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le commandement de l'armée d'Égypte, et l'eût chargé d'ordonner tous les préparatifs de l'expédition, il ne reçut que le 23 germinal (12) l'arrêté en date de ce jour qui lui conférait ce commandement, et le pouvoir d'embarquer avec lui telle portion des troupes de terre et de mer alors stationnées dans les 8°. et 23°. divisions militaires qu'il jugerait convenable; et qui l'autorisait à donner, dans le cours de l'expédition, de l'avancement aux militaires qui lui en paraîtraient dignes par leur zèle, leurs talens et leurs services.

Dans le principe on avait compté pour l'expédition, et surtout pour l'armement de Toulon, sur l'escadre du contre-amiral Brueys, composée de six vaisseaux et six frégates françaises, cinq vaisseaux et trois frégates vénitiennes, et deux cutters pris aux Anglais. Mais craignant que Brueys, qui était à Corfou, ne fût pas arrivé à temps à Toulon, Bonaparte était plutôt résolu à s'en passer qu'à retarder, pour l'attendre, le départ de l'expédition. Les six vaisseaux de guerre qui étaient en rade de Toulon, le Conquérant, que l'on armait, les frégates et les briks, lui paraissaient suffisans pour porter facilement 6,000 hommes; il ne fallait donc plus que des bâtimens de transport pour les 4,000 hommes restant du corps d'armée qui devait s'embarquer dans ce port, Bonaparte chargea la commission de la Méditerranée de se les procurer'.

A peine venait-il d'expédier cet ordre, qu'il

Lettre du 5 germinal.

apprit que Brueys était parti de Corfou, le 6 ventôse, avec son escadre, et que le chef de division Perrée avait quitté Ancône, le 12, avec deux frégates françaises et deux vénitiennes. Il les présumait déjà arrivés à Toulon, et il écrivit à la commission de s'occuper aussitôt de l'entier armement de ces bâtimens qu'il supposait capables de porter les 10,000 hommes à embarquer dans ce port. Il espérait qu'ils pourraient être prêts à partir dans quinze jours, c'est-à-dire du 20 au 25 germinal. A cette dépêche étaient joints des plans et l'ordre de la construction de 30 pontons ne devant pas peser chacun plus de goo livres, de deux petits bateaux portant une pièce de 12, n'excédant pas l'un le poids de dix milliers, d'une petite corvette portant une pièce de 24 et plusieurs pièces de 6, qui se divisât en parties pour pouvoir être transportée sur huit diables; ces différens bâtimens étant destinés à être transportés par terre, il recommandait donc de tout sacrifier à la légèreté1.

Dès ce moment Bonaparte entra aussi en correspondance avec le contre-amiral Brueys. « Vous aurez, lui écrivit-il, une des plus belles escadres qui soient sorties depuis long-temps de Toulon ; elle vous mettra à même de remplir la mission brillante qui vous est destinée. Je serai fort aise de vous revoir; j'espère que ce sera dans peu de temps'. >>

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Il lui annonça que le Directoire voulant récompenser les services qu'il avait rendus dans la Méditerranée, où il naviguait depuis quinze mois lui avait conféré le grade de vice-amiral, et qu'il recevrait incessament son brevet; que les chefs de division Decrès, Thévenard, Gantheaume et le capitaine Casabianca partaient pour aller le rejoindre '.

