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Un secrétaire transcrit cet acte, et le duc de Vicence se dispose aussitôt à le porter à Paris. Napoléon lui adjoint le prince de la Moskowa... Il voudrait aussi lui adjoindre le duc de Raguse; c'est le plus ancien des compagnons d'armes qui lui restent, et dans une circonstance aussi grave, où les derniers intérêts de sa famille vont être décidés, il croit avoir besoin de s'appuyer sur le dévouement de son vieil aide-de-camp. On allait donc dresser les pouvoirs du duc de Raguse, lorsque quelqu'un représente à Napoléon que dans cette négociation, où l'armée doit intervenir et être représentée, il serait utile d'employer un homme comme le duc de Tarente, qui apporterait d'autant plus d'influence, qu'il est connu pour avoir vécu moins près de la personne de Napoléon, et pour être entré moins avant dans ses affections. Le duc de Bassano, interrogé à ce sujet par Napoléon, lui répond que quelles que puissent être les opinions du maréchal Macdonald, il est trop homme d'honneur pour ne pas répondre religieusement à un témoignage de confiance de cette nature; Napoléon nomme aussitôt le duc de Tarente pour son troisième plénipotentiaire. Mais il veut encore qu'en traversant Essonne, les plénipotentiaires communiquent au duc de Raguse ce qui vient de se passer; qu'on le laisse

maître de voir s'il ne sera pas plus utile en restant à la tête de son corps d'armée, et que s'il tient à remplir la mission que la confiance particulière de Napoléon lui destinait, on lui enverra à l'instant des pouvoirs.

Les trois plénipotentiaires, après avoir reçu ces dernières instructions, montent dans la voiture qui les attend au pied de l'escalier; MM. de Rayneval et Rumigny les accompagnent comme secrétaires.

Immédiatement après leur départ, Napoléon envoie un courrier à l'impératrice; il a reçu de ses lettres datées de Vendôme; elle doit être arrivée le 2 à Blois; il faut bien l'informer de la négociation à laquelle on est réduit. Dans une telle extrémité, l'absence de son père, l'empereur d'Autriche, est un malheur qui grandit d'heure en heure! Notre marche sur Fontainebleau ayant coupé les routes, a prolongé le séjour de ce souverain en Bourgogne. Napoléon autorise l'impératrice à lui dépêcher le duc de Cadore pour le presser d'intervenir en faveur d'elle et de son fils... Mais il est bien tard.

Succombant à l'agitation de cette journée, Napoléon s'était enfermé dans sa chambre; il lui restait à recevoir le coup le plus sensible qui eût encore été porté à son cœur.

Dans cette nuit du 4 au 5, le colonel Gourgaud, qui avait été porter des ordres, revient d'Essonne en toute hâte : il annonce que le duc de Raguse a quitté son poste; qu'il est allé à Paris; qu'il a traité avec l'ennemi; que ses troupes, mises en mouvement par des ordres inconnus, traversent en ce moment les cantonnements des Russes, et que Fontainebleau reste à dé

couvert.

Napoléon ne peut croire d'abord à cette inconcevable défection: lorsqu'il ne lui est plus permis d'en douter, son regard devient fixe, il se tait, s'assied, et paraît livré aux idées les plus sombres. L'ingrat! s'écrie-t-il en rompant un douloureux silence, il sera plus malheureux que moi!

Napoléon avait le cœur oppressé par des sentiments trop pénibles pour n'avoir pas besoin de les épancher; c'est à l'armée elle-même qu'il veut confier ses peines laissons-le parler.

ORDRE DU JOUR.

A L'ARMÉE.

Fontainebleau, le 5 mars 1814.

« L'empereur remercie l'armée pour l'attache»ment qu'elle lui témoigne, et principalement

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» parce qu'elle reconnaît que la France est en » lui, et non pas dans le peuple de la capitale. >>> Le soldat suit la fortune et l'infortune de son » général, son honneur et sa religion. Le duc » de Raguse n'a point inspiré ce sentiment à ses > compagnons d'armes ; il a passé aux alliés. L'empereur ne peut approuver la condition » sous laquelle il a fait cette démarche ; il ne peut >> accepter la vie et la liberté de la merci d'un » sujet. Le sénat s'est permis de disposer du gou» vernement français; il a oublié qu'il doit à l'em» pereur le pouvoir dont il abuse maintenant; » que c'est l'empereur qui a sauvé une partie de >> ses membres des orages de la révolution; tiré » de l'obscurité et protégé l'autre contre la haine >> de la nation. Le sénat se fonde sur les articles >> de la constitution pour la renverser; il ne » rougit pas de faire des reproches à l'empereur, » sans remarquer que, comme premier corps » l'état, il a pris part à tous les événements. Il » est allé si loin, qu'il a osé accuser l'empereur » d'avoir changé les actes dans leur publication'.

de

'On a fait aussi ce reproche à César, et l'on ne voit guère que cela l'ait déshonoré dans l'histoire. «J'apprends quelquefois, dit Cicéron, qu'un sénatus-consulte, passé sur mon avis, a été porté en Syrie et en Arménie avant que j'aie su qu'il ait été fait ; et plusieurs princes m'ont écrit

>>

» Le monde entier sait qu'il n'avait pas besoin de »tels artifices. Un signe était un ordre pour le » sénat, qui toujours faisait plus qu'on ne dési» rait de lui. L'empereur a toujours été accessible >> aux remontrances de ses ministres, et il atten»dait d'eux, dans cette circonstance, la justifi>>> cation la plus indéfinie des mesures qu'il avait »prises. Si l'enthousiasme s'est mêlé dans les » adresses et les discours publics, alors l'empe» reur a été trompé. Mais ceux qui ont tenu ce >> langage doivent s'attribuer à eux-mêmes les sui> tes de leurs flatteries. Le sénat ne rougit pas » de parler de libelles publiés contre les gouver>> nements étrangers, il oublie qu'ils furent ré» digés dans son sein! Si long-temps que la for

des lettres de remerciements sur ce que j'avais été d'avis qu'on leur donnât le titre de roi, que non seulement je ne savais pas élus rois, mais même qu'ils fussent au monde. >> (Cicéron, Lettres familières, lettre 9.)

I

L'empereur... ne se plaignait rien tant que du penchant qui entraînait le sénat à la servitude. Toute sa vie est pleine de ses dégoûts là-dessus. Mais il était comme la plupart des hommes; il voulait des choses contradictoires. Sa politique générale n'était pas d'accord avec ses passions particulières; il aurait désiré un sénat libre, et capable de faire respecter son gouvernement; mais il voulait aussi un sénat qui le satisfît à tous moments... » (Montesquieu, Grandeur et décadence des Romains, chapitre 14.)

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