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d'abandonner tour à tour la ligne du Niémen et de la Vistule, et de reculer jusqu'à la Warta et à l'Oder.

Ce fut le signal d'un mouvement formidable dans toute l'Allemagne. Les associations avaient allumé sourdement le patriotisme; peuple et noblesse, bourgeois et princes, sortirent en un moment de leur torpeur, et plus ils avaient été humbles sous le pied du maître, plus ils se relevaient menaçants et altiers contre son pouvoir ébranlé. Quelquesuns avaient reçu ses bienfaits : ce furent les plus prompts à le trahir. Les petites souverainetés disloquées ou envahies se sentirent renaître, chacune ardente à témoigner autant d'indépendance qu'elle avait affecté de soumission. L'Autriche même se laissa toucher par la contagion des haines et des vengeances allumées dans toute l'Allemagne ; sa politique devint ambiguë, et le concours de ses armes incertain. Ainsi la fortune entière était changée, et ses retours devenaient plus manifestes à mesure que l'armée suivait sa marche de retraite. Bientôt la Pologne fut évacuée, et la guerre fut rejetée au centre de cette Allemagne ainsi travaillée par les incertitudes et par les infidélités.

TOM. I

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CHAPITRE IX.

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Variétés accoutumées de la guerre en Espagne.. Tout devient siniştre. Les Russes à Kœnisberg. - Murat cède le commandement au prince Eugène. Vagues pensées de retour à la royauté. Conduite de Louis XVIII. · Desseins nouveaux de Napoléon; il cherche à se réconcilier avec le Pape; projet de Concordat; intrigues de Fontainebleau. Apprêts de guerre; paroles de paix. Toute l'Europe s'avance en armes contre la France. Combats et siéges au Nord.-Événements funestes au Midi. Bataille et déroute de Vittoria. - Le Pape est rendu à la liberté. — Le général Moreau débarque à Gothembourg. - Congrès de Prague inutile. Combats nouveaux ; proclamation de Bernadotte.

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Bataille

de Dresde. Revers mêlés aux victoires. L'Europe redouble d'efforts; Napoléon multiplie ses armées; toute l'Allemagne se lève; bataille de Leipsick. — Désastres de la retraite. Napoléon quitte son armée. - Wellington touche à la frontière de France. Capitulation de Dresde. Abus de la victoire; triste épisode. — Appel à la Nation. Levées d'hommes et impositions. Murmures publics. Langage pacifique de l'Europe. Négociations. Marche de la guerre. - Le drame d'Espagne touche au dénouement.-Napoléon et le Corps législatif. — Explosions de colère et rapidité de la décadence. — Invasion générale de la France.— Discours de Napoléon aux députés. Efforts de résistance; siége de Hambourg. Nouvelles levées; nouveaux discours. — Napoléon épuise son génie dans une dernière campagne. Congrès de Châtillon. - La victoire reparaît; ardeur nouvelle des troupes. Conditions de paix proposées par l'Europe et rejetées par Napoléon. — Les événements se précipitent. — Défense impétueuse de Napoléon.-Les puissances se lient par un traité signé à Chaumont. Appel nouveau à la Nation. La France immobile. -Suite des combats; lutte savante de Napoléon. Événements soudains dans le Midi. - Le due d'Angoulême paraît en France. Incidents de sa marche. - H entre à Bordeaux. Louis XVIII est proclamé.

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1813. Tandis que la fortune accablait Napoléon en Alle magne, la guerre d'Espagne se continuait avec ses variétés accoutumées de victoires et d'adversités, de conquêtes et

de fuites. Suchet s'était affermi, par une succession de brillants faits d'armes, le long de la Méditerranée. Marmont, malgré sa défaite aux Arapiles, avait tenu tête à Wellington, qui, fidèle à sa stratégie mêlée d'action et de retraite, avait d'abord essayé, mais vainement, d'enlever Burgos défendu parle général Dubreton, et puis était retourné à ses retranchements sur le Tage, protégeant Lisbonne et toujours menaçant l'Espagne. Mais la nation espagnole restait fidèle à sa lutte, soit par les combats en plein jour, soit par la trahison cachée, soit par le glaive, soit par le poignard; et aussi cette guerre obstinée était mêlée d'actes de barbarie réciproque, dont l'atrocité souillait également l'agression et la défense. Les grandes manoeuvres de Soult, objet d'admiration pour les gens de guerre, devenaient stériles au milieu d'une telle population, qui à peine soumise échappait à la soumission, et à demi-exterminée renaissait de la ruine et de la mort.

Tout devenait sinistre. Les Russes entrèrent à Koenisberg; et Murat, plus fait pour les batailles que pour la conduite d'une armée, remit le commandement en chef au prince Eugène. Peu après, on voyait arriver à Berlin les premières troupes de l'armée française de Moscou ; Varsovie s'ouvrait aux Russes, et une proclamation de l'empereur Alexandre, datée de cette ville, invitait l'Allemagne à briser le joug qui l'oppressait. C'était comme un appel de guerre universelle, et il se remuait au sein de l'Europe quelque chose de mystérieux qui faisait accepter cet appel avec enthousiasme. Les rois invoquaient la liberté : parole magique qui trouva partout des échos, et vint étonner et troubler l'Empire.

