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mettre entre les mains des jeunes gens de seize ans. Mais, puisque Mélanchthon recommande, à ce qu'il paraît, de lire quatre auteurs grecs, savoir: Homère, Hérodote, Démosthène et Lucien, nous accorderons à M. Sommerbrodt, pour lui faire plaisir, qu'il n'y a pas après Lucien pour développer le caractère des jeunes gens et en faire des hommes : demandons-lui seulement en retour l'aveu que, s'il a beaucoup pratiqué son Lucien, il connaît moins bien son Rabelais. Cela du moins, on pourrait le pardonner à un éditeur de Lucien.

2. M. Maurice Croiset a eu soin de lire tout ce que les Allemands ont écrit avant lui sur le Nigrinus. Il aime à se ranger modestement à l'avis des << juges les plus compétents » dans la question, c'est-à-dire de MM. Jacobitz, Fritzsche 2, Sommerbrodt. En Français «< né malin », il leur joue le tour de leur faire dire un peu quelquefois ce qu'ils ne voulaient peutêtre pas dire. Au risque d'être accusé de « chercher la petite bête », citons, page 8, note 2: « M. Fritzsche suppose que le vieillard de l'Hermotime serait le philosophe Taurus, et que Lucien, après avoir, à vingtcinq ans, écouté SES ADJURATIONS PRESSANTES SANS Y CÉDER, aurait eu, un peu après, son entretien avec Nigrinus. » M. Fritzsche avait écrit moins éloquemment : «< Veluti XXV annos natus philosophum senem audierat, graecum scilicet idque Athenis: quem fuisse suspicor Taurum, Herodis Attici praeceptorem, philosophum Platonicum, quem etiam A. Gellius audivit Athenis. Aliquanto post Lucianus Romae visum iit Nigrinum, quocum Athenis notitiam contraxerat. » Dans le latin suivant de M. Fritzsche: «< C.-F. Rankius itemque J. Bekker Nigrinum alius esse scriptoris opus inepte suspicati sunt,» il ne faut pas entendre autre chose sinon qu'il n'y avait pas lieu de douter de l'authenticité du dia

9.

1. Nous signalerons aux éditeurs futurs de Lucien un manuscrit in-4o, en papier de coton. du xi° siècle, à ce qu'il semble, qui est conservé à la bibliothèque de l'Université d'Upsal. Les feuillets sont cotés de 1 à 216. Les feuillets 1-136, 177-178 et 180 contiennent de l'Aristide, savoir: sept discours entiers et les fragments de douze autres. Les feuillets 137-176, 179, 181-fin, contiennent dix-sept écrits de Lucien, dont dix entiers, savoir : Περὶ διαβολῆς; 2. Φάλαρις α'; 3. Πατρίδος ἐγκώμιον 4. Δίκη φωνηέντων; 5. Ψευδολογιστής ἢ Σολοικιστής; 6. Περὶ τοῦ ἐνυπνίου ἢ τοῦ βιότου Λουκιανοῦ; 7. Θεῶν διάλογοι ιβ'; 8. Νεκρικοί διάλογοι κει ; 'Eváλιοι διάλογοι ιδ'; 1ο. Δημώνακτος βίος, et sept autres incomplets, savoir : 1. Κατάπλους ἢ τύραννος; 2. Μίκυλλος (= Le Coq); 3. Προμηθεύς; 4. Ικαρομένιπ πος; 5. Τίμων ; 6. Προσλαλιὰ ἢ Διόνυσος; 7. Πρὸς ἀπαίδευτον. Autant qu'on en peut juger par la collation du petit écrit Le songe, ou la vie de Lucien, collation que nous pensons publier prochainement dans un autre recueil, ce cod. Upsal. est assez proche parent du ms. ¶ de Fritzsche. Les leçons suivantes paraissent nouvelles et à considérer Page 6, ligne 8, Fritzsche, дρoolμα Sлáρxεiv tñs téxvns (le mot únάpyetv est biffé, de première main, à ce qu'il semble). —P. 7, I. 4, outwę ca‡Ã ΤᾺ πάντα ἦν. L. 6, μικροῦ δεῖν γοῦν με (le mot γοῦν est biffé, de première main, à ce qu'il semble). — P. 13, 1. 2 d'en bas, 'O Þíkinños. · Il faudrait avoir collationné ce ms. sur une plus grande étendue pour pouvoir en déterminer nettement

la valeur.

