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rantaine la monarchie, affaiblie par sa propre charte, rétablie pour donner la paix et impopulaire par cette paix même. C'était dès 1791 la pensée de l'Autriche, c'était dès 1792 la pensée de l'Angleterre elles se souvenaient de Louis XIV. C'était en 1814, après la République et Napoléon, la pensée commune de l'Angleterre, de l'Autriche, de la Prusse, de la Russie. « Dès lors », dira en 1815 l'empereur Alexandre, en parlant de la monarchie constitutionnelle, « cette nation, en paix avec elle-même, cessera d'être agressive envers l'Europe. "

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Les quatre, les alliés de Chaumont, se réservaient de poser, entre eux, les bases sur lesquelles reposerait la paix européenne. Ils n'entendaient admettre aucun autre État, et surtout la France, à ces délibérations. Par un protocole du 31 mai, Metternich, Castlereagh, Hardenberg et Nesselrode avaient décidé d'ajourner « jusqu'au séjour de Vienne toute discussion sur les arrangements définitifs pour les pays pays cédés par la France, ainsi que pour ceux qui, en Allemagne, restaient à la disposition des alliés ». Cette dernière stipulation s'appliquait surtout à la Saxe, dont le roi, demeuré fidèle à l'alliance française, était considéré de ce chef comme frappé de déchéance et retenu prisonnier à Berlin. Cette déchéance emportait la vacance du duché de Varsovie, dont le roi de Saxe était souverain. Les alliés se flattaient, par ces précautions, de lier entièrement la France, de lui dissimuler leurs divergences et de prévenir les tentatives qu'elle pourrait faire, grâce à ces divergences, pour s'insinuer dans les grandes affaires, s'établir au congrès et reprendre considération et crédit en Europe. Or, ces divergences étaient profondes et les pourparlers qui se suivirent durant l'été, loin de les apaiser, ne firent, au contraire que les envenimer.

Alexandre, qui se réservait la haute direction du congrès, en fit ajourner l'ouverture au 1er septembre, puis au 2 octobre2. Dans l'intervalle, il visita le prince-régent d'Angleterre,

1 Cf. ci-dessus p. 280, 351.

* Talleyrand au comte de Noailles, à Pétersbourg, 22 juillet 1814.

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y éprouva peu de satisfaction", au dire de Nesselrode, conféra avec le roi de Prusse et s'occupa de disposer les affaires selon ses desseins.

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Les alliés, dans leurs manifestes, avaient invoqué de grands principes les droits imprescriptibles, le rétablissement des gouvernements légitimes, la conservation du droit public, l'indépendance des peuples. Ils avaient opposé ces principes aux dérèglements, aux violences, « au «< au joug ignominieux » de la république et de l'empire français. Mais cet empire détruit, les principes avaient fini leur œuvre. Les quatre n'entendaient point embarrasser par de vaines paroles la satisfaction de leurs convenances respectives. Ces convenances, ils les avaient déclarées dans les traités particuliers qui avaient formé la coalition en 1813. Il s'agissait maintenant de concilier ces engagements les uns avec les autres, et les alliés comptaient y pourvoir grâce au « droit de conquête », le plus imprescriptible de tous, à leurs yeux.

Alexandre ne trouva les ministres ni embarrassants ni embarrassés sur les principes en général : ils n'en professaient qu'un, l'intérêt de l'Angleterre. Mais il les vit fort occupés de finir leur guerre avec les États-Unis. Cette guerre, dernier contre-coup de l'immense lutte commencée, en 1793, pour la suprématie des mers, avait porté à cette suprématie, les seuls coups sensibles qu'eût éprouvés l'Angleterre '. Il s'agissait, et la chute de Napoléon en donnait les moyens, de pousser à fond les Américains et de les frapper de terreur. C'est à quoi travaillait l'armée qui perça au foyer des ÉtatsUnis et brûla dans Washington tous les monuments publics, symboles de l'indépendance américaine. Cette entreprise détournait les Anglais du continent européens. Alexandre put discerner la plus entière indifférence sur le sort du roi de Saxe, de sa personne et de sa légitimité; peu de dispositions, au contraire, pour le développement d'un royaume de Pologne lié à la Russie, qui deviendrait trop puissante en Orient,

1 GREEN, Histoire du peuple anglais, t. II,
P. 418.

enfin des tendances qui répondaient à celles que Louis XVIII avait manifestées à Paris, du goût à un rapprochement, sinon à une entente, avec la France. Il en prit ombrage et il y mit ordre. La durée du gouvernement de Louis XVIII ne paraissait rien moins qu'assurée, un retour de la Révolution, une reprise d'armes étaient possibles. L'Angleterre, la Russie, la Prusse et l'Autriche, considérant que le but de l'alliance ne « pourra être envisagé comme atteint que lorsque les arrangements concernant les différents pays [de l'Europe] auront été finalement réglés au congrès jugèrent nécessaire de confirmer leur alliance de Chaumont, et de tenir sur pied, chacune, une armée de 75,000 hommes'. C'était resserrer l'alliance contre la France. Sur cet article l'unanimité existait entre les quatre, mais cet article ne supprimait pas les dissentiments qui, entre ces quatre alliés, travaillaient à rompre

l'alliance.

