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ment que sur les moyens d'amener un tel changement; cependant lorsque la révolution eut rendu évidemment impossible le retour à l'ancien ordre de choses; lorsque ses violences même eurent facilité les moyens de corriger les abus des institutions surannées, les mêmes hommes qui avaient propagé la doctrine d'une plus grande unité nationale, ne voulaient reconnaître l'indépendance que dans le rétablissement intégral de la vieille constitution fédérative, parce qu'elle seule pouvait faire revivre leurs priviléges.

Les divers mémoires qui furent publiés à cette époque, par les partisans outrés des deux systèmes, renferment des détails très-intéressans, du moins pour les écrivains qui, à l'exemple du comte Daru, qui vient de s'illustrer en nous donnant l'histoire complète de la république de Venise, entreprendraient d'écrire, dans le même esprit, avec la même impartialité, celle de la république des Suisses : ces écrits polé– miques mériteront d'être tirés de l'oubli dans lequel ils ont été promptement jetés par les nouvelles circonstances: on y trouvera une éloquente plaidoierie pour et contre l'oligarchie, pour et contre la démocratie absolue; la variété de ces débats ajoutera beaucoup aux preuves qui ressortent de l'histoire des républiques de tous les âges, sur la faiblesse et l'instabilité de cette forme de gouvernement, et fera sentir qu'il n'y a de garantie durable de la liberté,

que dans la monarchie limitée par la représentation nationale.

Quam ultrà citràque nequit consistere rectum.

D'un côté, les unitaires soutenant le principe de l'indivisibilité de la république, rappelaient l'crigine des priviléges des villes capitales, qui furent autant d'usurpations et de violations à la loi constitutionnelle de la ligue helvétique; n'était-il pas absurde que des bourgeoisies peu nombreuses et souvent inférieures en richesses, en industrie, en talens à la majeure partie de la population des cantons sur lesquels elles affectaient la souveraineté, restassent seules investies des droits politiques, à l'exclusion des habitans des campagnes et des petites villes? N'était-ce pas une insulte à la civilisation que des artisans, des hommes souvent sans éducation, sans propriétés, possédassent héréditairement le droit de parvenir à toutes les places du gouvernement, à tous les emplois lucratifs du canton, tandis que de grands propriétaires, des citoyens dont les vertus et les lumières honoraient leur pays, ne pouvaient acquérir ou mériter l'admission aux places et la notabi lité politique? Nul Suisse n'ignorait, nul n'avait pu oublier que cette usurpation des droits communs ne s'était établie qu'en des temps déjà fort éloignés de ceux de la conquête de l'indépendance et de l'affermissement complet des états suisses; que ce ne fut que

dans le dix-septième siècle que les conseils souverains, nommés originairement par tous les hommes libres, le furent abusivement par les bourgeois du chef-lieu du canton, et que ces mêmes conseils s'arrogeant ensuite le droit de se compléter eux-mêmes, établirent une caste de fait, formée des familles prépondérantes; qu'enfin l'existence illégale d'un tel patriciat ne pouvait infirmer les droits imprescriptibles de la nation.

Toutefois ces républicains si sévères ne tenaient aucun compte des différentes constitutions qui, dès la formation de la ligue, avaient été librement adoptées par les cantons; et la simplicité apparente de leur théorie voulait les soumettre au niveau de l'égalité ; ils cachaient aussi des vues ambitieuses sous le spécieux prétexte de donner à la nation une plus grande considération politique.

Les vieux fédéralistes n'admettaient de leur côté aucune modification, et répondaient à ceux qui cherchaient de bonne foi à résoudre le difficile problème d'une fédération compatible avec l'altération qu'avaient subie les anciens élémens : « N'avons» nous pas une constitution toute faite? » Qu'avons-nous besoin d'un gouvernement central, et de nous conformer, par une vaine et dangereuse analogie, aux autres gouvernemens européens? Revenons à nos usages, à nos anciennes moeurs : l'introduction

des arts, des manufactures, du luxe, n'a créé parmi nous que des besoins factices; cessons de compliquer nos intérêts sociaux.

Contraints de reconnaître la souveraineté du peuple dans la pure démocratie des petits cantons, ils en niaient le principe et l'application partout ailleurs où le peuple ne pouvait l'exercer par lui-même, c'est-à-dire, être toujours présent et actif; jamais dans une république la cause de l'aristocratie ne fut défendue avec autant de franchise, et ses usurpations avouées avec moins de pudeur; ils raisonnaient ainsi......

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<< Dans un état d'une certaine étendue, il n'y a que » deux manières d'exister; gouverner ou être gou» verné si le peuple ne peut y gouverner immédia>>tement, sa souveraineté est une chimère. Le choix » des électeurs et de soi-disant représentans, qui ne >> doivent compte à personne de leurs opinions et de >>> leurs actes, n'est qu'une renonciation au pouvoir » souverain. Ici finit la démocratie, et l'aristocratie » prend nécessairement sa place. La prétendue re» présentation du peuple, enfantée par la révolų» tion, n'est qu'un avortement. Les délégués ne peu>>.vent remplacer leurs commettans dans l'exercice du » pouvoir, s'ils ne restent dans leur dépendance et >> sous leur direction : c'est Carybde ou Scylla, l'anar>> chie ou le despotisme; car, soit que ce pouvoir se

→» concentre dans une seule main, ou qu'il soit exercé >> par une réunion d'agens non responsables, il y a » tyrannie. Les anciennes aristocraties offraient de » plus solides garanties; elles trouvaient en elles» mêmes, dans l'intérêt de leur propre conservation, » la digue la plus sûre contre les excès de pouvoir; car » elles ne pouvaient administrer l'état et rendre la » justice que selon les lois du pays, lois protectrices > des droits positifs des peuples et de leur liberté. » - On voit jusqu'à quel point la crise de la révolution avait porté la divergence des opinions et l'opposition des intérêts. Il faut encore y ajouter l'ancienne jalousie, les rivalités qui existaient entre les cantons, la division des familles, les haines personnelles, et l'on se convaincra que, livrée à elle - même dans de telles circonstances, la Suisse devait périr consumée par la guerre civile, ou devenir la proie de l'étranger. Heureusement pour cette nation la France n'y pouvait conserver l'influence qui lui est indispensable, qu'en y rétablissant un système fédératif; et comme tout ce qui formait alors le parti français le repoussait, et que le parti ennemi s'en ́emparait, il fallut nécessairement employer la force, violer le droit, et désarmer les vainqueurs et les vaincus pour pouvoir en exiger une équitable transaction.

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:- Cette transaction, qui ne devait satisfaire aucun

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