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Châlons, où le maréchal Macdonald accourt à marches forcées pour les soutenir. La défense de la Belgique est confiée au général Maison qui, décoré du titre pompeux de général en chef de l'armée du Nord, n'a sous ses ordres que des cadres presque vides, avec les restes informes de quelques régimens. Après la malheureuse campagne de 1813, les alliés avaient étendu leurs forces le long du Rhin, et porté le corps de Bulow vers la Hollande. Les résultats de cette campagne, l'approche des armées ennemies et les intrigues des étrangers agitaient les esprits; en Hollande surtout, les partisans de la maison d'Orange conçurent des espérances qui ne tardèrent pas à se réaliser. Le général Molitor, qui commandait en Hollande, inquiet de ce qui se passait autour de lui, prit un parti qui devait faciliter et facilita, en effet, le mouvement des Hollandais; il jeta presque toutes ses forces dans les places, et se retira à Utrecht avec quelques troupes qui lui restaient : le résultat de ces fausses mesures entraîna la perte de la Hollande; elle fut enlevée à la domination française et rendue à ses anciens princes qui, ne tardant pas à y paraître, régularisèrent le mouvement du pays et commencèrent l'organisation de leurs troupes. Tel était l'état des choses, lorsque le général Maison fut envoyé pour s'opposer aux progrès effrayans de l'ennemi dans cette partie de nos frontières totalement négligée par Napoléon. En arrivant à Anvers, à la fin de décembre 1813, Maison trouva tout le pays en alarmes; des partis ennemis s'avançaient jusqu'aux portes de Bruxelles, et les frontières de la vieille France étaient déjà menacées. L'armée du général Maison ne comptait pas plus de six mille hommes par des efforts inouïs d'activité et de talent, il parvint à porter ses forces à treize ou quatorze mille

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hommes; mais il fallait faire tête à des armées d'abord de vingt à vingt-cinq mille hommes, et qui furent portées jusqu'à plus de quatre-vingt mille hommes pendant tout reste de la campagne. Le général Maison signalant, dans ces conjonctures, sa haute capacité militaire, parvint à couvrir les départemens du Nord et du Pas-de-Calais, et l'ennemi, malgré son immense supériorité numérique, ne put s'emparer d'aucune de nos places. Grand capitaine et excellent citoyen, Maison soutint dignement l'honneur des armes françaises, fit observer la plus exacte discipline à ses troupes, et réussit à conserver l'ordre et la tranquillité dans les départemens qu'elles occupaient, malgré les agitations et les soulèvemens que les alliés travaillaient à y exciter.

26 janv. Napoléon porte son quartier général à Châlons-surMarne. L'aile droite, maréchal Mortier, est dans les environs de Troyes; le centre, maréchaux Marmont et Victor, autour de Vitry; l'aile gauche, maréchal Macdonald, auprès de Mézières ; la réserve, formée de la garde, maréchaux Ney et Oudinot, prend poste à Châlons et à Vitry. L'effectif de tous ces corps est évalué à soixantedix mille hommes. Avec ces forces, l'empereur se flatte de surprendre les ennemis par la vivacité de ses manœuvres, de les battre partiellement, de les confondre, de les diviser, et, en usant à propos des ressources de la négociation, de désunir les alliés. Toutes ces dispositions décèlent (on ne peut trop s'en étonner) son ignorance des plans, des mouvemens et des forces de l'ennemi. Comment un génie de cette portée peutil s'abuser aussi étrangement?

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Les alliés, au contraire, agissent avec une froide circonspection. Forts d'une immense supériorité, qui leur promet un succès définitif, ils sont déterminés

à ne pas s'exposer aux chances d'une grande bataille. Ils ont étudié leur adversaire; ils savent qu'avec un moindre nombre de troupes et dans des positions difficiles, il est parvenu à ressaisir la victoire par un mouvement rapide, à dissiper des masses très-redoutables; ils savent que la confiance qu'il place en luimême est infinie, et ils s'attendent à lui voir mettre en usage ces marches expéditives qu'il employa dans toutes ses campagnes, tandis que son génie leur paraît peu susceptible de combiner une longue et laborieuse défensive. Ils veulent enfin le cerner, bien plus qu'ils ne cherchent à l'atteindre.

