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par leur sincérité; jamais leur gouvernement ne fit de plus grands efforts, jamais leurs succès ne furent plus difficiles. Justement alarmée de la consistance qu'avaient acquise les marines de France et d'Espagne sous le règne de Louis XVI, et des perfectionnemens que le maréchal de Castries, secondé par d'habiles et savans officiers tels que Borda, Dupavillon, Éguille, Mazzaredo, avait apporté dans les constructions, dans la tactique navale et dans l'administration, l'Angleterre ne pouvait manquer de saisir l'occasion d'arrêter cet élan et les progrès d'une si dangereuse rivalité. Ce motif seul eût suffi pour la déterminer à prendre la principale part dans la guerre des coalitions contre la France, et pour y persister jusqu'à la destruction totale des deux marines de la maison de Bourbon. Quelle heureuse situation politique que celle, où le soin de préserver l'Europe du bouleversement de l'ordre social, servait de prétexte à l'établissement de la domination maritime, à la concentration du commerce du monde,

et n'en laissait aucun à la jalousie des autres,

puissances!

Le développement des forces navales de la Grande-Bretagne fut prodigieux. Ces forces consistaient, à cette époque ( d'après les états publiés par l'amirauté), en cent quatre-vingt-quinze vaisseaux de ligne, vingt-sept de cinquante canons, deux cent cinquante-une frégates, et trois cent quatorze petits bâtimens; en tout, sept cent quatrevingt-sept voiles de guerre à la mer, sans y comprendre les vaisseaux passés au service d'Angleterre sous le pavillon hollandais, et trente-six vaisseaux de ligne sur les chantiers.

Ce qui est plus remarquable, c'est que Ia grande supériorité des forces de l'ennemi, et une suite de revers inévitables, n'avaient point abattu le courage des marins français; quelques jeunes officiers de l'ancienne école, et qui sont encore au temps où nous écrivons l'espoir de la marine française, montrèrent dans cette longue et sanglante lutte, une constance imperturbable; mêlés avec ceux

que l'abandon de la navigation du commerce allira sur les bâtimens de guerre, ils ne rivalisèrent plus avec eux, que de zèle et d'audace, dans les arsenaux et dans les combats, comme l'avaient fait leurs aïeux pendant la guerre de la succession d'Espagne, après les désastres de La Hogue et de Cherbourg.

Mais les pertes de la France furent cette fois bien plus considérables que celles de la fin du règne de Louis XIV. Elle perdit en effet, pendant ces huit premières campagnes, trois cent trente-huit voiles de guerre, dont soixante vaisseaux de ligne, cent trente-sept frégates et cent quarante-cinq moindres bâtimens armés; ce qui suppose, d'après la force moyenne de l'effectif des équipages, une perte d'environ quatre-vingt-dix mille matelots. Les Hollandais, depuis leur alliance avec la République, avaient perdu vingt-cinq vaisseaux de ligne et vingt-deux frégates; et les Espagnols, qui jusques alors s'étaient abstenus, autant que leur position plus favorable le leur permettait, de prendre une part active à la guerre, avaient déjà perdu huit vaisseaux

de ligne et quatorze frégates. Ainsi, à l'époque de l'élévation du général Bonaparte au consulat, les flottes que la marine anglaise avait à combattre, se trouvaient diminuées de quatre-vingt-neuf vaisseaux et de cent quatrevingt-trois frégates. Une telle prépondérance dégageant son commerce de toute crainte, de toute entrave, faisait affluer dans les ports de l'Angleterre, une immense quantité de marchandises navales, et soutenait ses nombreux armemens : les arsenaux français, au contraire, étaient épuisés; et, quandmême la situation des finances eût permis d'appliquer à la marine tous les fonds nécessaires, la gêne de la navigation des neutres, et la vigilance des croisières ennemies rendaient de jour en jour plus difficiles les approvisionnemens indispensables pour les nouvelles constructions.

Nous verrons plus tard que le premier Consul sut reconnaître l'importance du rétablis sement de la marine, et faire de grands sacrifices pour tâcher de la mettre sur un pied respectable; mais ce ne fut jamais sa principale

occupation; il n'y voyait qu'un moyen trop incertain d'avancer l'exécution de ses vastes desseins: ily fallait trop de persévérance pour qu'un génie aussi actif pût s'astreindre dans les premiers développemens de sa puissance, à régénérer lentement les élémens de cette partie essentielle de la force publique. Il n'est pas douteux que s'il l'eût voulu comme il savait vouloir, s'il eût mieux connu le point vulnérable de l'Angleterre, et qu'il se fût adonné à la marine avec autant d'ardeur qu'aux affaires de la guerre continentale, il n'eut réussi à vaincre la difficulté des circonstances, et à ramener vers cet objet toujours trop négligé, l'intérêt et les efforts les plus constans de la nation. Il ne conçut point de plan général, il ne considéra les opérations maritimes que d'une manière secondaire, et uniquement dans leur rapport avee celles des armées de terre.

A l'époque dont nous retraçons les événemens (celle qui suivit le traité de Lunéville), le premier Consul, indépendamment de ce qu'il restait encore de ressources dans la

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