à Saint-Domingue, les plus grands malheurs dûrent être à redouter de la part des esclaves qui se montrèrent long-temps très-soumis; et tout permet de croire que si les Blancs avaient voulu être justes et généreux envers les hommes de couleur, leur sincère réunion à ces derniers eût épargné de grands malheurs. Un tel plan était loin des vues des principaux meneurs; l'on multiplia les mauvais traitemens à l'égard des nouveaux libres, dont il fallait ménager l'appui : ceux-ci plus éclairés que les esclaves, plus prononcés contre l'état d'abjection auquel les soumettaient les préjugés coloniaux, annoncèrent bientôt des intentions hostiles contre les Blancs; leurs premières doléances étaient sages et des hommes raisonnables eussent été facilement d'accord avec eux. Mais l'on vit tout à coup se former de nombreuses réunions; les premières villes de la colonie et surtout le Cap, devinrent les foyers des plus violentes agitations; la conduite des premières autorités, de fonctionnaires irréprochables, fut recherchée et calomniée; les troupes furent provoquées à l'insurrection, et les perfides agitateurs de la ville du Cap, ne se contentant pas de succès assez insignifians, obtenus dans le nord de la colonie, conçurent le séditieux projet de se rendre au Port-au-Prince, pour y recruter des partisans et arrêter l'intendant Marbois, administrateur aussi ferme qu'éclairé, qu'ils considéraient comme le plus grand obstacle à leurs desseins. L'on doit aussi classer parmi les principaux motifs de la désorganisation de la colonie, la jalousie de l'Angleterre, dont la prépondérance maritime ne laissa jamais s'élever impunément aucune prospérité coloniale, étrangère à ses intérêts. Indépendamment de ces causes, et pour le malheur de la colonie, il existait depuis long-temps à Paris une réunion d'hommes estimables, connus sous le nom de Société des Amis des Noirs.Cette réunion ayant admis dans son sein des hommes de couleur qui résidaient à Paris, tendait, par tous les moyens à améliorer le sort des nouveaux libres et des esclaves; elle causa la première explosion en favorisant la mission du mulâtre Ogé, dont l'affreux supplice fut si cruellement vengé. Le décret du 15 mai 1791, qui admettait à voter avec les Blancs les hommes de couleur nés de pères et mères libres, eût pu apporter beaucoup de calme; mais toujours le voeu de la grande majorité des Blancs de la colonie, repoussait absolument toute idée de concession à faire sur l'état politique des individus : malheureusement le gouverneur de la colonie, le respectable Blanchelande, partagea cette opinion; il refusa de faire exécuter le décret, et fut contraint par l'assemblée provinciale, de manifester la volonté de ; se mettre à la tête des Blancs, pour repousser les prétentions ou plutôt les justes espérances des hommes de couleur. : Rappelé en France, ce brave général fut traîné à l'échafaud il avait à Saint-Domingue échappé à mille dangers, et surtout aux fureurs des troupes envoyées de France, qui massacrèrent au Port-auPrince, le 2 mars 1791, le jour même de leur débarquement, l'intrépide Mauduit, colonel du régiment du Port-au-Prince, pour avoir traité les hommes de couleur avec trop de ménagement, ét avoir dissipé une réunion de factieux. Le mépris haineux des Blancs pour les hommes de couleur ; ce mépris, cause la plus active des malheurs de Saint-Domingue, ne fesant que s'accroître, surtout après le refus fait de mettre à exécution le décret du 15 mai 1791, et les différentes conventions consenties sur quelques points de la colonie, entre eux et les Blancs, les Noirs furent enfin entraînés dans l'insurrection. NOTE TROISIÈME. CHAPITRE VIII. Page 195. Sur la force de l'expédition de Saint-Domingue. Nous avons relevé, d'après des documens authentiques, le tableau suivant des forces de terre et de mer qui ont été employées à l'expédition de SaintDomingue, depuis l'époque de son départ, jusqu'au mois d'avril 1802. Flotte de Brest, sous le commandement du viceamiral Villaret - Joyeuse. |
