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généraux Castanos et Palafox, à Tudela, à seize lieues de Pampelune, et ouvrait ainsi la route de Madrid.

Et peu après [4 décembre], Napoléon entrait dans cette ville, apportant la menace et lançant des décrets, qui, sous le nom de réforme, changeaient les lois et étonnaient les mœurs de la vieille Espagne. Il abolit le conseil de Castille, l'inquisition, les droits féodaux, les droits des barrières; et cependant il sentait la liberté de ce peuple frémir sous sa main terrible, et, par une proclamation [7 décembre], il annonça son dessein de traiter l'Espagne en pays conquis, si elle n'avait hâte de reconnaître le roi Joseph. « Je mettrai, disait-il, la couronne d'Espagne sur ma tête, et je saurai la faire respecter des méchants; car Dieu m'a donné la force et la volonté nécessaires pour surmonter tous les obstacles. >>

Et tandis qu'il laissait éclater ainsi sa colère, GouvionSt-Cyr s'emparait de Roses, place maritime importante de la Catalogne ; quelques jours après, il frappait deux fois de son épée des corps d'armée considérables, et enlevait leur artillerie.

Il y eut à Madrid des semblants de soumission. L'Empereur avait publié des actes de grâce pour la ville, et une députation alla le remercier. « J'ai satisfait, répondit-il, à ce que je devais à moi et à la Nation; la part de la vengeance est faite.... » Parler de vengeance à l'Espagne était une arrogance pleine de péril. Puis il laissa échapper son irritation en flots de paroles: les armes anglaises! il les chasserait de la Péninsule. Quel obstacle pouvait retarder l'exécution de ses volontés. Les Bourbons ne pouvaient plus régner en Europe; aucune puissance ne devait exister sur le continent, influencée par l'Angleterre. Si quelquesuns le désiraient, leur désir était insensé et produirait tôt ou tard leur ruine! Ne lui était-il pas facile de gouverner l'Espagne, en y établissant autant de vice-rois qu'il y a de provinces ? C'était son droit! Cependant il ne refusait pas de céder ses droits de conquête au roi et de l'établir dans Madrid!

Leurs neveux, ajoutait-il, le bénirient comme un ré

générateur; ils placeraient au nombre des jours mémorables ceux où il avait paru parmi eux, et de ces jours daterait la prospérité de l'Espagne. « Voilà, monsieur le corrégidor, disait-il en finissant, ma pensée tout entière 1. »

Mais ces paroles de conquête arbitraire ou de pardon implacable ne faisaient qu'alimenter la haine au fond des âmes, et la soumission même cachait la vengeance. Le monde d'ailleurs se remplissait de présages. L'Angleterre attaquait Napoléon par les combats et par la politique ; elle traitait avec les juntes d'Espagne; elle négociait avec la Turquie; elle soufflait la discorde en Allemagne. Napoléon avait à se multiplier pour courir au-devant de tous les périls. Bientôt il quitta l'Espagne, où il n'avait fait que montrer la menace, y laissant des lieutenants pleins de courage, mais une guerre qui dépassait leur génie.

Ainsi s'achevait l'année. Elle avait eu des événements d'une autre sorte; de grands actes d'administration pu|blique s'étaient consommés. Le Code de commerce avait été promulgué, mais en même temps se poursuivait un système de douanes qui emprisonnait le commerce dans les frontières de l'empire. Quelques-uns virent une dérision dans ce contraste 2. Une création célèbre fut celle de l'Université. Les vieilles fondations, qui portaient ce nom depuis le moyen âge, avaient été détruites par la Révolution; Napoléon n'eut pas le dessein de les rétablir; c'étaient des institutions de liberté, qui répondaient mal à son génie de domination. Mais, reprenant un nom longtemps accrédité en Europe, il s'en servit pour populariser une institution toute différente, dont la pensée fondamentale fut de discipliner la jeunesse par des méthodes plus militaires que philosophiques, et de remettre à l'État le gouvernement absolu de tous les esprits. Dessein outré, dont

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Revue historique de la France.