Celui qui dédaigne tout système de stratégie différent du sien, qui trouve Turenne timide et le maréchal de Saxe un écolier, celui-là se gardera d'agir à leur manière aussi bien il serait trop tard! Napoléon : est dans l'inévitable alternative de frapper des coups d'audace extrême, de faire des actions d'un éclat prodigieux, ou de commettre sa renommée, qui, actuellement, fait une si grande partie de sa puissance. L'art du prestige, qui lui valut de si merveilleux succès dans les plus critiques conjonctures, reste, dans cette extrémité, sa ressource la plus efficace.

L'empereur, conduisant les maréchaux Ney, 29 janv. Victor, attaque à Brienne (Aube) les corps russes de Sacken et d'Alsufiew, de l'armée de Silésie, avec lesquels se trouve le général en chef Blucher. Le château, la ville et leurs abords deviennent le théâtre d'une foule de combats particuliers, livrés avec un acharnement extrême. Trois mille tués ou blessés, de chaque parti, restent sur le terrain. Les Français doivent à leur fermeté, de sortir avec honneur d'une position où Napoléon les a témérairement engagés.

30 janv.

1er. février.

Blucher se replie et prend position, pour attendre des renfords de la grande armée.

Joachim Murat, roi de Naples, adresse de Bologne une proclamation à ses soldats.—« Soldats, aussi long*» temps que j'ai pu croire que l'empereur Napoléon >> combattait pour la gloire et la paix de la France, j'ai >> combattu à ses côtés; mais aujourd'hui il

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m'est plus possible de conserver aucune illusion: l'empereur ne veut que la guerre. Je trahirais les in>> térêts de mon ancienne patrie, ceux de mes états et >> les vôtres, si je ne séparais pas sur-le-champ mes » armes des siennes pour les joindre à celles des >> puissances alliées dont les intentions magnanimes » sont de rétablir la dignité des trônes et l'indépen» dance des nations. Je sais qu'on cherche à égarer le patriotisme des Français qui sont dans mon » armée, par de faux sentimens d'honneur et de fidéli» té, comme s'il y avait de l'honneur et de la fidélité à assujettir le monde à la folle ambition de l'empereur Napoléon. Soldats, il n'y a plus plus que deux bannières en Europe; sur l'une, vous lisez : religion, morale, justice, modération, paix et bonheur; sur l'autre, >> vous lisez : persécutions, artifices, violences, tyrannie, >> guerre et deuil dans toutes les familles. Choisissez ! »

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Une bataille est livrée à la Rothière (village à une lieue un quart sud de Trannes, deux lieues et demie nord de Brienne), dans une plaine bornée par l'Aube et son affluent la Voire.

Napoléon, s'abusant sur les motifs de l'immobilité de ses ennemis, a continué de les menacer. Impatient d'obtenir une victoire qui relève la confiance de l'armée et l'espoir de la nation, il a voulu se mesurer une seconde fois, au lieu de retourner en toute hâte sur

Troyes, où le maréchal Mortier lui donnerait une augmentation considérable de troupes. Blucher attaque dès qu'il aperçoit les renforts de la grande armée alliée : Ces renforts, amenés par l'autrichien Giulay, le bavarois Wrède, le prince de Wirtemberg et le prince Constantin de Russie, commandant les réserves, portent l'armée combinée à près de cent dix mille combattans. Napoléon n'en réunit pas quarante mille, sous les maréchaux Ney, Victor, Oudinot, Marmont, et le général Gérard. Cette action étant la première bataille rangée que les alliés livrent en France, son résultat doit exercer une grande influence sur le moral des troupes et sur l'issue de la campagne.

L'engagement commence à une heure après midi, et ne cesse qu'à minuit. La perte des Français s'élève à six mille homme, dont deux mille cinq cents prisonniers, et à plus de cinquante bouches à feu. La perte des alliés, presque aussi considérable, en tués ou blessés, affecte peu leur masse. Ce n'est qu'un dix-huitième de leur nombre; c'est un sixième des Français. Ceux-ci battent en retraite sur Troyes; on ne les pousuit dans aucune direction: de sorte qu'il serait difficile de déterminer si l'incapacité manœuvrière du Prussien, pendant et après la bataille, est plus grande que la témérité de son adversaire qui vint le défier. Mais, quoique indécise, cette affaire achève de dissiper ce prestige d'invincibilité que la fortune attachait à la présence de Napoléon : le découragement atteint ses officiers de toutes armes, et jusqu'aux généraux; l'esprit de désertion, introduit parmi les soldats, affaiblira, chaque jour, des corps déjà considérablement réduits par les fatigues, les privations, les maladies. Cet échec a pour lui les conséquences d'une véritable

TOME VII.

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