2. Que M. C. écrit perpétuellement, par la faute de son imprimeur, Fritsche.

logue. Pourquoi M. C. souligne-t-il, méchamment, inepte, et ajoute-t-il : « Le jugement est dur, même en latin?» Au demeurant, l'étude de M. C. est un beau morceau, dont nous pensons d'autant plus de bien, que l'auteur y soutient une thèse qui nous paraît parfaitement légitime. Il prouve que Lucien n'avait que vingt-cinq ans, lorsque se passa la scène qu'il retrace dans le Nigrinus et que cette scène n'est autre que celle à laquelle il est fait allusion dans l'Hermotime. On a vu dans la première des deux phrases latines ci-dessus reproduites, que M. Fritzsche était d'une opinion assez approchante. M. Croiset nous avertit loyalement que la thèse qu'il développe a été proposée comme évidente en 1834 par Wetzlar.

Ch. GRAUX.

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Henri VAST, Le cardinal Bessarion (1403-1472). Etude sur la chrétienté et la Renaissance vers le milieu du xv siècle. Paris, Hachette. 1878, xv472 p. vol. in-8°. Prix : 7 fr. 50.

Le Grec Bessarion, né à Trébizonde en 1403, devenu en 1439 cardinal romain et mort en 1472, s'est rendu célèbre par l'ardeur avec laquelle il a poursuivi l'union de ses compatriotes avec l'Eglise latine, par son zèle pour décider les souverains occidentaux à une croisade contre les conquérants de la Grèce, et par le grand rôle qu'il a joué dans l'histoire de la Renaissance italienne. A tous ces titres il est un des personnages les plus intéressants du xv° siècle. M. Vast le caractérise parfaitement par ces mots : «< Bessarion a vécu à la limite de deux âges. C'est un Grec devenu Latin, un moine Basilien transplanté dans le Sacré-Collège, un cardinal qui protège les savants, un théologien scolastique qui rompt des lances en faveur du platonisme, un adorateur zélé de l'antiquité qui a contribué plus que personne à faire naître l'âge moderne. Il se rattache au moyen âge par l'idéal qu'il cherche à réaliser de l'union chrétienne et de la croisade; et il domine son siècle, il le pousse avec ardeur dans les voies nouvelles du progrès et de la Renaissance » (page x1). Encore peu connu en France, il méritait qu'on s'occupât de lui; M. V. a entrepris de nous retracer son image, et il l'a fait d'une manière éminemment satisfaisante. Outre les ouvrages imprimés, il a pu consulter des livres et des discours inédits de Bessarion, conservés soit à Venise, soit à la Bibliothèque nationale ; il s'est donné la peine d'étudier les traités du cardinal, bien qu'ils manquent d'originalité et qu'ils soient consacrés presque tous à une polémique qui a perdu beaucoup de son intérêt pour nous. Aussi a-t-il produit un livre qui lui fait autant d'honneur à lui-même qu'à la nouvelle école historique française. Son travail se distingue par l'abondance et le judicieux groupement des ma

1. M. Vast publie quelques-unes de ces pièces dans son appendice.

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tériaux, par la sûreté de la critique, par une sobriété de style qui n'exclut pas une certaine vivacité. Les points obscurs ou controversés dans l'histoire de Bessarion sont discutés avec le plus grand soin, et les résultats auxquels l'auteur arrive s'appuient sur des arguments qu'il nous paraît difficile de réfuter. Il est permis de dire qu'il a donné de son personnage la première biographie complète, laquelle, pour presque tout ce qui concerne les faits, peut être considérée comme définitive.

