ait raison de s'enorgueillir de sa méthode, comme il le fait à l'égard de M. Reuss (p. 742); nous ne croyons plus qu'il ait trouvé plus de « choses certaines » que ce savant. Nous pensons, du reste, que M. S. a tort de se prononcer, comme il le fait dans la préface, sur l'inutilité des recherches des sources directes des auteurs que nous avons encore. Est-ce vraiment faire ouvre d'historien que d'ignorer comment a travaillé l'écrivain qu’on analyse, c'est-à-dire s'il a été un simple manoeuvre ou un artiste qui pense ? Nous, parmi les questions qui sont d'une importance décisive, nous plaçons celle-ci : « Plutarque a-t-il copié sur un seul auteur les trois biographies, comme l'a pensé M. S. dans le texte de son livre ? » On ne peut pas, selon nous, passer au crible les sources primitives, si l'on n'est pas fermement assuré qu'il y a là ou qu'il n'y a pas là des sources secondaires. Nous mettons donc de côté dans le livre de M. S. deux choses, dont l'une ne nous plaît pas, à nous, et dont l'autre n'est pas approuvée de l'auteur lui-même (dans la préface) : une critique trop subjective sur de nombreux points particuliers, et la source intermédiaire; et nous demandons ce qui reste encore de ce livre. Hâtons-nous de le dire, pour ne pas laisser au lecteur une impression défavorable d'un ouvrage si consciencieusement étudié, auquel l'auteur lui-même a nui par sa préface : il reste du travail de M. S. une foule de remarques de détail, qui s'imposent à l'attention de quiconque veut étudier l'histoire des successeurs d'Alexandre; il reste un auteur, qui a fouillé son sujet et qui ne craint pas d'avouer lui-même qu'il s'est trop pressé de tirer de ses observations des conclusions générales. Les six appendices nous paraissent d'ailleurs très-remarquables. Je puis confirmer un des points traités par M. S. : j'ai exprimé l'opinion qu'il énonce (p. 683) sur la source de Diodore (XIII, 20-27), dans mon Histoire de Sicile (II, 364), à vrai dire, pour d'autres motifs ; mais cela ne fait que confirmer et justifier l'opinion de M. Schubert. Ad. HOLM. 97. E. Person. De P. Cornelio Scipione Æmiliano Africano et Numantino. Paris, Thorin. 1877, in-8° de 164 p. M. Person, dans une thèse élégamment écrite, a voulu exposer la vie de Scipion Emilien. Il a raconté tour à tour son origine, son éducation, ses rapports avec les principaux personnages de son temps, les relations d'amitié qui l'unirent à Térence et à Lucilius, ses guerres en Afrique et en Espagne, enfin le rôle qu'il joua pendant les troubles que provoquèrent les Gracques. Cette monographie consacrée à un des hommes les plus éminents de Rome ne nous apprend rien de bien nouveau, mais elle a le mérite d'être complète et de rappeler tous les événements a auxquels Scipion Emilien a été mêlé. L'auteur s'est beaucoup servi de l'histoire romaine de Mommsen qu'il cite souvent, et de celle de M. Duruy qu'il ne cite pas; mais il a aussi étudié de près les textes originaux et il en a généralement tiré un excellent parti. Je me permettrai pourtant de lui adresser sur un point une critique assez grave. Si M. P., par une analyse sobre et exacte du De Republica de Cicéron, nous fait connaître les opinions théoriques de Scipion Emilien en matière politique, il ne montre pas suffisamment quelles étaient, comme on dirait aujourd'hui, ses idées en matière sociale. Il est certain que ce grand esprit se rendait compte des maux qui rongeaient alors la société et qu'il désirait y porter remède. Mais comment y se proposait-il, soit de les guérir, soit de les atténuer ? Quels plans de réformes avait-il conçus en ce qui concernait la plebe romaine et les Italiens encore réduits à la condition de sujets ? Il fut hostile à la loi agraire de Tib. Gracchus, et il la fit abroger implicitement. Pourquoi agit-il de la sorte ? Etait-il ennemi, en principe, de toute loi agraire? Dans le cas contraire, trouvait-il celle-ci injuste ou dangereuse? L'ouvrage de M. Person ne fournit pas de réponse nette à ces questions ; il eût été cependant intéressant de chercher à les résoudre. Paul GUIRAUD. 