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temps. A côté de moi, trois jeunes gens buvaient du punch, et causaient à la Française, et voici exactement ce que j'entendis de leur conversation. Le Portugal fera la paix et paiera les frais de la guerre. Le premier consul ne partira que le mois prochain, etc. (a). »

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Adieu, les douceurs de la paix, adieu les embrassements de famille.

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Les pleurs et les craintes qui accompagnent le départ d'un fils ou d'un frère, avaient déjà recommencé.

Le premier consul s'occupa de former une armée d'Angleterre. Une escadre anglaise menaçait nos côtes, insultait nos marins, bombardait le Havre, Granville, Dieppe, Boulogne, Calais, etc.

Une armée de deux cent mille combattants nous protégea sur la Manche et le Pas-de-Calais. On comptait dix mille embarcations légères, propres à transporter nos soldats. Les Anglais riaient d'abord de nos manœuvres ; puis une terreur panique s'empara d'eux. Toute l'Angleterre prit des mesures qui l'assimilaient à une ville assiégée. Les côtes étaient hérissées de canons; la presse de cent mille matelots avait été votée pour 1804; des écluses avaient été construites, pour inonder, en cas de besoin, le comté d'Essex; les plus riches habitants de Douvres, craignant l'invasion, s'étaient réfugiés à Cantorbéry; on avait proposé d'élever des fortifications autcur de Londres; il avait été convenu déjà qu'à la première nouvelle de descente effectuée, les

(a) Journal de Paris.

forêts, les villages, les voitures, seraient brûlés, les chemins détruits, les villes démantelées (a).

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Une caricature nouvelle mettait ces mots dans la bouche de Georges, propos du pâté d'Amiens mangé soi-disant en famille : « Maudit pâté, quelle colique tu me donnes (b)! »

Pitt, pour tout dire, avait endossé l'uniforme de guerre; et Georges passait des revues.

Les forces de la Grande-Bretagne montaient à cinq cent onze vaisseaux de ligne, frégates et autres, avec une flottille de six cent quatre-vingts petits bâtiments. On comptait quatre-vingt-dix-huit mille marins, et vingt-cinq mille fencibles marins; cent quatre-vingt-quatre mille hommes de troupes de terre, et près de quatre cent mille volontaires.

On disait que Pichegru et Dumouriez avaient offert leurs services à l'armée anglaise.

Quant aux forces de la France, elles étaient moins apparentes, mais, au fond, plus formidables. Ses soldats étaient vieux et aguerris. La flottille, réunie dans la Manche, comprenait mil huit cent cinquante-un bâtiments de guerre ou de transport.

Le premier consul arriva à Boulogne, centre des armements militaires, le 12 brumaire. Dès le lendemain, il fit manoeuvrer dans la rade environ cent chaloupes canonnières. Trois jours après, il fit exercer les troupes à l'embarquement.

Bonaparte rentra à Paris le 18 novembre.

L'Angleterre avait éprouvé une frayeur mortelle, en le voyant à Boulogne. Son retour à Paris dissipa ces craintes. Alors des discussions énormes s'élevèrent dans le parlement, et Pitt revint à la tête du ministère.

Et le Rêve de Georges commença (c): « Georges est assis et endormi, appuyé sur sa table; l'Erreur, derrière lui, lui montre la figure de l'Angleterre sur un char marin traîné par la Chimère. L'Angleterre tient à sa main le trident, signe de l'empire des Mers. >>

Rêve qui devait amener un réveil fort désagréable (d) : « La Vérité écarte le nuage, et montre à Georges le vaisseau français proclamant la liberté des

mers. »

Pitt revenant au ministère, c'était la diplomatie anglaise, montée à son apogée. Les affaires de la guerre s'effacèrent peu à peu. La terreur des Anglais diminua, et les deux nations restèrent indécises pendant longtemps

encore.

Pour Bonaparte, il comprit que sa position était fort grave, et qu'une coali

(a) Histoire de la révolution de France, par A. F. Desodoards.

(b) Collection de M. Laterrade.

(c) Gravure de la Bibliothèque royale.

(d) Id.

tion était imminente. Il avait dit vivement à l'ambassadeur d'Angleterre (a) : « Vous êtes décidés à la guerre... vous voulez la guerre. Nous l'avons faite pendant quinze ans ; vous voulez la faire encore pendant quinze années et vous m'y forcez. » Puis, il avait ajouté, en parlant à l'ambassadeur de Russie: « Les Anglais veulent la guerre; mais s'ils sont les premiers à tirer l'épée, je serai le dernier à la remettre dans le fourreau; ils ne respectent pas les traités, il faut dorénavant les couvrir d'un crêpe noir... Si vous voulez armer, j'armerai aussi; si vous voulez vous battre, je me battrai aussi. Vous pourrez peut-être tuer la France, mais jamais l'intimider. Malheur à ceux qui ne respectent pas les traités! ils en seront responsables devant toute l'Europe. Interpellation hardie, et qui prouvait que Bonaparte s'attendait maintenant à quelque chose de plus que la guerre avec l'Angleterre.

>>

Paul I n'était plus-là, Paul I", son ami, et que des caricatures avaient maintes fois représenté sous la forme d'un ours blanc mené en laisse par Bonaparte.

