre de balles dans ses habits. L'empereur a toujours été entouré, partout où il a paru, du prince de Neufchâtel, du maréchal Bessières, du grand maréchal du palais, Duroc, du grand-écuyer Caulincourt, et de ses aides-de-camp et écuyers de service. Une partie de l'armée n'a pas donné, ou est encore sans avoir tiré un coup

fusil.

De notre camp impérial de Weimar, le 15 octobre 1806.

Aux archevêques et évêques de l'empire.

de

« Monsieur l'évêque, le succès que nous venons de rem porter sur nos ennemis, avec l'aide de la divine providence, imposent à nous et à notre peuple l'obligation d'en rendre au Dieu des armées de solenuelles actions, de graces. Vous ávez vu, par la dernière note du roi de Prusse, la nécessité où nous nous sommes trouvé de tirer l'épée pour défendre

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