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logique serrée et démonstrative qui étaient enfin devenus l'objet d'une admiration respectueuse; c'étaient la profondeur et la justesse de ses vues, son habileté à trouver des ressources, et à faire sortir des nouvelles circonstances, de nouvelles combinaisons. Il avait constamment blâmé la manière dont le ministère avait conduit la guerre sur le continent; et les événemens ayant vérifié ses prédictions, son crédit s'en était fort accru. Sa rentrée dans la chambre des communes, dont il s'était éloigné pour laisser le champ libre, disait-il, aux puissans adversaires de la raison et de la vérité, fut une espèce de triomphe pour son parti, mais ne put ébranler celui de M. Pitt, alors même que celui-ci était contraint d'abandonner les affaires.

Comme il arrive trop souvent à la minorité dans les assemblées représentatives, M. Fox et ses amis furent quelquefois entraînés au-delà des bornas que sans doute ils n'auraient point voulu dépasser : ils repoussèrent comme des violations de la liberté, les mesures les plus nécessaires pour réprimer la licence. Leur empressement à provoquer le rétablissement des relations politiques avec la France, à traiter avec la République, affaiblissait trop souvent à leurs pro+ pres yeux, la juste horreur des crimes qui l'avaient souillée, et le parti opposé ne manquait pas d'en tirer avantage. Cependant malgré l'odieux et la dé

faveur que déversait le ministère sur ceux qu'il appelait les amis de la France, les apologistes de la révolution, le besoin de la paix avait beaucoup grossi le nombre des partisans de M. Fox on le considérait avec raison, à cause de ses opinions, et de la droiture de son caractère, comme l'homme d'état le plus propre à négocier avec le premier Consul. Son ardent patriotisme, son dévouement à son pays, ne permettaient pas de craindre qu'il consentit jamais à des conditions inégales, et nul autre n'était, par sa position et par ses talens, plus capable d'en stipuler de plus avantageuses pour l'Angleterre, et de fonder une paix solide.

M. Pitt avait été destiné dès l'enfance par son père, le premier comte de Chatam, comme M. Fox l'avait été par le sien lord Holland, à la carrière parlementaire. Ces vieux rivaux avaient l'un et l'autre de bonne heure inspiré à leurs enfans, avec leurs sentimens et leurs opinions, le désir de s'illustrer par de semblables succès et par une semblable rivalité ils avaient cultivé leurs talens naturels par de fortes études; ils les avaient formés dans l'art de raisonner, et les avaient exercés dans celui de parler en public. Par une coïncidence non moins remarquable, les fils aînés de ces deux illustres personnages, quoique n'étant point dépourvus d'esprit et de moyens, n'annonçaient aucune aptitude aux

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affaires ils étaient inactifs et insoucians, tandis que

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leurs plus jeunes frères, William Pitt et Charles Fox étaient au contraire pleins d'ardeur et d'émulation.

Après avoir suivi le cours de son éducation d'abord sous les yeux de son père, et ensuite au collége d'Eton et de Cambridge, M. Pitt s'appliqua à l'étude des lois. Dès son début, il se distingua au barreau comme il l'avait fait parmi ses condisciples qui, sans le jalouser, applaudissaient unanimement à ses succès. Ce fut même un bonheur pour la plupart d'entre eux; car le souvenir des premiers triomphes de l'école de Cambridge, et de la justice que lui avaient rendue ses camarades, fut toujours présent à la mémoire du premier ministre. C'est un trait honorable du caractère de M. Pitt: il rechercha toujours ses compagnons d'étude, ses premiers amis, et en éleva un grand nombre à des postes éminens. Peu de temps après son brillant début au barreau, il fut envoyé au parlement par l'université de Cambridge, et son premier discours confirma l'opinion qu'on avait conçue de ses talens précoces, et qui pouvait paraître exagérée.

Lorsque après la mort du marquis de Rockingham lord Shelburne le remplaça comme premier lord de la trésorerie et forma un nouveau ministère, le jeune William Pitt, à peine âgé de vingt-cinq ans,

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fut nommé chancelier de l'échiquier à la place de lord Cavendish, et commença sa brillante carrière ministérielle avec tout l'avantage d'une immense popularité. Les Anglais croyaient entendre encore la voix de lord Chatam.

M. Pitt avait souvent entendu son illustre père prédire « que si le parlement ne se réformait lui» même, c'est-à-dire dans son intérieur, avant la » fin du dix-huitième siècle, il serait réformé exté>> rieurement ». Il se déclara d'abord ouvertement pour cette réforme; mais lorsque, devenu premier ministre, il en vit de plus près les graves conséquences, il ajourna l'accomplissement de l'oracle. Il parut d'abord en être seulement détourné par les objets importans qui, après la guerre ruineuse d'Amérique, réclamaient tous les soins de l'administration et fixaient l'attention publique : tels furent le règlement des communications commerciales avec l'Irlande, le traité de commerce avec la France, le bill pour régler les affaires de l'Inde, et surtout la restauration des finances, et la large base donnée au crédit par l'admirable système d'amortissement graduel de la dette nationale. Dans cette variété d'affaires d'état, le parti populaire, qui souhaitait ardemment la réforme parlementaire, reprochait à M. Pitt sa versatilité. Après avoir laissé perdre le temps et la conjoncture la plus propice pour effec

tuer cette mesure salutaire, qu'il semblait avoir tant à coeur lors de son entrée dans le ministère, il ne cherchait plus, disait-on, qu'à l'éluder; il n'en avait pas laissé échapper un seul mot dans aucun de ses discours à la chambre des communes. Mais les vrais motifs de sa conduite, qu'il ne laissa paraître que beaucoup plus tard, furent les craintes que lui inspirait l'esprit d'innovation et d'insurrection dont la France, après la guerre d'Amérique, toute florissante au sein de la paix, mais fatiguée des vieux abus de son gouvernement, était déjà travaillée. M. Pitt, malgré sa jeunesse et son inexpérience, fut peut-être l'homme d'état qui aperçut le premier, et prédit avec le plus de sagacité les conséquences générales de la révolution américaine, et l'explosion prochaine de celle de la France. L'esprit de liberté lui parut s'allier et se confondre tellement avec celui d'insubordination, qu'il redouta de proposer un plan de réforme parlementaire, qui ne pouvait manquer d'agiter fortement les esprits, et dans ces circonstances causer peut-être des désordres irréparables.

Si le flambeau de l'expérience manque aux jeunes gens qui osent se charger de la direction des affaires de l'état, quelquefois aussi ce désavantage est compensé par un zèle ardent, par une conduite ferme et décidée, par une franchise qui leur attire promp

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