Une analyse détaillée du livre serait contraire au but de cette Revue ; nous ne ferons des réserves que sur quelques-unes des appréciations de M. V. Il lui est arrivé ce qui arrive à beaucoup de biographes qui, dans leur admiration pour leurs héros, s'identifient si bien avec eux qu'ils croient devoir défendre toutes les causes qu'ils ont défendues, et qu'ils ressentent leurs échecs presque comme des malheurs qui les auraient frappés eux-mêmes. Touché du patriotisme de Bessarion, M. V. donne, dans l'histoire des tentatives d'union des Grecs avec les Occidentaux, le seul beau rôle au cardinal, tandis qu'il n'a que des reproches pour ceux des Byzantins qui ne se laissèrent pas entraîner par lui. Nous aussi, nous admirons le patriotisme de ce Grec qui, affligé des malheurs de son pays, chercha de bonne heure les moyens de le relever et de lui procurer des secours contre les Turcs. Le moyen qui lui sembla le plus efficace était l'union. Les Grecs étaient déchus et corrompus, nous en convenons, mais, malgré leur décadence, ils étaient attachés à leur Eglise qui, après tout, avait été une grande Eglise ; c'est elle qui, en Grèce, avait sauvé la civilisation. Pour les délivrer des Turcs, Bessarion subordonna les intérêts religieux aux intérêts politiques; il n'a pas eu, M. V. le constate luimême (p. 1x), un caractère vigoureusement trempé; plus diplomate, plus moyenneur que théologien convaincu, il ne ménagea aucune subtilité pour persuader à ses contemporains qu'ils pouvaient se soumettre à Rome sans dommage pour leur foi. Suivant M. V., il ne leur demandait que « le sacrifice d'une mesquine vanité nationale et la reconnaissance de la primauté du pape. » Mais, pour les Grecs, leurs dogmes et leurs traditions n'ont pas été quelque chose de si mesquin et la primauté du pape quelque chose de si indifférent, pour qu'ils eussent pu, d'un moment à l'autre, renoncer aux premiers et accepter la seconde, devenue plus absolue encore depuis l'avortement des conciles de Constance et de Bâle. On est un peu surpris de voir un savant aussi versé que M. V. dans l'histoire du moyen âge écrire, p. 101, qu'à propos de la primauté romaine il ne s'est agi que d'une question d'amour-propre; il s'est agi, en réalité, d'une question beaucoup plus grave, savoir de celle de l'abandon de toute autonomie ecclésiastique 1.

1. En général, pourquoi M. V. ne montre-t-il pas un peu plus d'indulgence pour l'Eglise grecque Dans un ouvrage aussi sérieux que le sien, était-il utile de rappeler, p. 19, les épigrammes qu'aujourd'hui encore on fait en Grèce contre les prêtres mariés? Il y a des pays catholiques où l'on fait des épigrammes contre les prêtres soumis à la loi du célibat.

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L'histoire du concile de Florence, de ses préliminaires et de ses suites, est exposée d'ailleurs avec toute la clarté désirable et avec assez de détails pour le faire connaître en France, où on le connaît encore si peu. M. V. s'est attaché, avec raison, moins aux discussions théologiques qu'à la physionomie de l'assemblée et au rôle de Bessarion; cependant, il donne la substance des débats en ce qu'elle a de plus essentiel. N'oublions pas de dire à cette occasion que, dans son appendice, p. 437 et suiv., il démontre par d'excellents arguments que l'une des sources de l'histoire du concile, les Acta graeca, sur l'auteur desquels on a été dans l'incertitude, ne peuvent être que de Bessarion lui-même.

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On sait que le concile n'eut qu'un résultat médiocre; l'Union qu'il décréta fut repoussée par la plupart des Byzantins. M. V. accuse ces derniers d'un fatal entêtement et d'un grossier fanatisme, » p. 111, et pourtant il ne peut s'empêcher de reconnaître que l'Union n'aurait plus laissé à leur Eglise aucune indépendance et que les papes ont voulu trop les latiniser. Si leur empire a péri, la cause n'en est pas le rejet de l'Union, car, lors même qu'ils seraient devenus catholiques romains, le monde occidental n'aurait rien fait pour eux. On le voit bien par la suite du livre de M. V. Après l'insuccès du concile de Florence, Bessarion, resté en Italie et élevé à la dignité de cardinal, consacra tous ses efforts « à la folie de la croisade ». Plusieurs fois il fut envoyé à cet effet comme légat en Italie, en Allemagne, en France. Que M. V. nous permette ici une observation concernant la légation de Bessarion en Allemagne en 1640. Les Allemands, est-il dit p. 250, ne surent pas «< apprécier la mission toute pacifique de Bessarion, ils ne voyaient en lui, comme dans tous les légats du pape, que des personnages chargés de lever de nouveaux impôts et d'augmenter les charges déjà si accablantes. Bessarion, malgré son honnêteté, n'échappa point à ce reproche. » Il paraît que M. V. n'a pas eu connaissance des Selecta juris et historiarum de Senckenberg, Francfort, 1738, in-8°, p. 331 et suiv. Dans cet ouvrage il aurait trouvé l'appel rédigé à Nuremberg par les électeurs contre le responsum finale, que le légat leur avait opposé à Vienne et qui les avait offensés; ils se plaignent de sa prétention de vouloir présider les diètes et lever des dîmes sans le consentement des princes et des prélats. M. V., qui comprend la défiance des Allemands « si souvent trompés, » la regrette, puisqu'il s'agit de Bessarion. Il est vrai que, par une bulle du 4 septembre 1641 2, le pape essaya de laver son légat de ces reproches; mais cette justification ne fut qu'un expédient politique du saint-siège pour ne pas s'aliéner les électeurs. M. V. dit, en outre, p. 251, que « deux

