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PRÉFACE.

La publication d'un recueil complet de notre législation charitable était chose necessaire. L'autorité supérieure ne donne communication de ses actes qu'aux seuls préfets, en leur laissant le soin d'en répandre la connaissance. Il résulte de là que fort souvent ces instructions ne parviennent pas à ceux à qui elles étaient destinées, et dès lors il était à peu près impossible aux hommes qui consacrent leur temps à la gestion du bien des pauvres de connaître parfaitement les lois et instructions qui régissent la matière. Aussi ne vous étonnez pas si les abus, si les désordres s'introduisent dans l'administration malgré les nobles pensées et les généreuses intentions des administrateurs. Le désir de faciliter à des hommes honorables leur belle mais pénible tâche, la conviction profonde que de la connaissance et de l'exécution littérale des lois devait résulter une amélioration sensible dans le sort des pauvres, telles sont les considérations qui nous ont fait entreprendre le travail que nous publions aujourd'hui.

On doit le reconnaître, l'autorité, en créant des formes positives et multipliées pour toutes les parties de l'administration, s'est montrée protectrice intelligente et éclairée de la fortune des pauvres : ces formes sont donc utiles, et les négliger serait s'exposer à perdre toute la sécurité qu'elles assurent à une bonne gestion. Mais, encore une fois, pour respecter ces lois, ces formes protectrices, il faut les connaître, savoir où les trouver au besoin. Sera-ce dans les recueils immenses et généraux, où elles sont en quelque sorte enfermées et perdues? Et encore n'aurait-on pas dans ces recueils les instructions et circulaires des ministres de l'intérieur et des finances, les arrêts de la cour des comptes, les avis du conseil d'État, etc.

Souvent, en considérant l'état actuel de notre législation charitable, et en voyant avec joie ce qui a été fait déjà en faveur des classes souffrantes (malgré ce qui reste à faire), nous nous sommes demandé quelle avait été dans cette œuvre la part de ceux qui nous ont précédé, et nous avons été amené à rechercher, à étudier avec soin l'organisation primitive, les développements successifs, en un mot, l'histoire de cette partie si importante de l'administration. Et comme, ce nous semble, le résultat de nos études n'est point dénué d'intérêt pour les personnes qui concourent, ainsi que nous, au service des établissements hospitaliers, nous croyons devoir donner ici un rapide résumé de nos découvertes. On verra la part des siècles; on verra les nobles efforts des plus grands princes et des hommes les plus considérables qui aient honoré notre pays. A l'époque de la chute de l'Empire romain, au moment où la société romaine, à son agonie, faisait place à la société nouvelle, on put craindre que les lumières, en s'éteignant, n'emportassent avec elles les sentiments de bienveillance et d'humanité qu'il est de leur essence de réveiller puissamment dans les cœurs des hommes, et l'on ne considère pas sans inquiétude ce qui serait arrivé si la loi divine que le Christ apporta aux hommes, en élevant les âmes, n'eût créé dans la société renouvelée des sentiments, des besoins, des rapports que n'avaient pas même entrevus les peuples de l'antiquité. La

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charité, cette vertu toute chrétienne, entra si profondément dans les mœurs, fut commandée d'une manière si persuasive et si impérieuse, domina si complétement l'esprit d'égoïsme, qu'après tant de siècles elle est encore vivante dans les cœurs mêmes où l'affaiblissement du sentiment religieux a détruit tant de consolations, brisé tant d'espérances. Sa bienfaisante influence pénétra la législation; pour la première fois la loi s'occupa des pauvres, des orphelins, de cette foule d'infortunés éprouvés par le besoin, décimés par la maladie; pour la première fois la législation reconnut, consacra les droits de la pauvreté; les donations des particuliers, s'unissant à la munificence des princes, contribuèrent de toutes parts à élever des asiles destinés à secourir le malheur; ils furent dotés et privilégiés par les princes, dirigés et administrés par le clergé, qui, s'il n'eut pas toujours la force et les talents nécessaires pour résister à la barbarie, n'en accomplit pas moins, à cette époque, une mission de paix et de consolation en ouvrant un refuge aux pauvres dans cette foule d'institutions charitables qu'il cherchait à soutenir par les prédications, les quêtes et tous les moyens nécessaires pour élever les ressources au niveau des besoins. C'est alors que le clergé, pouvoir législateur dans les conciles, prend en défense l'intérêt des pauvres et consolide les fondations dues à la générosité des souverains ou des particuliers. Ainsi, en 549, le cinquième concile d'Orléans défend d'aliéner les biens des hospices; sage disposition que nous verrons constamment reparaître :