98. – C. COURRIÈRE. Histoire de la littérature contemporaine chez les Slaves. Un vol. in-12, XXI11-553 p. Paris, Charpentier. 1879. Prix : 3 fr. 5o. Ce volume serait fort utile s'il était rédigé par un homme compétent. Malheureusement l'auteur qui sait le russe et qui paraît en état de lire le polonais, ignore absolument les autres langues slaves. Dans ces conditions, il lui était bien difficile – même avec l'aide des travaux russes les plus estimables - de publier un travail sérieux. Pour faire connaître au lecteur français une littérature étrangère, il faut d'abord être en état de la lire soi-même dans l'original. On ne pourra étudier sans défiance dans cet ouvrage que le chapitre consacré à la littérature polonaise et la conclusion qui traite du panslavisme. Cette partie du volume est suffisante. Tout le reste fourmille de fautes et d'erreurs. Parlons d'abord de la transcription adoptée par M. Courrière : « Vu l'existence des deux alphabets latin et cyrillique, il a dû, dit-il, adopter une méthode de transcription uniforme. Ainsi : C prononcez ts, ex. : : citaonica, prononcez tsitaonitsa. >> C'est jouer de malheur. Le mot serbe en question se prononce précisément tchitaonitsa et, dans le système proposé par M.C., il devrait s'écrire czitaonica. Un peu plus loin M. C.nous annonce qu'il transcrira le groupe Sch par Sz (ce qui est la transcription polonaise). Dans tout le cours de l'ouvrage l'auteur des Antiquités slaves est appelé Shafajik (sic)! Le groupe rz (qui se prononce rj) est traduit par unj, très insuffisant, et c'est cette transcription qui vaut à Schafarik l'orthographe grotesque dont M. C. l'a affublé. Cependant nous voyons le groupe rz maintenu dans l'orthographe des noms polonais comme Rzewuski. En thèse générale, M. C. s'est imaginé qu'il devait donner au lecteur une idée de la prononciation des noms slaves '; ce système est surtout bizarre quand il a pour résultat de défigurer des noms connus, que l'on est habitué à voir reproduire d'une façon déterminée en lettres latines. A quoi bon écrire Miklosicz quand le célèbre slaviste a adopté lui-même l'orthographe Miklosich ? M. C. n'a pas vu la plupart des noms qu'il cite sous la forme originale. Il les re. produit d'après la transcription russe qu'il a trouvée dans le livre de M. Pypine ou ailleurs. De là les erreurs les plus singulières ; ainsi, dans le chapitre consacré à la littérature tchèque, nous trouvons les noms de MM. Jesber, Klicper, et Szember substitués aux noms de Jezbera, Klicpera, et Szembera. M. C. a pris ces formes en a pour des génitifs. Nous trouvons de même MM. Lepasz et Erjabek substitués à MM. Lepar(z) et Jer(z)abek qui, d'après le système proposé par M. C., auraient dû devenir Lepaj et lejabek. En russe, la lettre E a le son de IE. L'auteur reproduit simplement un E français là où le tchèque a la diphthongue IE (Esénic pour Jésenic). De même, M. C. qui ignore la langue serbocroate appelle constamment la capitale de la Croatie Zahreb (Zagreb, Agram). Le G russe ayant souvent la valeur de H, M. C. a transporté cette valeur au G croate qui ne l'a jamais connue. Sans fatiguer plus longtemps le lecteur de ces détails purement techniques, entrons dans l'examen du livre lui-même. M. C. a compris que l'histoire contemporaine des littératures slaves ne pouvait pas être isolée de leur histoire antérieure et il a cru devoir la retracer rapidement. Mais il était trop mal préparé à cette tâche difficile pour ne pas tomber dans les erreurs les plus déplorables. Le chapitre I présente quelques considérations générales sur les Jougo-Slaves. Nous y apprenons que l'empereur Héraclius (610-641) vivait au sixième siècle (p. 5). Les Slaves s'établissent dans le pays de Srem (c'est la Syrmie) et dans le Baczek. Il faut lire dans la Baczka. M. C. qui a rencontré le mot en russe au cas oblique n'a pas pu deviner quel en était le genre et le nominatif. . 