1. Notons, en passant, que le doyen de la cathédrale de Bâle, que Bessarion employa dans l'affaire de l'archevêque de Mayence, Thierry d'Isembourg, p. 247, ne s'est pas appelé Jean Flasland, mais Jean Werner de Flachsland.

2. C'est une bulle, et non pas une simple lettre du cardinal de Pavie; elle est publiée dans le Reichstag theatrum de Müller, Jena, 1713, in fol., t. II, p. 29.

historiens allemands prétendent qu'en quittant Vienne, Bessarion donna, en signe de mécontentement, la bénédiction de la main gauche et avec deux doigts seulement. » Ce n'est pas en quittant Vienne que le légat manifesta de cette façon son mécontentement, c'est dans une réunion d'électeurs et d'évêques qu'il avait convoquée à Nördlingen en Franconie; là il avait demandé une dîme générale sur le clergé de l'Empire, et on ne lui avait donné qu'une réponse dilatoire, sur quoi « dedit in ira sua oratoribus benedictionem cum sinistra manu »; ce fait est rapporté par Senckenberg, p. 315, d'après un manuscrit contemporain. M. V. trouve que c'eût été «< une bien mesquine vengeance et indigne d'un personnage aussi considérable et aussi éclairé »; pour expliquer la chose, il assure que bénir de la main gauche a été la coutume grecque ; Bessarion a donc pu bénir ainsi sans être en colère. C'est aller un peu vite en fait d'apologie. Le savoir de M. V., ordinairement si sûr, est ici en défaut; les Grecs ont béni de la main droite, comme les Latins : la seule différence a consisté dans la position des doigts. A l'appui de son dire, l'auteur cite quelques mosaïques de Ravenne et de Rome; nous ne pouvons pas vérifier en ce moment ce qu'il en affirme, mais si en effet on voit sur ces monuments des personnages bénissant de la main gauche, il faut l'attribuer à une erreur des artistes; sur toutes les images byzantines qui nous sont connues et nous pourrions en indiquer un grand nombre - on bénit invariablement de la droite; le même fait est constaté par Didron, dans son Histoire de Dieu, p. 415 : « la bénédiction se fait toujours de la main droite, la main puissante. » Il nous semble aussi que M. V. attache trop d'importance à la courte légation de Bessarion auprès de Louis XI; il affirme, sans le prouver, que c'est le cardinal qui a fait accepter au roi le concordat de 1472 (p. 416); il est même d'avis que cet acte a été un bénéfice pour l'église de France.

Mais ce ne sont là que des remarques de détail qui ne touchent pas à la valeur générale du livre. Pour ne pas trop allonger ce compterendu, nous nous bornons, en terminant, à appeler encore l'attention des lecteurs sur les chapitres où l'auteur traite de l'influence de Bessarion sur la Renaissance, de la protection qu'il accordait aux savants, notamment aux Grecs réfugiés en Italie, de l'Académie qu'il avait formée à Rome et de sa bibliothèque, enfin de sa part dans les querelles philosophiques sur Platon et Aristote et de la victoire qui, grâce à lui, fut remportée alors par le platonisme. Ces chapitres ne sont pas moins intéressants que tous les autres. Tout au plus pourrait-on souhaiter que, pour ce qui concerne la Renaissance, M. Vast n'eût pas suivi uniquement Tiraboschi; quelque méritoire que le grand ouvrage du savant italien soit encore aujourd'hui, il en a paru de plus récents, qui révèlent de nouveaux faits sur l'histoire de la reprise des études classiques en Italie.

C. S.

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