Nous approuvons la fondation d'un hospice faite dans la ville de Lyon, par le pieux roi Childebert et son épouse. Que les revenus de cette fondation ne soient jamais diminués, pour quelque cause que ce soit, et que celui qui lui enlèverait une partie de ses biens soit frappé d'anathème comme meurtrier des pauvres ! »

Une institution tout à fait nouvelle, et qui devait opérer une révolution dans le caractère de la bienfaisance publique, s'introduit dans la législation, près d'un demi-siècle après la mort de Clovis : nous voulons parler du principe remarquable reconnu et admis encore de nos jours dans presque tous les états européens, et qui met les pauvres à la charge des communes.

Que chaque cité, dit le deuxième concile de Tours, en 567, nourrisse d'aliments • convenables les pauvres qui y sont domiciliés, suivant l'étendue de ses ressources; « que les prêtres et les autres citoyens y contribuent, afin que les pauvres ne se rendent pas dans les autres localités. ›

Quel que fût le dévouement général du clergé, il est dans la nature des choses humaines que l'abus suive inévitablement l'usage. De graves abus se glissèrent donc dans l'administration des institutions charitables: on en reconnut les traces dans la décision du concile de Vienne qui transfère aux laïques, à charge d'en rendre compte aux évêques, l'administration des hospices et hôpitaux, attendu que les ecclésiastiques convertissaient en bénéfice à leur profit les donations faites aux établissements charitables. Plus tard le concile de Trente confirma cette décision.

En 630, Dagobert rend un édit pour défendre de mettre en esclavage tout homme libre, quoique pauvre, à moins que, par un acte spontané, il ne fasse abandon de sa liberté. Le même roi prescrit à ses officiers de veiller à ce que les pauvres ne restent pas sans être protégés par la loi et à ce qu'ils ne souffrent aucun dommage.

De cette époque jusqu'au règne de Charlemagne aucune loi ne nous paraît mériter une mention particulière, sauf peut-être une décision du concile de Nantes sous Clovis II (658), qui prescrit aux ecclésiastiques de partager les dimes et les offrandes qu'ils reçoivent des fidèles avec les pauvres.

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Les Canons sacrés, dit ce concile, ont réglé comment les ecclésiastiques doivent disposer de ces dimes et offrandes. Un quart est destiné aux fabriques des églises; « un autre quart appartient aux pauvres...., etc. ›

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Enfin, nous arrivons au règne de Charlemagne dont le génie imprima une impulsion si vigoureuse à toutes les parties de son immense administration que son règne resplendit comme un phare solitaire dans la profonde nuit de ces temps barbares.

Ses Capitulaires témoignent hautement d'une sollicitude aussi éclairée qu'attentive en faveur des pauvres et leurs dates successives attestent une vigilance qui ne se relâchait point: ainsi, en 779, il prescrit aux évêques, abbés et abbesses de nourrir jusqu'à la moisson quatre pauvres.

En 789, il ordonne de faire porter dans les églises les pauvres qui gisent, sans asile, sur les places publiques.

Il veut également que les pauvres, les voyageurs et les étrangers reçoivent des secours réguliers et canoniques.

En 793, les hôpitaux sont déclarés par lui établissements royaux; il se réserve de désigner les personnes qui doivent les diriger, et il veut que dans ces établissements les pauvres soient traités aussi bien que les localités le permettent.

En 800, les évêques sont chargés de veiller sur les biens des pauvres. Il veut (en 811) que nul ne puisse faire la guerre aux pauvres et que les juges, de préférence, entendent la cause des orphelins, des veuves et des pauvres.

En 802, les pauvres auxquels l'empereur accorde des aumônes sont exemptés du service militaire.

En 805, renouvellement de l'édit de Dagobert de 630, qui défend d'opprimer les pauvres.

En 806, les mendiants doivent être secourus par leur paroisse; défense de leur faire l'aumône partout ailleurs. Charlemagne renouvelle dans ce capitulaire les prescriptions du concile d'Orléans de 549.

De 806 à 814, Charlemagne défend aux hospices et hôpitaux de vendre, d'aliéner leurs immeubles, soit maisons, champs, jardins, contrats de rentes, biens de ville ou de campagne.

