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Révolution

Le Directoire n'avait point pardonné à Bo- 1798. naparte de lui avoir ravi, par le traité de de Rome; capTolentino, la conquête de Rome. Cependant tivité du pape. il lui avait donné un signe hypocrite de déférence, en nommant son frère Joseph Bonaparte, ambassadeur auprès du Saint-Père. Ce choix avait paru agréable à Pie VI. Le frère aîné du général n'annonçait aucune fougue révolutionnaire; il n'aimait des grands emplois, comme depuis il n'aima du trône, que les pompes et surtout les plaisirs. En respectant un pontife et un souverain malheureux, dont la voix était encore puissante sur le cœur des fidèles, il suivait les instructions ou généreuses ou ambitieuses de son frère; mais le Directoire lui avait donné deux bouillans acolytes dans les généraux Sherlock et Duphot. Ce dernier venait de montrer, à Gênes, combien le jeu des révolutions plaisait à son esprit ardent. Ces deux généraux s'entouraient de tous les républicains que les malheurs publics faisaient éclore. Les artistes de l'école française, qui déjà, dans les troubles précédens de Rome, n'avaient que trop signalé la pétulance révolutionnaire, secondaient les projets des deux généraux, et ne cessaient d'appeler le peuple de Rome à une

II.

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1798. liberté qu'eux-mêmes ne comprenaient guère mieux que ceux auxquels ils s'adressaient. Ces manoeuvres renouvelaient les alarmes de Pie VI et de son ministre, le cardinal Pamphili Doria. La licence des écrits et des pa-roles devenait intolérable dans Rome. Des émissaires de la République cisalpine inondaient cette capitale et les villes voisines; le pape prévit des soulèvemens, et voulut encore une fois donner un chef imposant à ses faibles troupes. Le général autrichien Provera, dont nous avons vu les exploits et les malheurs, fut appelé à la défense du Saint-Père. Ce choix parut suspect aux Directeurs. Dès ce moment, les procédés de l'ambassadeur changèrent, et prirent un caractère de menace. Son palais ne cessa plus de s'ouvrir aux factieux et de retentir des cris de vive la liberté! Il s'y joignait mille outrages, mille imprécations contre le gouvernement des prêtres; la langue italienne se souillait de tous ces quolibets hideusement impies dont nos oreilles avaient été si longtemps affligées; presque tous les Romains s'indignaient. Un régiment de dragons avait été envoyé pour surveiller les mouvemens dų palais de l'ambassadeur de France. On lui avait donné ordre de s'opposer à toute irrup

tion qui serait faite de ce palais pour porter 1798. la révolte dans Rome. Les dragons, rangés autour du palais de France, se continrent tant que les séditieux n'en franchirent pas l'enceinte. Ils leur avaient dit plusieurs fois : << Ne sortez pas, car nos ordres sont de vous repousser. » Il déplut au général Duphot de céder à une défense faite au nom du SaintPère. L'attroupement sortit sous ses ordres, et tout armé; alors les dragons chargèrent avec intrépidité les rebelles, et le général Duphot tomba leur première victime. Il ne survécut que quelques instans à ses blessures. Plusieurs factieux périrent auprès de lui; les autres rentrèrent avec effroi dans le palais. Les dragons, emportés par une fatale ardeur de vengeance, les y poursuivirent, et les cours furent jonchées de morts et de blessés. Tandis que les soldats se réjouissent de leur victoire, le malheureux pontife en voit et en déplore les terribles résultats. Il sait que Duphot devait épouser, sous peu de jours, une des sœurs de Bonaparte. Quelle sera la fureur du général, auquel il doit tout ce qui lui reste de puissance, en apprenant la mort de l'un de ses plus chers compagnons d'armes ! Le SaintPère s'occupe d'abord de veiller à la sûreté

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de l'ambassadeur, qui tremble maintenant dans ce palais, d'où la révolte tout à l'heure allait sortir. Joseph Bonaparte est à peine rassuré sur ses périls, qu'il songe à la vengeance. En vain le cardinal- ministre et le Saint-Père lui-même cherchent à le désarmer par tous les genres d'excuses et de soumissions; il sort de Rome, la menace à la bouche; il vient rapidement à Paris irriter les ressentimens de son frère et du Directoire. On ne manqua pas de répéter toutes les imprécations que la Convention avait lancées en apprenant la mort de Basseville. Le plus saint des pasteurs ne fut plus représenté que comme un chef de meurtriers. La révolution ne reconnaissait nulle part le droit de résistance. Le courroux allumé par la mort de Basseville s'était perdu dans d'horribles et inutiles menaces, puisque l'armée française n'avait point encore franchi les Alpes; maintenant elle occupait le centre de l'Italie. La Réveillère-Lépeaux saisit, avec autant de rage que de joie, l'occasion de porter un coup mortel à la religion chrétienne, dans la personne du successeur de saint Pierre. Plus de traité, plus de respect pour l'âge, le malheur, les vertus les plus pures, il faut marcher sur

Rome. C'est au général Berthier que le Di- 1798. rectoire a confié sa vengeance; ami de Bonaparte, et plus sincèrement attaché que lui peut-être à des principes de modération, Berthier ne peut réussir qu'à empêcher l'effusion du sang; les troupes se déploient sur les hauteurs de Rome, et ce sont celles qui reviennent des champs d'Arcole et de Rivoli. Berthier a la puissance de les contenir pendant un jour, et d'arrêter une irruption subite, qui pouvait renouveler toutes les horreurs du sac de Rome les soldats du conpar nétable de Bourbon. Les Français contemplent avec admiration ces palais, ces grands monumens, où demain ils doivent régner en maîtres. Le ministre espagnol Azara vient encore une fois se présenter en médiateur; mais qu'obtient-il ? pas la moindre garantie pour le SaintPère et son gouvernement. Il est convenu que les Français occuperont le château Saint-Ange, et le pape est obligé de licencier ses troupes fidèles; il est à la merci des délégués du chef des théophilanthropes. On a choisi, pour déposséder l'auguste vieillard, le vingt-troisième anniversaire de son exaltation au pontificat.

Le 15 février, Rome s'éveille en tremblant au cri de liberté! La crainte a d'a

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