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l'armée autrichienne, elle allait offrir des forces trois fois supérieures à celles qui avaient suffi à Bonaparte pour conquérir cette vaste et belle contrée. Le Directoire n'avait point senti la nécessité d'opposer aux Russes et aux Autrichiens une armée qui pût résister à leurs efforts. Le Piémont et la Toscane, récemment envahis, l'État de l'Église, le royaume de Naples, enfin les îles venitiennes, occupaient les deux tiers des troupes que le Directoire, plus occupé d'étendre que d'assurer sa domination, avait disséminées dans toute l'Italie. Malgré l'imminence du danger, il ne songea pas à en tirer des renforts pour l'armée qui campait sur les bords de l'Adige. Le général Schérer, lorsqu'il vint en prendre le commandement, vit éclater dans tous les rangs mille signes de défiance et de haine. C'était sous son administration, comme ministre de la guerre, que les armées avaient éprouvé le double supplice de leurs propres privations et du faste des concussionnaires qu'on envoyait à leur suite. Parmi plusieurs généraux distingués qui étaient sous ses ordres, on voyait Moreau, que le Directoire avait assez froidement protégé contre les clameurs de ses ennemis. Pour

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1799- mettre à l'épreuve sa docilité, on lui avait d'abord donné un emploi au-dessous de sa renommée militaire. A l'approche de la guerre, on crut devoir recourir à ses talens.

Le Directoire avait donné l'ordre à Schérer d'attaquer l'armée autrichienne avant l'arrivée des Russes. Celle-ci attendait un renfort moins important, mais plus prochain; c'était le corps du général Bellegarde, qui descendait du Tyrol. Schérer voulut le prévenir : le 6 avril, il engagea une action pour passer l'Adige, et porta la guerre sur le territoire venitien. La bataille se donna à CastelNovo. Le général Serrurier obtint des avantages assez brillans, et poursuivit les ennemis jusqu'à Rivoli. Le général Moreau, qui avait sous ses ordres les trois divisions Victor, Hatry et Montrichard, s'avança jusqu'à Vérone, et fit un grand nombre de prisonniers. Mais les Autrichiens firent sortir de Legnago des troupes qui gênèrent la communication entre les divisions françaises, et pendant la nuit celles-ci se replièrent sur leurs premières positions, en conservant pour gages apparens de leur victoire deux ponts sur l'Adige, douze pièces de canon, deux

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drapeaux, et quatre mille cinq cents prison- 1799. niers. Il y avait eu des deux côtés à peu près trois mille hommes tués ou blessés.

La position des Français ne leur permettait pas de bataille indécise ni de victoire incomplète. L'armée autrichienne allait être plus que doublée par les renforts qu'elle attendait, et Schérer n'avait eu qu'une espérance vague et mal fondée de tirer quelques secours de l'armée du général Lecourbe, dont une division devait chercher à s'ouvrir un chemin dans le Tyrol pour venir se joindre à lui. Cette entreprise n'avait pas réussi. Tous les malheurs de l'armée d'Italie vinrent de l'obstination du général Schérer à vouloir regarder la journée de Castel-Novo comme une victoire éclatante. Le 16 avril, il recommença l'attaque. Le général Kray, charmé de son côté d'engager une seconde bataille avant l'arrivée de Souwarow, fier de n'avoir point perdu de terrain dans la première, écoutait plus son amour pour la gloire que les conseils de la prudence. Instruit que les Français devaient tenter une seconde fois le passage de l'Adige, il avait pris la résolution de les prévenir, et de les attaquer sur tout leur front.

La bataille s'annonça sous des auspices

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favorables, comme celle de Castel-Novo. Moreau, toujours à la tête de trois divisions, se dégagea avec beaucoup d'art et d'intrépidité d'une position difficile. Menacé sur ses derrières, il s'était porté en avant avec tant d'ardeur, il avait manœuvré avec tant d'habileté, que les ennemis avaient été forcés de reprendre le chemin de Vérone. Il vint à bout de percer leur centre, et de les poursuivre jusqu'aux portes de la ville; mais, ou il porta trop d'impétuosité dans ce mouvement, ou le général en chef mit trop de lenteur à le seconder : il se trouva bientôt entre les divisions françaises de longs intervalles, dont les Autrichiens profitèrent. Elles furent attaquées séparément, et sans pouvoir se porter des secours assez prompts. Le général Serrurier se maintint à Villa-Franca, qu'il avait emportée. Mais, dans d'autres postes, les Français plièrent; leurs opérations ne pouvaient plus se concerter. Le général Kray avait fait sortir de Vérone une réserve assez forte qui contraignit à la retraite les deux divisions qui marchaient pour seconder Moreau. Cependant celui-ci se raaintenait encore dans une position avancée, lorsqu'il reçut l'ordre du général Schérer d'effectuer sa retraite.

Ainsi les Français avaient échoué deux fois 1799dans une attaque dont le succès seul pouvait leur conserver cette brillante offensive à laquelle ils étaient accoutumés. Les soldats étaient indignés contre le général Schérer, comme s'il leur avait fait éprouver une défaite honteuse. Tous leurs voeux se portaient vers le général Moreau ; ils prévoyaient la nécessité d'une retraite, et lui seul leur paraissait propre à la 'diriger.

Les murmures de l'armée, la vue de périls imminens, l'absence de toute ressource prochaine, le mécontentement des peuples italiens, tout se réunit pour porter un grand désordre dans les résolutions du général Schérer. Il désespéra de pouvoir garder la ligne du Mincio; il oublia l'armée de Naples et toutes les divisions répandues dans la péninsule. Il se hâta d'ajouter six mille hommes à la garnison déjà considérable de Mantoue. Il approvisionna cette place pour un an, augmenta la garnison de Pizzighitone, et réduisit, par ces diverses opérations, son armée à vingt-huit mille hommes. Il se retira enfin jusque sur les bords de l'Adda, et crut pouvoir y soutenir pendant quelque temps les efforts

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