Il défend même de laisser prendre hypothèques sur ces immeubles, voire même de les engager par des contrats emphyteotiques :

Les acquéreurs de ces biens seront tenus de les restituer avec tous les bénéfices « qu'ils ont pu faire pendant le temps de leur possession. L'administrateur qui a con◄ senti à ces aliénations sera destitué. Le notaire qui en a fait les actes doit être exilé; les magistrats qui les ont reçus et les officiers qui les ont fait enregistrer ou qui les ⚫ ont approuvés perdent non-seulement leur emploi, mais encore toutes leurs di ‹ gnités. ›

Le prince, en vertu de la pragmatique-sanction promulguée par lui, se réserve le droit de changer un immeuble contre un autre immeuble. Les dispositions vraiment remarquables de ces Capitulaires ont été conservées ou renouvelées en partie dans les lois actuelles. Il est, certes, permis de s'étonner en trouvant tant de prévoyance et d'humanité dans les lois d'une époque regardée à juste titre comme barbare. Ne pouvant en faire honneur au temps, il faut bien reconnaître que c'est au législateur que tout l'honneur en revient. Par malheur, il devança son siècle qui n'avait, pour profiter des institutions qu'il voulut lui donner, ni la sagesse ni la maturité nécessaires. Il en

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résulta qu'après sa mort la lumière prématurée qu'il avait fait briller s'éteignit peu à peu dans les déchirements auxquels la France fut en proie sous ses tristes successeurs ; ce qui explique et justifie la lacune qui existe dans la législation charitable de cette époque, lacune de près de quatre siècles, et que ne remplissent pas quelques sages ordonnances de Louis-le-Pieux et des conciles, derniers efforts dus au mouvement qu'il s'était efforcé d'imprimer aux esprits.

Ainsi, en 816, sur la demande de Louis-le-Pieux, le concile d'Aix-la-Chapelle dressa un règlement ainsi conçu :

Les évêques établiront un hôpital pour recevoir les pauvres et lui assigneront un revenu suffisant aux dépens de l'église. Les chanoines y donneront la dime de leurs « revenus, même des oblations, et un d'entre eux sera choisi pour gouverner l'hôpital même au temporel. ›

Louis-le-Pieux, en 829, renouvela à tous ses officiers de veiller à ce que les pauvres ne fussent pas maltraités.

Cette même année, le concile de Paris recommande au roi d'examiner lui-même la cause des pauvres, de crainte que ceux qu'il a nommés pour remplir ce devoir ne les laissent opprimer.

Pendant cet intervalle, le sort des pauvres fut horrible; le clergé lui-même pouvait à peine subvenir à ses besoins. Les famines, les maladies contagieuses, en désolant la France, paralysaient la charité publique, et sans doute alors les lois protectrices rendues par Charlemagne en faveur des pauvres furent, ainsi que les autres, trop souvent muettes ou violées.

Saint Louis, en faisant refleurir la législation générale, devait naturellement aussi s'occuper de celle toute spéciale qui regarde les pauvres, et l'on recherche avec intérêt dans ses Établissements les dispositions qui les concernent. Elles méritent toute notre

attention.

Ce n'est pas sans étonnement, au premier abord, qu'on voit sous le règne d'un prince si justement renommé pour ses vertus et sa piété, les lois, de douces et de bienveillantes qu'elles avaient été jusqu'alors en France, devenir tout à coup sévères et menaçantes; mais le plus léger examen fait disparaître cette apparente contradiction. Saint Louis, en effet, n'eut point à prescrire la charité, cette vertu céleste que Dieu a placée, dit M. de Châteaubriant, comme un puits d'abondance dans les déserts de la vie. Il se contentait de la recommander par son exemple, et cet exemple admirable fut si bien imité que jamais elle ne parut plus grande que sous son règne où elle déborda, pour ainsi dire, de toutes parts. Le roi, la noblesse, le c'ergé, le peuple rivalisaient de pieux efforts, pour fonder, doter, entretenir ou servir les institutions charitables qui ne furent à aucune époque aussi multipliées.

Saint Louis n'eut donc qu'à réprimer les abus qui naissaient de la mendicité, plante parasite qui détourne à son profit les dons d'une charité moins prudente que généreuse. En effet, dans ses Établissements, publiés en 1270, il prescrit que: Tout fainéant, qui n'ayant rien et ne gagnant rien fréquente les tavernes, soit arrêté, interrogé sur ses facultés, banni de la ville s'il est surpris en mensonge, convaincu de mauvaise ‹ vie. › Il est clair que cet article est dirigé non contre la pauvreté, mais contre la mendicité qui s'efforçait, comme toujours, de se substituer à elle. Ce n'est pas l'homme dont l'âme tendre et compatissante faisait rechercher dans les provinces et dresser des listes des laboureurs vieux et infirmes pour leur porter aide et secours, qui servait les

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