Faire face aux éventualités, cela se traduisait pour lui en augmentation de pouvoir. Plus sa volonté serait une, serait puissante, serait incontredite. qu'on nous pardonne cette expression, plus le triomphe, à ses yeux, serait certain. Il ne voulait donc pas être empêché par toutes les petites tracasseries politiques, cailloux jetés dans l'engrenage d'un gouvernement. Il lui fal lait parler haut et seul, être écouté, être obéi. Avec cela, les choses de

(a) Dans une audience diplomatique.

T. II.

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vaient aller au mieux; sans cela c'en était fait, pensait-il, de la France et de lui.

Le plus terrible coup avait été porté à la liberté de la presse. Un arrêté des consuls avait décidé que nul ouvrage ne pourrait être mis en vente avant d'avoir été examiné par une commission de censure, qui donnerait ou refuserait son permis, selon qu'il y aurait ou non lieu à la censure (a).

Personne ne murmura, chacun étant persuadé que Bonaparte agissait dans l'intérêt de la France, ou bien chacun craignant de déplaire « à la majesté consulaire. >>

C'eût été peu de chose que de fermer brutalement la bouche aux mécontents; il fallut s'assurer à tout jamais les complaisances du corps-législatif, en faire le compagnon intime du sénat, et pour cela, avoir sur lui la haute main.

Rien n'arrêtait Bonaparte : il conçut le projet de faire modifier la constitution même du corps-législatif.

D'après un nouveau sénatus-consulte organique, le premier consul eut des attributions énormes. Qu'on juge par cette variante de la constitution de l'an VIII, si, autrement que par les mots, le gouvernement républicain existait en France (b).

Art. 1er Le premier consul fera l'ouverture de chaque session du corps législatif.

2. 11 désignera douze membres du sénat pour l'accompagner.

3. Il sera reçu à la porte du palais du corps législatif par le président, à la tête d'une députation de vingt-quatre membres.

4. Les membres du conseil d'État se placeront dans la partie de la salle assignée aux orateurs du gouvernement.

5. Lorsque les consuls auront pris place, les membres du tribunat seront introduits, et placés dans la partie de la salle assignée aux orateurs de ce corps.

6. Le premier consul, après avoir ouvert la séance, recevra le serment des nouveaux membres du corps législatif et du tribunat qui ne l'auront pas encore prêté; les conseillers d'État feront ensuite les communications que le gouvernement aura arrêtées, et la séance sera levée.

7. Pendant le jour de l'ouverture de la session du corps législatif la police de son palais sera remise au gouverneur du palais du gouvernement, et à la garde consulaire.

8. Le premier consul nommera le président du corps législatif sur une présentation de candidats qui sera faite par le corps législatif au scrutin secret et à la majorité absolue.

(a) Arrêté du 27 septembre.

(b) Il faudrait, pour bien apprécier l'autorité présente de Bonaparte, rapprocher ce sénatus-consulte organique des principes de la constitution de l'an VIII, que nous avons expliquée plus haut.

9. Les candidats seront présentés dans le cours de la session annuelle pour l'année suivante et à l'époque de cette session que le gouvernement désignera.

10. Il sera pris un candidat dans chacune des séries qui devront rester au corps législatif l'année suivante.

11. Si le premier consul n'a pas encore nommé le président à l'ouverture de la session, le corps législatif présentera à sa première séance un cinquième candidat pris dans la série entrante dans l'année, et le premier consul choisira entre les cinq candidats.

12. Les fonctions du président commenceront avec la session annuelle s'il est nommé avant l'ouverture de cette session, ou le jour de sa nomination si elle n'a lieu qu'après que la session sera ouverte; il pourra sans intervalle être présenté comme candidat, et élu de nouveau.

13. Le sceau du corps législatif sera déposé chez le président. Les expéditions des lois décrétées par le corps législatif ne seront scellées qu'en présence de son président.

14. Le président logera au palais du corps législatif; la garde d'honneur sera sous ses ordres; les messages du gouvernement lui seront remis. 15. Le président aura, en cas de vacance, la nomination aux emplois du corps législatif.

16. A l'ouverture de chaque session le corps législatif nommera quatre viceprésidents et quatre secrétaires au scrutin secret et à la majorité absolue.

17. Ils seront renouvelés tous les mois; ils remplaceront le président en cas d'absence ou d'empêchement, et dans l'ordre de leur nomination.

18. Le corps législatif choisira, au scrutin secret et à la majorité absolue, douze candidats, parmi lesquels le premier consul nommera quatre questeurs, dont deux seront renouvelés chaque année, sur une désignation de six membres, faite de la même manière.

19. Les fonds votés dans le budget annuel pour les dépenses du corps législatif seront mis par douzième de mois en mois, à la disposition des questeurs sur l'ordonnance du ministre des finances.

20. Tous les mandats de dépenses seront délivrés par l'un des questeurs, qui en sera spécialement chargé.

21. L'emploi des fonds affectés aux dépenses du corps législatif, excepté ceux nécessaires au paiement des indemnités de ses membres, sera arrêté dans un conseil d'administration composé du président, des vice-présidents et des questeurs.

22. Un des questeurs fera les fonctions de secrétaire de ce conseil.

23. La révocation des employés du corps législatif sera délibérée par ce conseil, et notifiée par le président.

24. Le conseil recevra et arrêtera le compte annuel des recettes et dépenses du corps législatif.

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