1. P. 105 M. C. parle de M. Czernojevicz. Il faut dire Cernojevicz; de même, p. 109, il écrit posiestrima d'après la prononciation russe; p. 121, Doudicz, au lieu de Doutjicz (en adoptant sa transcription), etc., etc. Quand il s'agit de langues qui ont adopté l'alphabet latin, le plus simple est de reproduire, avec le moins de modifications possible, l'orthographe indigène. Prétendre rendre la prononciation, c'est s'exposer à égarer le lecteur et rendre certaines recherches impossibles. Qui reconnaîtra Jean Zizka sous la forme Jijka? Serait-ce faciliter l'étude de la littérature allemande ou italienne que d'écrire Gueuté, Chillère, Oulannd, Faoust, Dannté Aliguieri, Tchésarotti, Kiabréra, etc.? Nous ne le pensons pas, Nous apprenons, à la même page, que le patriarche des Serbes de Hongrie réside à Karlovac. Le locatif russe n'a pas permis à M. C. de distinguer Karlovac (Karlstadı), ville croate, de Karlovci (Karlowitz), qui est la résidence du patriarche en question. P. 12, il est question de la ville de Soline en Dalmatie. Il faut lire Solin ou Salone. De même Split doit être transcrit en slave par Splijet, en italien par Spalato. - P. 13 Vinodola, lisez Vinodol; l'adjectif possessif Vinodolski n'a pas permis à M. C. de reconnaître le genre du nom géographique. Deux lignes plus bas, M. C. invente une ville de Veprinek substituée par lui à celle de Veprinac. On lit, à la même page, que la glagolica fut protégée par les papes et par les archevêques, que des imprimeries glagolitiques furent établies à Tubingen, à Rome. M. C. ignore que l'imprimerie de Tubingen est une imprimerie protestante. Elle date du xvro siècle et est, par conséquent, fort antérieure à la réforme des livres de Karaman qui vivait au xvIII°, et que M. C. semble considérer comme antérieure à la fondation de l'imprimerie de Tubingen. On lit, à la page suivante, qu'il n'a été trouvé en Bohême qu'un seul fragment glagolitique, celui de M. Hæfler. M. C., parle, quelques lignes plus bas, de l'évangile de Reims; ignore-t-il donc qu'il renferme une partie glagolitique? – P. 23. La ville bulgare de Velica (Bea67%a) est appelée Velicz, et l'empereur Basile, Bolgarokhton au lieu de Bolgarokhtonos. Après un résumé succinct de la littérature bulgare savante, M. C. s'occupe de la poésie populaire. Il reproduit, en l'abrégeant, la brochure de M. Chodzko sur Verkovic (études bulgares) et se contente d'affirmer que l'authenticité du «Véda slave » n'a été niée que par MM. Jireczek et Leger, qui s'est contenté de traduire M. Jireczek à la légère. Il nous permettra de le renvoyer à la Bibliothèque universelle de Genève (février 1876) où il trouvera des arguments que nous n'avions pas pu développer dans le cadre restreint de la Revue critique. M. Jos. Jireczek, dans une note mise à la page 735 de l'édition russe de son histoire des Bulgares (Odessa, 1878), se plaît à reconnaître que nous avons été le premier en Occident à signaler la fraude de Verkovic ou de ses complices. M. C. ignore, bien entendu, le jugement de M. Jagic dans l'Archiv für Slavische Literatur (année 1876, p. 577) qui accuse Verkovic d'attentat sur la poésie populaire slave, et celui du savant Bulgare, M. Drinov, également paru en 1876 dans la Revue bulgare de