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il emmenait sur le même bâtiment que lui, Berthier, chef de l'état-major, Caffarelli Dufalga, commandant du génie, Dommartin, commandant l'artillerie, l'ordonnateur Sucy, l'ordonnateur de la marine Leroy, le payeur général Estève, les médecins et chirurgiens en chef Desgenettes et Larrey, huit ou dix aides-de-camp, deux ou trois adjudans-généraux, et cinq ou six adjoints à l'étatmajor 1.

Cette lettre était accompagnée d'instructions pour l'ordonnateur Najac, auquel Bonaparte n'avait cessé de témoigner estimé et confiance, et recommandait le plus grand secret. « Répandez, lui mandait-il, le bruit que le ministre de la marine va se rendre à Toulon, et faites en conséquence préparer un logement qui sera pour moi. La flotte qui va partir est due au zèle que vous avez montré dans toutes les circonstances. Je renouvellerai votre connaissance avec un plaisir particulier, et je me ferai un devoir de faire connaître au gouvernement les obligations que l'on vous a'. »

Les détails infinis dans lesquels entrait Bonaparte, si on les rapportait tous, paraîtraient minutieux; mais ils prouvent que rien ne lui échappait, et que son esprit prévoyant, infatigable, savait descendre aux plus petits objets, sans cesser de dominer l'ensemble. Ainsi on trouve dans sa correspondance la critique du prix des nolis pour les armemens de Gênes et de Civita-Vecchia. Il

'Lettre du 28 germinal.

2 Lettre du 28.

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recommandait à Desaix de ne payer les transports que par mois. Il se plaignait vivement de ce qu'à Gênes on avait nolisé 68 bâtimens jaugeant 12 à 13,000 tonneaux pour porter 6,000 hommes, lorsque, terme moyen, il suffisait d'un tonneau par homme, etc.

Voyant que l'escadre ne pourrait pas partiravant le 10 floréal, que la saison était déjà avancée, Bonaparte pensa que tout relâche occasionerait un retard trop considérable, et renonça à réunir les divers armemens en Corse, comme il en avait eu d'abord l'intention. Le 30 germinal (19 mars), il envoya donc l'ordre à Barraguay d'Hilliers de lever l'ancre de Gênes, si le temps le permettait, le 6 floréal, ou au plus tard le 7, et de se diriger sur Toulon avec toute sa division : l'escadre devait mettre à la voile le 10 au plus tard et se diriger droit sur les îles Saint-Pierre. Il écrivit à Desaix de se tenir prêt à partir au premier ordre, que leur point de réunion serait sur Malte, et lui traça ainsi sa route : « Côtoyez toutes les côtes de Naples, passez le phare de Messine, et mouillez à Syracuse, ou dans toute autre rade aux environs. » Quoiqu'on n'eût aucun indice que les Anglais eussent passé ou voulussent passer le détroit, pour qué Désaix ne s'aventurât pas, Bonaparte préférait qu'il filát côte à côte. Il lui recommandait cependant d'expédier un aviso aux îles Saint-Pierre, pour croiser entre la Sardaigne et l'Afrique, afin que si les Anglais arrivaient aux îles Saint-Pierre avant l'escadre, il pût en être prévenu, et régler ses mouvemens en conséquence. Quoiqu'il pensât que

Desaix, dans un port du continent ou de la Sicile, n'avait rien à craindre des Anglais, il lui conseillait par prudence d'embarquer quatre pièces de 24, deux mortiers, deux grils à boulets rouges, 2 ou 300 coups par pièce, pour établir une bonne batterie '.

