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où Bonaparte fut de rester en Égypte, pour combattre les armées qui venaient l'y attaquer, durent nécessairement le faire changer de résolution.

D'ailleurs la haute ambition dont Bonaparte eut les premières idées après la bataille de Lodi, se déclara tout-à-fait sur le sol de l'Égypte, après la victoire des Pyramides et la possession du Kaire. Alors il crut pouvoir s'abandonner aux rêves les plus brillans '.

Fondateur d'États libres en Italie, Bonaparte ne vint pas, comme ses détracteurs l'ont prétendu, établir en Égypte la liberté telle que l'entendaient alors les peuples les plus éclairés de l'Europe. Pour la comprendre, la nation égyptienne était trop ignorante, trop abrutie par le despotisme. Cependant par le tableau que nous avons fait de ses institutions, on a pu voir qu'elles étaient loin d'être barbares, qu'elles consacraient les droits des gouvernés, qu'elles imposaient des devoirs aux gouvernans; il ne leur manquait donc pour la prospérité du pays, que d'être respectées. Fondateur d'une colonie française, Bonaparte sentait qu'il devait d'abord s'appuyer sur les lois du peuple conquis, sur ses moeurs et ses usages. Cependant conquérant d'un pays, berceau des lumières, il eut la noble pensée d'y ramener les bienfaits de la civilisation. Par une heureuse innovation, il résolut donc de faire concourir au gouvernement et à l'administration, les habitans

* Lascases, tome vi, page 405.

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les plus distingués par leurs lumières, leurs talens et leur influence sur le peuple: C'était aussi, par une sage politique, tempérer la rigueur du commandement, et rendre l'obéissance plus facile. On aurait pu, avec le temps, faire comprendre aux Égyptiens, par leur propre expérience, l'avantage des formes administratives de l'Occident, sur celles du despotisme oriental. Cette espérance n'a été qu'un rêve; mais ce fut alors celui d'un homme de génie, qui, dans ses hardies conceptions, envisageait le bien de l'humanité, et qui, portant sa pensée au-delà du présent, bâtissait pour l'avenir.

Avant d'entrer au Kaire, mais après la soumission de cette ville, Bonaparte avait déjà, dans sa proclamation du 4 thermidor, invité les notables habitans à établir pour la police un divan provisoire. A peine fut-il entré dans cette ville, qu'il y constitua définitivement le divan, et qu'il organisa l'administration des provinces. Le divan du Kaire fut composé de neuf personnes, savoir : le cheyk ElSadat, le cheyk El-Cherkaoui, le cheyk El-Sahouï, le cheyk El-Bekri, le cheyk El-Fayoumy, le cheyk Chiarichi, le cheyk Mussa-Lirssi, le cheyk Nakibel-Ascheraf Seid-Omar, le cheyk Mohamed-elÉmir. Le divan nommait dans son sein son président et choisissait un interprète pris hors de son sein, deux secrétaires interprètes sachant le français et l'arabe, deux agas pour la police, deux commissions de trois, l'une pour surveiller les marchés et la propreté de la ville, et l'autre

chargée de faire enterrer les morts qui se trouveraient au Kaire, ou à deux lieues aux environs. Le divan s'assemblait tous les jours à midi, et avait constamment trois membres en perma

il y

nence.

Il avait à sa porte une garde française et une garde turque.

Le général Berthier et le commandant de la place furent chargés d'installer le divan et de lui faire prêter le serment de ne rien faire contre les intérêts de l'armée '.

Le général en chef lui adressa plusieurs questions sur la formation, la composition et les appointen ens des divans provinciaux, sur les successions, sur la manière de rendre la justice, sur les propriétés et les impositions. Les réponses du divan furent pleines de sagacité, rappelèrent les lois et usages qui régissaient l'Égypte, et servirent en grande partie de base au système de gouvernement et d'administration adopté par Bonaparte.

Le divan fut d'avis que les villes d'Alexandrie, Rosette et Damiette fussent représentées dans le divan du Kaire; qu'il fût convoqué dans ces trois villes une assemblée des gens de loi, des schérifs, des négocians et des notables, pour faire le choix de trois membres; que la même assemblée nominat douze ou quinze membres pour composer son divan particulier, ayant soin de faire des choix

Arrêté du 7 thermidor (25 juillet ).

agréables à la République Française et aux habitans, et que les nominations fussent adressées au divan du Kaire, pour être présentées à la confirmation du général en chef.

Quant aux autres provinces d'Égypte, l'assemblée proposa que dans chaque grande province on. format quatre divans de douze membres qui se tiendraient dans les villes principales, et dont la nomination se ferait par l'assemblée générale de chaque province, sauf la confirmation du général en chef; que dans les provinces d'une moindre étendue, il n'y eût que trois divans, et deux dans les petites, formés de la même manière que ceux des grandes provinces; que chacun de ces divans eût trois députés dans le divan du Kaire, comme ceux d'Alexandrie, Damiette et Rosette. L'assemblée décida que le plus grand bien du pays voulait que l'on confirmât toutes les lois existantes au sujet des successions, et qu'il n'y avait rien à changer ni à innover dans la manière de rendre la justice. Elle pensa qu'il était nécessaire de faire un réglement pour fixer d'une manière claire les droits que le qady et ses subalternes pourraient retirer d'un procès; que ces droits devaient êtré supportés par les deux parties en proportion de l'importance de la cause, sans s'écarter cependant des usages reçus dans chaque lieu et sans vexation ni tyrannie; que le choix des qadys dans chaque province fût laissé au divan, comme le plus capable de connaître ceux qui étaient le plus propres à cette place, ainsi que les lieux où ils devaient être établis; qu'on envoyât dans chaque province

un commandant français avec des forces suffisantes pour y maintenir le bon ordre, et qu'il y eût auprès de ce commandant un ancien officier des milices du Kaire, en qualité de conseiller, et un commissaire entendu dans la perception des impôts; que le commandant, l'officier musulman et le commissaire percepteur, résidassent ensemble dans la capitale de la province, de tout temps siége du gouverneur; que le commandant de la province, selon les anciens usages, percût les les droits dits kouchoufyeh, et les impositions territoriales que devaient payer les villages; qu'ensuite il s'acquittât vis-àvis du gouvernement, payât ce qui revenait aux milices, les salaires des employés, les pensions assignées sur le miry de sa province, les sommes assignées à celui qui était chargé de porter des provisions et des rafraîchissemens à la caravane des pélerins, à son retour de la Mekke, enfin que sur les revenus le commandant prélevât les dépenses nécessaires pour ses besoins particuliers, ses troupes et sa maison; que si le général en chef trouvait à propos de faire régir les provinces pour le compte de la République, et de faire payer par le trésor public tous les objets désignés si-dessus, la perception fût faite d'après les usages anciens, en supprimant les vexations mises successivement sous le gouvernement tyrannique des Mamlouks. « Les sujets le conjurent, disait le divan, de vouloir bien alléger leurs charges pour le bonheur et la prospérité du gouvernement; car ce sont ces vexations accumulées qui ont ruiné les villages,

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