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d'asile en asile; le 8 pluviose il est arrêté dans la rue du Four, comme il sortait de l'hôtel du Nord. Cet accusé portait le nom de Soyer, de Sollier, de Robineau et de Pierre Martin.

On arrêta plusieurs personnes chez lesquelles ces hommes avaient logé à Paris, notamment Adélaïde-Marie Champion de Cicé, etc.; mais on ne put se saisir de Joseph-Pierre Picot-Limoëlan dit Beaumont-Bourleroi, chef de chouans, qui avait joué un grand rôle dans l'affaire de la machine infernale; ni de Bourgeois, Coster dit SaintVictor, Édouard Lahaye dit Saint-Hilaire, Joyaut, ni d'Ambroise-Marie Songé.

La procédure produisit des lumières surabondantes; les dépositions des témoins, les interrogatoires de quelques accusés, éclairèrent tous les détails et firent connaître les auteurs de l'affreux complot. Les débris de la charrette, du baril, de la mitraille qu'elle contenait, du cheval qui y était attelé, quelques parties de poudre qui furent soumises à l'examen, et jugées de fabrique étrangère, devinrent des indices et amenèrent des preuves. Ces divers objets, reconnus par ceux qui les avaient vendus et réparés, firent de plus reconnaître les hommes qui les avaient achetés, qui en avaient ordonné la réparation, et ceux qui avaient loué une remise pour placer la charrette. Des paroles échappées, des lettres trouvées dans les chambres habitées par les conjurés, un baril de poudre, des caisses d'armes, déposés dans les lieux où ils avaient

logé, des expériences faites par eux sur le temps que mettait à s'enflammer entièrement un lambeau d'amadou; les soins que prenaient les conjurés à changer de nom, d'habit et de domicile, et à cacher au public leurs préparatifs, ne laissèrent plus

de doute sur les criminels.

Les principaux accusés traduits dans les mains de la justice étaient Saint-Réjant, ancien officier de marine, chef de chouans, et l'autre Carbon, compagnon de Saint-Réjant; tous les deux trèssuspects d'avoir arrêté et pillé des diligences, et le dernier d'avoir de plus commis un vol dans une église. Carbon jouait auprès de Saint-Réjant le ròle de domestique. Ces deux hommes, ainsi que plusieurs autres que la justice n'a pu saisir, étaient subordonnés à Georges Cadoudal, chef de chouans, qui, par les ordres et avec l'argent du ministère anglais, avait ordonné et payé l'attentat du 3 ni

vose 1.

Les chouans et adhérens étaient convaincus que, pour renverser la république et envahir le gouvernement de la France, tous les préceptes de la religion pouvaient être foulés aux pieds, et tous les

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Saint-Réjant mit le feu au baril de poudre et de mitraille placé sur la charrette attelée d'un petit cheval; il donna avant l'explosion, à une jeune fille de 14 ans, nommée Pensol, douze sous pour garder la charrette. Saint-Réjant en lui confiant la charrette savait que cette malheureuse allait être mise en pièces! (Procès instruit par le tribunal criminel de la Seine contre Saint-Réjant et Carbon, t. I, p. 310, 311.)

principes de morale violés; que les crimes les plus bas, les plus horribles, leur étaient permis. Pour tuer un homme, ils ne répugnaient pas à en tuer, à en blesser un grand nombre, et à ruiner plusieurs familles. Ces hommes, quoiqu'ils affectassent quelques pratiques religieuses, et qu'ils parlassent d'honneur, professaient la religion, la morale et l'honneur des détenus dans les bagnes et dans les cachots de Bicêtre.

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Le président du tribunal criminel, dans un résumé qu'il prononça sur cette affaire, manifeste une opinion semblable, et ajoute : « C'est ainsi qu'était composée cette armée, soi-disant royale >> et catholique, que la perfide politique d'un ca»binet trop connu a su organiser et disséminer » dans plusieurs contrées de la France. On y a >> vu des hommes, les uns aigris par le malheur » ou pressés par le besoin, les autres dirigés par un fanatisme insensé, d'autres enfin tellement impurs que l'indulgence n'a été pour eux qu'un » moyen d'exercer le crime avec une nouvelle >> audace.

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» Le chef de ces brigands que je viens de dépeindre, toujours soudoyé par le cabinet de » Londres, n'a feint de rendre les armes que pour servir nos ennemis avec plus d'activité, pour entrer plus particulièrement dans les vues de » cette cour dont l'orgueil voudrait envahir jus» qu'à la liberté des mers. Ce vil assassin, connu >> sous le nom de Georges, est resté avec le ramas

» de brigands qu'il s'était associé; et les attaques » sur les routes, le pillage des voitures publiques, » tous les crimes ont été organisés et commis par »ses ordres. Mais le but de cet homme atroce

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» n'était pas rempli; la haine du cabinet de Saint» James n'était pas satisfaite; l'ordre qui renaissait en France, un gouvernement fort de l'opinion publique..., tout présageait à cet audacieux la >> fin de ses brigandages, et qu'il n'aurait plus qu'à >> regretter ses coupables efforts'.

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Après une longue procédure et des débats qui durèrent depuis le 11 germinal an IX jusqu'au 16 de ce mois, en ce dernier jour le tribunal criminel prononça son jugement, dont voici la subs

tance:

Catherine Jean, femme d'Alexandre Vallon, Aubine-Louise Gouyon, veuve de Beaufort, MarieAnne Duquesne; Louise Mainquet femme Leguilloux et Jean-Baptiste Leguilloux, qui avaient logé les conjurés sans en faire leur déclaration à la police, sont condamnés à trois mois d'emprisonnement dans une maison de correction.

Bazile-Jacques-Louis Collin, officier de santé, qui après l'explosion du 3 nivose avait donné à l'accusé Saint-Réjant les secours de son art sans en instruire le commissaire de police, est condamné à

• Procès instruit par le tribunal criminel de la Seine contre les nommés Saint-Réjant, Carbon et autres; tome II, pages 267, 268.

trois cents francs d'amende et en trois mois d'emprisonnement dans une maison de correction.

Les accusés de Cice, les filles Gouyon-Beaufort, les filles Vallon, Baudet, Lavieuville et sa femme, qui avaient donné asile ou eu des rapports avec les auteurs de l'explosion, sont acquittés.

Enfin Pierre Robineau Saint-Rejant dit Pierrot, dit Soyer ou Sollier, dit Pierre Martin; et François Jean dit Carbon, dit Petit François, dit Constant, sont condamnés à mort et seront conduits au lieu de l'exécution revêtus d'une chemise rouge.

Ces deux condamnés se pourvurent au tribunal de cassation. Le 29 germinal suivant, leur pourvoi fut rejeté : ils subirent leur condamnation.

L'affaire du 3 nivose eut des conséquences. Elle rendit Bonaparte plus ombrageux, elle hâta la condamnation de Ceracchi, Demerville, Aréna et autres; elle fut l'unique cause de la proscription et de la déportation hors du territoire continental de France de cent trente individus. Ce fut aussi par suite de cet événement que Bonaparte proposa l'établissement des tribunaux criminels spéciaux, proposition subversive de l'institution des jurés, et que le tribunat, après une longue discussion, adopta dans sa séance du 3 pluviose an IX.

Des mesures de police sévères, mais tardives, furent prises contre les chouans dont les excès, toujours croissant, se manifestaient même dans les environs de Paris. Une circulaire du préfet de police, datée du 22 nivose, porte : « Depuis quel

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