Il paraît qui Brueys fut l'objet de quelque dénonciation; Bonaparte lui écrivit : « Le gouvernement a une entière confiance en vous, et ce ne seront pas quelques têtes folles, payées peut-être par nos ennemis pour semer le trouble dans nos escadres et nos armées, qui pourront le faire changer d'opinion'. »

Malgré l'étonnante activité portée dans les préparatifs de l'expédition, elle ne se trouva pas prête à la fin de germinal, comme l'avait espéré Bonaparte. Il fixa l'embarquement au 5 floréal pour partir du 6 au 7, et manda à Brueys : « Dans la première décade de floréal je serai à votre bord. Je crois indispensable que nous montions l'Orient qui est le vaisseau à trois ponts. Comme vous êtes le seul auquel j'écris que je dois me rendre à Toulon, il est inutile de le dire. Vous sentez qu'il est essentiel que le vaisseau-amiral ne soit pas le plus mal équipagé. Faites-moi préparer un bon lit, comme pour un homme qui sera malade pendant toute la traversée. Faites de bonnes provisions. » En effet,

'Lettre du 24 germinal ( 13 avril ).
2 Lettre du 28 (17).

il emmenait sur le même bâtiment que lui, Berthier, chef de l'état-major, Caffarelli Dúfalga, commandant du génie, Dommartin, commandant l'artillerie, l'ordonnateur Sucy, l'ordonnateur de la marine Leroy, le payeur général Estève, les médecins et chirurgiens en chef Desgenettes et Larrey, huit ou dix aides-de-camp, deux ou trois adjudans-généraux, et cinq ou six adjoints à l'étatmajor '.

Cette lettre était accompagnée d'instructions pour l'ordonnateur Najac, auquel Bonaparte n'avait cessé de témoigner estime et confiance, et recommandait le plus grand secret. «< Répandez, lui mandait-il, le bruit que le ministre de la marine va se rendre à Toulon, et faites en conséquence préparer un logement qui sera pour moi. La flotte qui va partir est due au zèle que vous avez montré dans toutes les circonstances. Je renouvellerai votre connaissance avec un plaisir particulier, et je me ferai un devoir de faire connaître au gouvernement les obligations que l'on vous a*. »

Les détails infinis dans lesquels entrait Bonaparte, si on les rapportait tous, paraîtraient minutieux; mais ils prouvent que rien ne lui échappait, et que son esprit prévoyant, infatigable, savait descendre aux plus petits objets, sans cesser de dominer l'ensemble. Ainsi on trouve dans sa correspondance la critique du prix des nolis pour les armemens de Gênes et de Civita-Vecchia. Il

'Lettre du 28 germinal,

a Lettre du 28.

recommandait à Desaix de ne payer les transports que par mois. Il se plaignait vivement de ce qu'à Gênes on avait nolisé 68 bâtimens jaugeant 12 à 13,000 tonneaux pour porter 6,000 hommes, lorsque, terme moyen, il suffisait d'un tonneau par homme, etc.

Voyant que l'escadre ne pourrait pas partiravant le 10 floréal, que la saison était déjà avancée, Bonaparte pensa que tout relâche occasionerait un retard trop considérable, et renonça à réunir les divers armemens en Corse, comme il en avait eu d'abord l'intention. Le 30 germinal (19 mars), il envoya donc l'ordre à Barraguay d'Hilliers de lever l'ancre de Gênes, si le temps le permettait, le 6 floréal, ou au plus tard le 7, et de se diriger sur Toulon avec toute sa division : l'escadre devait mettre à la voile le 10 au plus tard et se diriger droit sur les îles Saint-Pierre. Il écrivit à Desaix de se tenir prêt à partir au premier ordre, que leur point de réunion serait sur Malte, et lui traça ainsi sa route : << Côtoyez toutes les côtes de Naples, passez le phare de Messine, et mouillez à Syracuse, ou dans toute autre rade aux environs. » Quoiqu'on n'eût aucun indice que les Anglais eussent passé ou voulussent passer le détroit, pour que Desaix ne s'aventurât pas, Bonaparte préférait qu'il filât côte à côte. Il lui recommandait cependant d'expédier un aviso aux îles Saint-Pierre, pour croiser entre la Sardaigne et l'Afrique, afin que si les Anglais arrivaient aux îles Saint-Pierre avant l'escadre, il pût en être prévenu, et régler ses mouvemens en conséquence. Quoiqu'il pensât que

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