Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

la prospérité des colonies; cet éclat avait fui; le commerce mourait; le port était désert; facilement la ville indus trieuse se laissait aller à l'espérance d'une situation meilleure. Quelques-uns de ses citoyens toutefois, supérieurs à des calculs de bien-être, avaient nourri des pensées d'honneur et de liberté, qu'ils associaient à des traditions de monarchie parlementaire. Parmi eux brillait l'avocat Lainé, âme fière et libre qui, en méritant les colères de Napoléon, avait conquis de la popularité, et en jouissait avec une simplicité modeste. Avec plus d'impatience frémissaient des jeunes gens, brillants d'esprit et de courage, maniant la plume et l'épée, avides d'aventure et de nouveauté. Et dans cette fermentation les rangs s'étaient rapprochés ; nobles, bourgeois, marchands, avocats semblaient n'avoir qu'une pensée, tous aspirant à voir finir l'oppression, peu se préoccupant de souvenirs d'ancien régime ou de révolution, d'aristocratie ou d'égalité ; et sous cette impulsion commune se fit un soulèvement de tout le peuple, sans conjuration, sans préparation d'aucune sorte, si bien que le maire de la ville, M. Linch, n'eut qu'à obéir à cet entraînement soudain, pour avoir l'honneur d'une initiative qui allait devenir le signal d'une Révolution.

Bordeaux ouvrit ses portes au duc d'Angoulême; toute la population, ses magistrats en tête, courut le recevoir; le jour même Louis XVIII était proclamé, et le vieux drapeau blanc flottait sur la ville. De ce moment, les négociations, les faits d'armes, les victoires même furent inutiles; la France ne croyait plus à l'Empire.

CHAPITRE X.

--

Napoléon n'a plus d'alliés. L'Italie et l'Espagne lui échappent.Combats en France. Tout manque à Napoléon. Il appelle cent cinquante mille conscrits. Savantes manœuvres. Plus d'illusion.-Infidélités politiques.-Fidélité militaire. - Bataille de Paris; efforts héroïques; capitulation. Proclamation des alliés. — Entrée des alliés à Paris. — Paris reprend sa vie accoutumée. Proclamation du conseil municipal. Emotion publique. Cocarde blanche; les jacobins se mêlent aux royalistes. Ecrit de Châteaubriand: Bonaparte et les Bourbons. Napoléon suit de Fontainebleau le mouvement des opinions. Il harangue ses soldats. - Manéges politiques. -Rôle de Talleyrand. — Lâcheté du Sénat. Gouvernement provisoire. L'impératrice régente à Blois; intrigues pour son fils. Proclamation du gouvernement provisoire. - Le Sénat frappe Napoléon de déchéance; abolition de l'Empire. Paroles de l'Empereur de Russie au Sénat. Le Corps législatif adhère aux actes du Sénat; la Révolution se désavoue elle-même. Adresse au peuple français.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

[ocr errors]

Passion politique; la haine s'exerce sur les monuments de l'Empire. - Spoliation du trésor de l'Empereur. Cérémonie religieuse sur la place Louis XV. Convention de Marmont avec les alliés. — Conseils des maréchaux à Napoléon. — État d'esprit de Napoléon. On traite de son sort. La restauration des Bourbons; acte du Gouvernement provisoire. La garde nationale prend la cocarde blanche. Bataille de Toulouse, Abdication de Napoléon. -Caractère de Macdonald. —Napoléon tombe du trône; jugement sur sa vie, sur ses actes et sur son génie.

Tout allait se précipitant,

Napoléon n'avait plus d'alliés. Murat, après des manoeuvres ambiguës, avait trahi sa pensée; voyant tomber son maître, il songea à sauver le sceptre qu'il en avait reçu. On le vit occuper avec son armée de vingt-sept mille Napolitains les Etats-Romains et la Toscane, seconder l'armée d'Autriche commandée par Bellegarde, protéger les desseins de quinze mille Anglais et Siciliens débarqués au golfe de la Spezzia, et là, chose étrange! mêler ses dra

peaux aux drapeaux du roi Ferdinand IV, dépossédé par lui de la couronne de Naples.

Le prince Eugène ne pouvait plus défendre l'Italie; il avait enfermé son armée encore imposante dans les places, tandis que rentrée en France elle aurait fortifié celle d'Augereau, et pu balancer encore la fortune faute énorme due à la volonté obstinée de Napoléon, qui, dans la disparition de ses grandes armées, en gardait les cadres avec leurs commandements, et qui surtout ne pouvait se résigner à abandonner l'Italie, ce point de départ de ses conquêtes, de sa politique et de sa gloire.

L'Espagne rentrait sous ses propres lois. Le roi Ferdinand, délivré par Napoléon, était arrivé à Fluvia, près de Figuières, et là, le maréchal Suchet avait remis sa personne à l'armée espagnole ; les hostilités étaient suspendues; mais les garnisons françaises restées dans les places de la Catalogne étaient comme désarmées pour la France. Suchet même manquait d'instructions pour la conduite des débris d'armée qui restaient sous ses ordres, et Soult, tout seul, continuait ses manoeuvres le long des Pyrénées, comme s'il eût cru relever la fortune de Napoléon par quelque coup inespéré de génie.