En même temps s'éveillaient en France de vagues pensées sur l'ancien état de société politique, dont la destruction avait donné lieu à une si longue suite de perturbations et de désastres. Ces pensées fermentaient surtout dans les régions de l'Ouest et du Midi. La Vendée n'avait pas cessé de palpiter au nom du roi de France; et il se trouvait d'ailleurs, en chaque province, bien des cœurs prompts à saisir tout indice qui se rattachait à ce souvenir. Pour eux,

c'avait été un spectacle digne du ciel et de la terre, de voir le frère de Louis XVI, le roi Louis XVIII, errant depuis vingt ans de pays en pays, accueilli et chassé tour à tour par les monarques, suivant que la fortune les disposait à la bienveillance ou à la peur, conserver en toutes ces fortunes la fierté de sa race; on le savait maintenant abrité sur le sol anglais, le seul que n'eût pas atteint le glaive de Napoléon.

Il y vivait dans la retraite à Hartwel, petite maison de campagne près de Londres, dans le Buckingham-Shire; et de là partaient de loin en loin quelques paroles adressées à de vieux amis, excitation de leurs espérances, ou même quelques actes plus officiels, attestation de sa foi toujours vivante et de ses droits toujours revendiqués.

C'est ainsi que voyant les désastres de l'armée de Napoléon, il avait écrit à l'empereur Alexandre pour recommander à son humanité les Français tombés en ses mains. « Le sort des armes, disait-il, a fait tomber dans les mains de Votre Majesté plus de cinquante mille prisonniers ; ils sont pour la plupart Français; peu importe sous quel drapeau ils ont servi ; ils sont malheureux, je ne vois parmi eux que mes enfants. Je les recommande à la bonté de Votre Majesté Impériale; qu'elle daigne considérer combien un grand nombre d'entre eux a déjà souffert, et adoucir la rigueur de leur sort; puissent-ils apprendre que leur vainqueur est l'ami de leur père ! Votre Majesté Impériale ne peut donner une preuve plus touchante de ses sentiments pour moi 1. »

C'est ainsi encore que le roi dépossédé, mais obstiné à être roi, Louis XVIII, sentant la fortune de l'Empire se précipiter, commença à écrire des manifestes où apparaissaient des pensées de liberté, contraste avec la discipline de fer qui pesait sur la France.

Ces indices étaient mystérieux encore ; mais ils n'avaient point échappé à la surveillance active du gouvernement de

Manuscrit inédit de Louis XVIII. - Introduct., par M. Martin

d'Oisy.

Napoléon. La guerre, la politique, les coalitions, les partis, les souvenirs, l'histoire même, tout sembla donc lui présenter des périls qu'il n'avait pas jusque-là soupçonnés. Mais aussi son génie sembla se raviver pour les braver et les conjurer tous à la fois.

A peine avait-il touché la France, qu'il avait retrouvé sa force; il était l'homme de la Révolution française, il en était l'âme, la tête et l'épée. Tant que la Révolution n'avait été qu'un désordre mêlé de destruction et de crimes, elle avait fait horreur au monde ; Napoléon l'avait disciplinée, et par lui elle se sentait une puissance que les fureurs ne lui avaient point donnée. Et tel était aussi le secret de la force de l'Empereur. Il avait rétabli la société sur les bases de la Révolution, et, pour cela, il avait pu faire accepter par la Révolution même des formes de pouvoir et de hiérarchie en contradiction avec elle. Ainsi jusqu'à ses excès de puissance avaient leur popularité, et, à défaut de gloire, le malheur eût fait honorer les hardiesses de sa politique.

C'est pourquoil'étonnant vaincu ne parut pas soupçonner que la France pût manquer à sa fortune. Il demanda deux cent cinquante mille conscrits à la nation épuisée; en peu de jours ce furent des soldats. Bientôt après, un sénatusconsulte remettait à sa disposition cent quatre-vingt mille autres combattants levés sous des noms divers, conscrits, gardes d'honneur, gardes nationales, cohortes des frontières. La France était résignée à s'engloutir vivante dans une guerre qui menaçait de jeter sur elle toute l'Europe,

Toutefois Napoléon avait commencé de comprendre qu'il était une force qui ne serait pas vaincue par de tels déploiements de puissance : c'était la force de l'Église.

La captivité de Pie VII avait été l'oppression de tout le clergé de l'Empire. Plusieurs siéges étaient vacants; les évêques ne pouvaient communiquer avec le Pape; quelques-uns étaient exilés; d'autres jetés en des forteresses; la parole des prédicateurs était espionnée; plusieurs étaient chassés de leurs diocèses; la persécution, soit publique, soit clandestine, jetait dans les âmes une terreur sombre. Mais quelle que fut la retenue des opinions, ou la dissi

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