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«faits pour considérer des moucherons; et l'on n'approuve « pas la peine que quelques personnes se sont donnée de «< nous apprendre comment sont faits certains insectes, << transformation des vers, etc. Il est permis de s'amuser à « cela, quand on n'a rien à faire, et pour se divertir. << Cependant cet amusement à cela pour se divertir nous « a fait connaître les ressources inépuisables de la « nature, qui rendent à des animaux les membres « qu'ils ont perdus, qui reproduisent des têtes après << qu'on les a coupées, qui donnent à tel insecte le << pouvoir de s'accoupler l'instant d'après que sa tête << est séparée de son corps, qui permettent à d'autres << de multiplier leur espèce sans le secours des deux << sexes (on le croyait alors des pucerons); cet amu«sement à cela a développé un nouvel univers en pe«tit, et des variétés infinies de sagesse et de puis<«<sance, tandis qu'en quarante ans d'études, le père << Malebranche a trouvé que la lumière est une vibration « de pression sur de petits tourbillons mous, et que nous « voyons tout en Dieu. »

Il eût pu ajouter que cet amusement à cela avait déjà fait perfectionner et inventer plusieurs arts utiles, empruntés à l'industrie des insectes; que, par exemple, l'observation des chrysalides avait fait trouver le procédé pour faire de la dorure sans or, etc., etc.

Doutes sur la mesure des forces motrices. Une discussion était survenue entre les savants sur ce sujet, Voltaire y voulut prendre part: son rôle était de porter partout l'esprit philosophique.

Conseils à un journaliste. - Ah! pensait-il quelquefois, si l'on pouvait enlever les journaux aux Desfontaines, aux Frérons, si quelques esprits sages s'emparaient des recueils périodiques, quelle machine pour écraser l'infâme! Aussi, partant de la supposition d'ailleurs très-naturelle qu'un honnête homme se prépare à se faire journaliste, il publia ces Conseils.

Disons cependant que le vrai journaliste, au dix-huitième siècle, fut Voltaire lui-même journaliste libre qui prend la plume à ses heures, qui donne à sa pensée la forme qu'il veut; qui répand la lumière par la poésie, par la science, par la polémique, par le théâtre, par l'épigramme, par le colifichet. Ouvrez tous les canaux de ce dix-huitième siècle, vous y verrez circuler l'esprit de Voltaire. La collection de ses œuvres et sa correspondance, voilà le vrai journal de son temps; mais point de chaînes, point de contrat de vente et de livraison à temps. L'esprit, par le grand publiciste, n'est point traité comme une marchandise. Quand il fera des éloges, c'est qu'il les croira mérités; et toutes les fois qu'une chose sera blâmée par lui, c'est qu'il la croira nuisible. Du reste, rien ne lui échappe. Mais point de réclames! Et rien qui puisse l'empêcher de prémunir cent et cent fois le public contre les sachets de l'apothicaire Arnout.

Utile examen des trois dernières épîtres du sieur Rousseau, Article de journal, sans nom d'auteur; critique violente des dernières inepties de J. B. Rous

seau.

Mais voici une œuvre devant laquelle il convient de s'arrêter plus longtemps.

XIX

Le Fanatisme, ou Mahomet le prophète, représenté pour la première fois à Lille, en 1741, est l'œuvre dramatique la plus importante de Voltaire, celle qui caractérise le mieux et lui-même et son siècle, celle où il épanche le plus éloquemment la douleur que lui causaient l'hypocrisie religieuse et l'hypocrisie politique. Il ne donna d'abord à sa pièce que ce titre : le Fanatisme. C'est en effet le fanatisme qu'il eut en vue; la personne de Mahomet n'est ici qu'accessoire : c'est un mythe, c'est le prophète en général. C'est celui qui se substitue à autrui, qui s'empare des âmes, qui se dit l'interprète des dieux. C'est Tartuffe, les armes à la main, Tartuffe roi et prophète. Il écrit à Cideville: « Mahomet est Tartuffe le Grand. » Et il le dit encore dans un avis au lecteur.

En choisissant Mahomet pour principal personnage de sa pièce, il ne chercha pas cependant à le rapetisser; il crut digne de lui d'en faire un tartuffe de génie. Cette tragédie est la seule qu'il écrivit en silence, sans en rien communiquer d'avance à ses amis, et sans leur en parler. Frédéric seul fut dans la confidence. Le désir de Voltaire était, s'il se pouvait, de

faire concorder l'apparition de sa pièce avec l'avènement du prince philosophe au trône de Prusse.

Il fallait que l'infâme en tremblât! Il fallait bien plus, il fallait que cette satire terrible du fanatisme et de l'intolérance religieuse reçut l'approbation du souverain Pontife; il fallait que ce cri de justice et d'humanité fût si profond et si sincère, que le pape, oubliant les maximes d'Église et redevenant homme un instant, tendît la main à l'auteur; qu'il déclarât luimême ainsi, et sans y songer, la déchéance des doctrines exclusives devant l'esprit nouveau. Et ce qu'il désirait du pape, Voltaire l'eût désiré du grand lama; il eût voulu emporter les esprits sur un terrain où prêtres, bonzes, muftis, etc., pussent tous se reconnaître hommes et s'embrasser une fois. Cette pensée, qu'il émit plus tard, en riant:

J'ai désiré cent fois, dans ma verte jeunesse,

De voir notre saint-père, au sortir de la messe,
Avec le grand lama danser un cotillon...

cette pensée ne le quittait jamais. S'il se pouvait donc qu'il obtînt publiquement pour son œuvre les félicitations papales, sans doute les fanatiques de tous les pays en feraient des grincements de dents; mais qu'importe, se disait-il, s'ils tombent dans le mépris de tout ce qui pense en Europe, s'ils sont abandonnés des magistrats, des rois, des législateurs et du pape lui-même ?

Jamais Voltaire ne déploya plus d'adresse et de ruse même qu'il ne le fit dans cette circonstance. D'abord il sut habilement pressentir le saint-père, se

mit en relations avec des cardinaux romains qui furent enchantés de sa correspondance, qui parlèrent de lui au pape avec éloge. Benoît XIV était d'ailleurs un homme instruit, aimable, sensible aux beaux vers. Il n'aimait pas les fanatiques; Voltaire savait trèsbien tout cela, cependant il s'enquérait sans cesse, à petit bruit, des sentiments de ce successeur de saint Pierre.

D'un autre côté, pour éviter, chez les Welches, de trop grands orages, il fit jouer sa pièce à Lille, la ville de province où se trouvaient alors les meilleurs acteurs. Il alla lui-même (en 1741) leur donner ses instructions, leur distribuer leurs rôles et assister aux premières représentations, qui mirent toute la ville dans un enthousiasme indicible. Le succès fut tel que plusieurs prélats voulurent en avoir une représentation par les mêmes acteurs, dans une maison particulière. Il fallut bien que de là, quoi que pût inventer la cabale, elle se reproduisît sur tous les théâtres de France. Lorsqu'on la représenta à Paris, le 9 août 1742, il y avait, dit Voltaire, une loge entière remplie des premiers magistrats de cette ville; des ministres même y furent présents.

Mahomet fut le grand succès dramatique au dix-huitième siècle, et fit du théâtre, à cette époque, une des premières institutions de l'Etat. Voltaire était au comble de la gloire et de la joie: on sait combien il aimait le théâtre, tout ce qu'il en attendait pour éclairer et policer les peuples; on connaît ses efforts pour ennoblir aux yeux du public la profession d'acteur.

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