Braïla. M. Drinov, publiant un chant populaire, le Mariage du soleil (p. 153-157), fait remarquer qu'un chant analogue a été publié dans le Véda slave ; et il ajoute : « On voit bien que ce chant a été fabriqué (sotchinena) ou du moins arrangé (priemaïstorena) par quelque patriote bulgare exagéré (priekalen). » M. Drinov promettait alors de revenir sur Verkovic et son recueil. On comprend que les événements qui sont survenus depuis l'aient détourné de ses études. Renvoyons encore M. C. à l'opinion de M. Py. pine dans la nouvelle édition de l'Histoire des littératures slaves (Pé. tersbourg, 1879), qu'il n'a pas pu consulter à l'époque où il compilait son I volume, et au dernier fascicule de l'Archiv für slavische Literatur où M. Jagic vient d'exposer une fois de plus son opinion (p. 742-744). Passons à la littérature serbe. M. C., qui a suivi la première édition du livre de Pypine (1866), n'oublie qu'une chose dans sa bibliographie, c'est l'histoire de la littérature serbe de M. Stojan Novakovic qui a eu, depuis 1867, deux éditions. N'étant pas mentionnée dans Pypine, elle lui est naturellement inconnue. Les erreurs abondent dans ce chapitre. M. Novakovic, l'auteur de vingt volumes estimés sur la littérature des Serbes méridionaux, n'est mentionné (p. 92) que pour un seul de ses opuscules. Les noms des écrivains ragusains, p. 77, sont abominablement écorchés. M. C. classe, parmi les écrivains ragusains, le célèbre panslaviste Krijanitch (Krizanic), né aux environs d'Agram et qui ne sut jamais un mot de la littérature ragusaine. P. 116-143, M. C. trace une esquisse historique de la Bosnie et de l'Herzégovine. Il nous apprend que les catholiques de ces provinces sont appelés Szokaci. Ce nom est exclusivement réservé aux SerbesCroates catholiques qui vivent en Hongrie dans la Baczka. Cette province porte décidément malheur à M. C. Il nous entretient, à diverses reprises, de l'hérésie des Patharènes (sic). En français, on dit Patarins. — P. 152. Il est question du poète Medo Pouczicz qui « habita quelque temps la Serbie et fut précepteur du prince Milan. C'est à cette occasion qu'il publia ses Souvenirs serbes.» Le volume auquel M. C. fait allusion est intitulé Spomenici Serbski od 1395 do 1423, c'est-à-dire -à Monuments ou Documents serbes de 1395 à 1423. Ce sont des textes empruntés aux archives de Raguse et publiés par M. Pouczicz à Belgrade, en 1858, c'est-à-dire dix ans avant que l'écrivain ragusain ne fût nommé gouverneur du prince Milan. Notre auteur a pris ce gros inquarto pour des mémoires de voyage. — P. 157. Nous apprenons que M. Koch a laissé l'histoire de la musique slave, ce qui nous permet de croire que M. Koch n'est plus en vie aujourd'hui. – P. 159. Nous retrouvons un certain M. Kouhacz qui annonce la publication de nombreux chants populaires. Apprenons au lecteur que M. Kouhacz-Koch, aujourd'hui parfaitement vivant, n'est qu'un seul et même personnage. M. Koch a traduit son nom allemand en serbe : Kouhacz. M. C. n'a pas un instant soupçonné ce fait : Koch et Kouhacz figurent l'un après l'autre dans sa table alphabétique. Passons à la littérature slovène, « De la littérature sacrée de l'époque « chrétienne, il nous a été conservé une copie en latin des fragments de Frisinsky, qu'on appelle improprement Frisingen, écrit doctorale« ment M. C., et il ajoute en note : Shafajik (sic) attribue ces fragments « à Abraham, évêque de Frisinsky. » M. C. s'est peu soucié de trouver sur la carte la ville de Frisinsky! Apprenons-lui qu'il s'agit tout simplement de la ville bavaroise de Freisingen, située sur l'Isar, entre Augsbourg et Landshut : M.C. a pris pour un nom de ville l'adjectif possessif Frisinsky. A la page suivante, il appelle Bogoricz le grammairien |