De toutes parts l'Empire tombait. Et Napoléon put se souvenir d'une parole que lui avait dite sa femme Joséphine, au début de ses prospérités : « Bonaparte, je t'en prie ne te fais pas roi ! » comme si elle eut pressenti que le sceptre serait fatal à sa fortune.

Les Anglais étaient entrés à Bordeaux ; mais là du moins la dignité nationale se consolait par la présence du duc d'Angoulême autorité morale acceptée avec enthousiasme et qui ôtait l'odieux d'une invasion d'étrangers. Au Nord, des combats épars n'avaient fait que retarder le débordement des armées qui partout se multipliaient. Lyon venait de tomber au pouvoir des Autrichiens; et Augereau se retirait sur Valence. Toutes ces chutes de villes, ces retraites d'armées, cette rapidité de malheurs tenaient les provinces

• Mém. de Bourrienne, tom. IX.

dans l'anxiété et dans l'attente; la souffrance était grande; les campagnes étaient désolées; le Gouvernement était aux abois; Napoléon, au milieu de ces désastres, parut plus grand qu'il n'avait été dans ses triomphes.

Après ces combats de Reims [14 et 15 mars], Napoléon avait poursuivi une rencontre avec Schwartzemberg; mais il n'avait plus à déployer que des corps mutilés d'armée devant les armées qui s'étalaient devant lui; ou bien, ne pouvant plus disputer la victoire par la stratégie, il sembla n'avoir plus qu'à chercher la gloire par le courage.

Macdonald avait trente mille hommes; Napoléon arrivait de Reims avec dix-huit mille, et c'est avec ces forces qu'il courait s'attaquer à Arcis-sur-Aube aux cent mille hommes de Schwartzemberg. On l'eut dit exalté par une résolution de mourir. La garde impériale à peine arrivée avait été formée en carré; aussitôt elle fut foudroyée par l'artillerie cnnemie. Un obus étant tombé au bord du carré, il y eut dans les rangs un frémissement involontaire. Napoléon s'en aperçut, poussa son cheval vers l'obus, et lui en faisant flairer la mèche, il demanda la cause du mouvement qu'il venait de voir. En même temps l'obus éclatait; personne ne fut atteint. Mais l'intrépidité devenait inutile comme le génie. Le nombre restait maître; dans ce combat d'Arcis Napoléou perdit quatre mille hommes, et il fut obligé de s'éloigner, en se dirigeant sur Saint-Dizier et Joinville.

C'était découvrir la route de Paris; mais il pensait détourner les ennemis de leur direction en les appelant sur sa trace, ou bien il avait foi dans la défense de la capitale organisée par Joseph, son frère; double calcul par où s'annonçait l'épuisement de sa destinée.

Tout manquait à Napoléon. Ses lieutenants étaient épars, leurs divisions étaient mutilées. Mortier et Marmont s'efforcèrent de le joindre, en courant l'un sur Vassy, l'autre sur Saint-Dizier. Mais attaqués séparément par des masses de cavalerie, ils furent rejetés sur Paris, après avoir perdu neuf mille hommes à La Fère champenoise [25 mars]; six généraux restaient prisonniers, soixante bouches à feu

TOM. I.

25

furent abandonnées: grand désastre, précurseur d'une ruine entière.

Le lendemain [26 mars], Napoléon lançait de SaintDizier un décret, pour ordonner la levée de cent soixante mille conscrits de 1815 dans les départements même occupés par l'ennemi. En même temps, il tirait l'épée contre la cavalerie russe lancée à sa poursuite, comme si, selon son calcul, elle dut être l'avant-garde de toute l'armée. Son succès le détrompa. Après avoir culbuté les dix mille chevaux de Winzingerode, il vit bien que tout l'effort de l'ennemi n'était pas là, et que Paris était le point où se dirigeaient tous ses desseins. Il n'hésita plus; c'est vers Paris qu'il manoeuvra; mais la route était fermée. Il se dirigea par Bar-sur-Aube et Troyes, en arrière de la forêt de Fontainebleau. C'était un immense détour; et déjà la grande armée alliée marchait en trois colonnes par la rive droite de la Marne; l'empereur de Russie et le roi de Prusse s'établissaient à Bondi, et enfin Mortier et Marmont, poursuivis depuis le combat de La Fère, venaient s'abriter sous Vincennes, à Charonne et à St-Mandé.

Toute illusion avait fui. Napoléon laisse alors son armée en marche aux ordres de Macdonald, et de Troyes il court seul à Fontainebleau [30 mars]; de là il espère exciter le patriotisme de la capitale, en même temps qu'il fait des tentatives de négociation auprès de l'empereur d'Autriche, son beau-père mais rien ne s'émeut à sa parole. Paris est dans la stupeur,et la politique est sans pitié. Le conseil de Régence, établi près de l'Impératrice et présidé par Cambacérès, a fait sortir l'Impératrice de la capitale : on l'envoyait à Blois sous une escorte d'élite. Alors restent en présence des ministres effarés, la plupart esprits médiocres, façonnés seulement à l'émulation de l'obéissance, mais sans inspiration, et surtout sans ascendant sur l'esprit public. Ils voyaient tomber cet Empire qu'ils avaient cru immortel, et autour d'eux nulle force n'apparaît pour le défendre. Les citoyens de Paris, décimés par les levées, qui, sous des noms divers, ont jeté la population virile dans l'armée, offrent à peine un semblant d'organisation

« ZurückWeiter »