Ces dissentiments provenaient surtout des dispositions de Kalisch, Reichenbach et Toeplitz relatifs à la reconstitution de la Prusse et de l'Autriche. Alexandre, loin de renoncer à ses desseins sur la Pologne, y revenait au contraire; l'ambition magnanime le travaillait toujours de régénérer cette nation et d'y accomplir la belle tâche libérale qu'il n'avait pu accomplir à Paris. Il n'aurait à compter avec les prétentions d'aucun légitimiste » ; il n'en existait point dans l'ancienne Pologne, où la couronne était élective, et Alexandre serait lui-même le «< constituant de ce royaume. Mais il avait à compter d'une part avec ses sujets auxquels ce plan restait « si antipathique, d'autre part et surtout avec ses alliés.

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Il avait trouvé une combinaison qui lui paraissait tout concilier le roi de Saxe était duc de Varsovie; il avait perdu tous ses États la partie allemande, la Saxe, serait attribuée à la Prusse; la partie polonaise, le duché, à la Russie. L'Autriche, pour ce qu'elle ne recouvrerait pas en Gallicie, serait indem

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1 Convention de Londres, 29 juin 1814. - MARTENS, t. XI. ANGEBERG. 2 Voir ci-dessus p. 6, 14, 54, 61-65, 112-115, 134, 187, 280, 351. 3 NESSELRODE, Autobiographie. Cf. ci-dessus, 7, p. 196.

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nisée en Italie'. La Prusse se concentrerait en Allemagne, s'établirait au cœur de l'ancien Empire; de puissance aux deux tiers slave, et dérivant vers l'est, que l'avaient faite les partages de la Pologne, elle deviendrait puissance plus qu'aux deux tiers allemande, et de tous les États de l'Allemagne, celui qui compterait le plus de sujets allemands.

Les Prussiens n'y contredisaient pas, ceux surtout qui destinaient à la Prusse un grand rôle, le rôle prépondérant en Allemagne et entrevoyaient la constitution, entre ses mains, d'une confédération du Nord, puis plus tard, peut-être, d'un empire plus fortement cimenté que l'ancien, qui donnerait satisfaction aux vœux des patriotes et comblerait les ambitions de la Prusse. La Saxe leur convenait à merveille et ils l'avaient indiqué depuis longtemps. Mais ils se réservaient aussi, pour le même avenir, et comme un titre aux yeux de l'Allemagne nationale, la défense des marches de l'est contre les Slaves. Avertis par les événements de 1805 et de 1812 du peu d'espace qui sépare l'amitié d'un tsar pour un roi de Prusse de l'invasion des États prussiens par les armées russes, ils réclamaient Varsovie, la ligne de la Vistule, et leurs ambitions, qui n'étaient pas minces, tendaient à renouer par le duché de Posen, entre la vieille Prusse et la Silésie, la communication promise par Alexandre à Kalisch. La Saxe se trouverait à point pour compenser les territoires de Westphalie et de la rive gauche du Rhin, perdus en 1795 et en 1807, et remplir, par surcroît, l'article des arrondissements et indemnités. Quant aux autres pays de la rive gauche du Rhin, qu'ils occupaient depuis l'invasion, Mayence, entre autres, ils ne leur déplairait point de les garder, mais c'était le dernier quartier de l'Allemagne où il leur convenait de s'étendre. D'abord ces territoires, séparés du gros de la monarchie, seraient de défense difficile; ils n'offriraient à la

1 Voir ci-dessus p. 14, 58, 61, 244.

2 Voyez les mémoires de Stein, de Hardenberg. Voir ci-dessus p.

3 Voir t. VI, p. 443, 461, 465 et ci-dessus p. 54-57.

ONCKEN, t. II, ch. vi.

Prusse, pour moyens de communication, que des servitudes de passage sur les territoires de souverains, frères sans doute, mais facilement ennemis. Les expériences de 1794 et de 1806 avaient montré le danger de ces possessions dépareillées et disséminées. Enfin, ces territoires restaient trop voisins de la France, exposés à ses premiers coups. Le jour où la France sortirait de sa léthargie forcée, c'est par là qu'elle prendrait et pousserait son offensive, qu'elle chercherait ses compensations. Les Prussiens redoutaient fort ce poste d'avant-garde détachée de la coalition. Ils préconisaient une combinaison ingénieuse qui était puisque certains montraient des scrupules sur l'expropriation et confiscation totale du roi de Saxe de le transporter sur le Rhin avec sa couronne, sa galerie et son Grüne Gewölbe, ses porcelaines et ses bibelots de conte de fée'. Ce prince, catholique, apparenté au roi de France, tomberait sans doute dans la clientèle française, mais il n'en serait que plus difficile aux Français de le dépouiller.

Alexandre voyait son dessein sur la Pologne combattu par ses propres ministres et par les ministres du roi de Prusse, son ami, son allié, et le principal bénéficiaire de la coalition. Ces oppositions sourdes avaient déjà produit maintes complications depuis les débuts de l'alliance; elles avaient failli empêcher Kalisch, elles avaient ralenti la marche de l'invasion. Alexandre n'y trouva jamais qu'un remède une entrevue, des admonestations et exhortations exaltées, l'appel à la fraternité d'armes, des accolades, des larmes, l'entente directe avec Frédéric-Guillaume et le désaveu de leurs ministres respectifs, les siens, ce qui lui coûtait peu, et ceux du roi de Prusse, qu'il se plaisait à déconcerter. Mais c'eût été compromettre cet accord que de chercher prématurément à former les lots et à fixer les limites. Alexandre et Frédéric-Guillaume renouvelèrent donc, simplement, les promesses de

Hardenberg, mémoire du 29 avril 1814; il pensait à constituer au roi de Saxe un duché viager de Munster-Paderborn. ONCKEN, t. II, P.

842.

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