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Ce décret lui fut notifié; il se rendit dans la salle des anciens; on lui en fit lecture; ensuite Bonaparte prit la parole, et dit : « Citoyens re

présentans, la République périssait ; vous l'avez « su, et votre décret vient de la sauver. Malheur « à ceux qui voudraient le trouble et le désordre! je les arrêterai, aidé du général Lefèvre, du

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général Berthier, et de tous mes compagnons « d'armes. Qu'on ne cherche pas dans le passé des exemples qui pourraient retarder votre marche; rien, dans l'histoire, ne ressemble à la «< fin du dix-huitième siècle. Votre sagesse a rendu « le décret; nos bras sauront l'exécuter. Nous << voulons une république fondée sur la liberté civile, sur la représentation nationale; nous l'au<«<rons, je le jure..... Je le jure, en mon nom, et << en celui de mes compagnons d'armes. ».

Bonaparte passe en revue les troupes; il leur adressa une proclamation où il présenta le tableau énergique et vrai des malheurs qui affligeaient la France. Cette proclamation est un modèle d'éloquence; elle doit être consignée dans les annales de l'histoire. <«< Dans quel état, dit-il, j'ai laissé << la France! dans quel état je la retrouve ! Je << vous avais laissé la paix, et je retrouve la guerre! « Je vous avais laissé des conquêtes, et l'ennemi « passe vos frontières ! J'ai laissé vos arsenaux

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<«< garnis, et je n'ai pas trouvé une arme! Vos ca« nons ont été vendus, le vol a été érigé en systême! les ressources de l'état sont épuisées! « On a eu recours aux moyens vexatoires, réprouvés par la justice et le bon sens ! on a livré «<le soldat sans défense! Où sont-ils les braves, « les cent mille camarades que j'ai laissés cou<< verts de lauriers? que sont-ils devenus? ils sont

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<< morts! >>

« Qu'avez-vous fait de cette France que je vous «ai laissée si brillante?» disait Bonaparte à ces hommes puissans, qui, chargés de l'exécution des lois, avaient lâchement trahi les intérêts du peuple, et s'étaient rendus redoutables par leur tyrannie. « Je vous ai laissé la paix, je retrouve la guerre! Je « vous ai laissé des victoires, je vous ai laissé les << millions de l'Italie, et j'ai trouvé par-tout des lois spoliatrices et la misère!Qu'avez-vous fait de cent «mille Français que je connaissais, tous mes compagnons de gloire ? ils sont morts! Cet état des << choses ne peut durer, il nous mènerait au despotisme; mais nous voulons la république, assise « sur les bases de l'égalité, de la morale, de la « liberté civile et de la tolérance politique, avec « une bonne administration. »

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Les factieux commencent à trembler. Le Directoire, frappé de terreur, s'assemble dans le

désordre. Le jour de la justice est arrivé; il va briser ce sceptre de tyrannie qu'il appesantissait sur le peuple. Les membres se dispersent, et vont cacher dans la retraite leur honte, leur humiliation et leurs remords.

Le conseil des cinq-cents est assemblé à SaintCloud. Les factieux forment des complots et méditent des assassinats. Bonaparte, environné de sa gloire, et accompagné d'un génie protecteur, entre dans la salle tête nue, et sans armes. Aussitôt part un cri de sédition, et on attend un arrêt de mort ; un glaive meurtrier est suspendu sur sa tête: mais le ciel veille sur ses destinées, et il faut que ses décrets s'accomplissent. Bientôt le sanctuaire des lois se change en une arène de gladiateurs: on n'entendit que les blasphêmes de la fureur et les imprécations de la révolte; l'étendart sacrilége était levé; les conspirateurs armés de poignards étaient prêts à immoler leurs victimes; mais la force armée dissipa les conjurés, et le temple des lois fut purgé de ce levain impur qui aurait produit la putréfaction de la société politique. Qu'il nous soit permis ici d'admirer un moment Lucien' Bonaparte, qui, par sa fermeté et son génie, a sauvé la République des attentats de nos Catilina modernes. L'histoire consacrera dans ses annales son action courageuse; elle sera gravée sur l'airain

et sur le marbre pour en perpétuer le souvenir jusqu'aux siècles les plus reculés ; la nation lui doit ses éloges et sa reconnaissance.

Bonaparte se rendit dans l'assemblée des anciens. Il improvisa un discours plein de pensées fortes et de grandes vérités. « Représentans du peuple, dit-il, « vous n'êtes point dans des circonstances ordinai« res, vous êtes sur un volcan; permettez-moi de

vous parler avec la franchise d'un soldat, avec « celle d'un citoyen zélé pour le bien de son pays; et << suspendez, je vous prie, votre jugement jusqu'à « ce que vous m'ayez entendu jusqu'à la fin. J'é<«< tais tranquille à Paris, lorsque je reçus le dé«< cret du conseil des anciens, qui me parla de ses dangers, de ceux de la République : à l'instant

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j'appelai, je retrouvai mes frères d'armes, et << nous vînmes vous donner notre appui. Nos <«< intentions étaient pures, désintéressées; et, << pour prix du dévouement que nous avons mon« trẻ, hier déjà on nous abreuva de calomnies; «< on parlait d'un nouveau César, d'un nouveau << Cromwel; on répandait que je voulais établir << un gouvernement militaire.

« Si j'avais voulu opprimer la liberté de mon << pays, si j'avais voulu usurper l'autorité suprême, « je ne me serais point rendu aux ordres que vous « m'avez donnés; je n'aurais pas eu besoin de

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<< recevoir cette autorité du sénat. Plus d'une fois, « et dans des circonstances extrêmement favo« rables, j'ai été appelé à la prendre. Après nos triomphes en Italie, j'ai été appelé par les vœux << de la nation, par le vœu de mes camarades, par celui de ces soldats qu'on a maltraités depuis qu'ils ne sont plus sous mes ordres ; de «< ces soldats qui sont obligés encore d'aller faire « dans les départemens une guerre horrible, que << la sagesse et le retour aux principes avaient cal«mée, et que l'ineptie ou la trahison viennent <«< de rallumer. La patrie n'a pas de plus zélé dé« fenseur que moi; je me dévoue tout entier pour « faire exécuter vos ordres: mais c'est sur vous << seuls que repose son salut, car il n'y a plus de « Directoire : quatre des magistrats qui en fai<< saient partie ont donné leur démission; les dan«<gers sont pressans, le mal augmente; le minis«<tre de la justice vient de m'avertir que dans la << Vendée plusieurs places étaient tombées entre « les mains des chouans. Le conseil des anciens « est investi d'un grand pouvoir; mais il est en«< core animé d'une plus grande sagesse : ne con<< sultez qu'elle et l'éminence des dangers; préve<< nez les déchiremens; évitons de perdre ces deux «< choses pour lesquelles nous avons fait tant de sacrifices, la liberté et l'égalité.

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