Revenant le lendemain sur la route de Desaix, Bonaparte préférait de le voir aller à Syracuse plutôt qu'à Trapani, parce qu'il côtoierait toujours l'Italie et profiterait du vent de terre. Si pendant sa navigation, les vents devenaient contraires, s'opposaient à son passage par le détroit de Messine, et lui permettaient de se rendre promptement à Trapani, Bonaparte n'y voyait aucun inconvénient; mais dans ce cas il fallait doubler le cap, et qu'il se mît dans une rade d'où il pût sortir avec le même vent qui était nécessaire à l'escadre pour se rendre des îles SaintPierre à Malte. Alors il serait encore plus nécessaire qu'il fit croiser un aviso entre la Sardaigne et le Cap-Blanc, afin d'avoir à temps des nouvelles des Anglais s'ils venaient à paraître. Dans tous les cas, dès que l'escadre aurait passé les îles SaintPierre, Bonaparte enverrait un aviso à Trapani avoir des nouvelles de Desaix. De son côté, pour il était à propos qu'il envoyât aussi dans la petite île de Pantelaria, où Bonaparte en ferait prendre'.

Enfin il écrivit à Najac (3 floréal). « Je pars demain dans la nuit, et je compte être le 8 à Toulon. >>

'Lettre du 30 germinal (19 avril). Lettre du 1er. floréal (20).

Depuis le 15 ventôse, époque où l'expédition d'Égypte fut définitivement arrêtée, on ne parla plus dans les journaux que de ses préparatifs, il n'y fut plus que faiblement question de la descente en Angleterre Était-ce pour mieux tromper encore le cabinet de Londres, et lui faire croire qu'on ne paraissait avoir abandonné une attaque directe contre la Grande-Bretagne, que pour mieux en assurer le succès?

que

I

Quoi qu'il en soit, le gouvernement anglais rassembla sous sa main la plus grande partie de ses forces, et laissa la Méditerranée pour ainsi dire ouverte aux flottes françaises qui s'y trouvaient en armement. Les uns en ont conclu que l'Angleterre avait pris le change, et n'avait pas soupçonné le but réel de l'expédition ; d'autres ont prétendu le cabinet anglais l'avait lui-même fait conseiller au Directoire et à Bonaparte, pour détourner l'orage qui menaçait la Grande-Bretagne, brouiller la Porte avec la France, et disséminer ses forces au moment où une nouvelle coalition sé préparait contre elle. C'est aussi faire trop d'honneur au génie de Pitt, et trop rabaisser celui de Bonaparte. Il suffit de se rappeler sa correspondance de Passériano, avant la paix avec l'Autriche, pour être convaincu que l'expédition d'Égypte avait pris naissance ailleurs que dans la tête du ministre anglais. Concluons donc que, dans toutes les hypothèses, le cabinet britannique agit très-sagement en prenant tous les moyens de

▪ Botta, Histoire d'Italie, tome III, page 165. -GUERRE D'Égypte.

TOME I.

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se préserver du danger le plus imminent pour son pays, plutôt que de s'y exposer en éparpillant ses forces pour être partout, et prévenir des périls éloignés.

Du reste, en France, des hommes du premier rang, dans le gouvernement et l'armée, et des généraux qui devaient être de l'expédition, furent long-temps sans en connaître la destination. Le ministre de la guerre, Scherer pria, dit-on, par un billet, le général Bonaparte de le mener au Directoire pour connaître enfin l'objet des immenses préparatifs qui se faisaient de toutes parts.

Le général Moreau, trompé comme tout le monde par les apparences, écrivit à Bonaparte général en chef de l'armée d'Angleterre, 5 germinal (25 mars):

<< Il est peu de Français qui depuis long-temps ne désirent une descente en Angleterre; il en est peu qui ne soient persuadés de la réussite de cette expédition, depuis que vous vous êtes chargé de la commander.

Et il est du devoir de ceux qui aiment leur pays, à qui la guerre a donné quelque expérience, de vous faire part de tout ce qu'ils jugeront susceptible d'en assurer le succès; à ce titre, j'ai pensé devoir vous communiquer quelques réflexions sur cette entreprise périlleuse.

Et il terminait ainsi sa lettre :

Je désire, citoyen général, que ces réflexions puissent vous être de quelque utilité. J'ai trop à coeur les succès de mon pays, pour ne pas me faire un devoir de vous communiquer tout ce que

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