« Au commencement de l'année dont je parle, je reçus un des premiers exemplaires du Code de commerce, promulgué le premier janvier par ordre de l'Empereur, ce qui me parut une haute dérision, car il était au moins extraordinaire de publier un Code sur une chose que tous les décrets impériaux tendaient à anéantir. » Bourrienne. tom. VIII.

l'application devait, par degrés, conduire à des entreprises funestes, sans que la réussite pût promettre des effets pleinement conformes à la volonté du dominateur. Car la jeunesse ne se plie point aux méthodes qui se proposent d'assujettir son intelligence au nom de la politique; tout au plus elle obéit aux méthodes qui lui enseignent la subordination au nom de la religion. Quoi qu'il en soit, le décret du 17 mars est resté fameux dans ce siècle. Il créait l'enseignement de l'État en regard de l'enseignement de l'Eglise, et même il tendait à soumettre l'enseignement de l'Église à l'autorité de l'État. Ainsi Napoléon pensait réaliser une puissante unité d'empire en s'assujettissant la pensée, l'intelligence, la conscience même de la Nation.

Par ce décret, du moins, les études étaient ramenées à des principes longtemps méconnus; les sciences techniques, qui faisaient tout le fond de l'enseignement dans les écoles, laissèrent leur place aux vieilles traditions classiques; les lettres, l'histoire, la philosophie, retrouvèrent leurs honneurs, si ce n'est que l'esprit du xvIII' siècle était survivant, et que sous la robe de Rollin, le professorat manquait de ce qui vivifie les études par la piété et par la foi.

<< Bien qu'il fut avant tout ennemi né de toute liberté, Bonaparte, dit Bourrienne, s'était d'abord fait un système d'éducation vaste, qui comprenait surtout l'étude de l'histoire et de ces connaissances positives, telles que la géologie et l'astronomie, qui donnent à l'intelligence humaine le plus grand développement dont elle soit susceptible. Le souverain recula en lui devant les pensées premières de l'homme de génie, et son Université, confiée à l'élégante souplesse de M. de Fontanes, ne fut qu'une de ces écoles capables de produire des sujets instruits, mais non pas des hommes éclairés1. »

Ce fut néanmoins une nouveauté heureuse d'avoir rappelé la jeunesse à des habitudes de subordination et à des goûts de culture élégante. Les sciences techniques tendaient, par l'exactitude outrée de leurs applications, à

Mém., tom. VIII, ch. 5.

donner à la société française un caractère d'ordination âpre et sèche, qui eut fini par être une rudesse barbare. La culture classique releva l'intelligence; le souvenir des grands modèles d'éloquence et de poésie fut comme un renouvellement de l'esprit public; et quel que fut le peu d'inclination de Napoléon pour les lettres, il ne méconnut point la part d'action qui leur était propre : elles lui étaient d'ailleurs un instrument de prosélytisme; et tandis que le grand maître de l'Université, Fontanes, s'appliquait à lui gagner les générations par les artifices de la discipline, il lui amenait les esprits éminents restés épars dans les ruines de la société ancienne, soit par les emplois de l'enseignement, soit par les honneurs académiques. On vit alors des philosophes, des poëtes, des prêtres, des écrivains, vieux témoins de l'éducation d'autrefois, de Bonald, Delille, Frayssinous, Émery, et d'autres moins renommés, s'associer au renouvellement des études publiques. Leur effort ne remuait pas encore le fond de la société; mais leur concours était un exemple, et leur dignité protestait contro le matérialisme qui avait gâté les lettres comme les mœurs.

Ainsi les travaux de la paix étaient mêlés aux entreprises de la guerre; mais c'est la guerre principalement qui occupait l'imagination publique.

CHAPITRE VII.

Caractère de la guerre en Espagne; combats acharnés. Siége de Sarragosse.-Succès divers de Gouvion-Saint-Cyr, de Victor, de Soult en Espagne et en Portugal.—Succes maritimes des Anglais.

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Politique de l'Autriche; commencement de la renommée de Metternich; l'Autriche déclare la guerre à la France. Affronts faits à l'Empire par les vaisseaux de l'Angleterre. Guerre en Allemagne; combats éclatants; Napoléon devant Vienne; Vienne ouvre ses portes. Proclamation de Napoléon. Décret daté de Vienne contre la souveraineté politique du Pape. Bataille d'Essling; lutte inutile. Bataille de Wagram; victoire décisive. Énorme contribution de guerre; abaissement de l'Autriche; traité de paix. Toute l'Allemagne est remaniée. Entreprise d'assassinat contre Napoléon; révélation et alarme.-La paix est signée et le meurtrier est exécuté.- Evénements en Espagne. Nouvelles insultes faites à l'Empire par les flottes anglaises. La guerre faite au Pape émeut toutes les puissances. - Bulle d'excommunication. Napoléon s'étonne, et puis s'irrite; le Pape est enlevé à Rome. Lettre de l'Empereur aux Évêques. Commencements de persécutions.-Suite de la guerre en Espagne.-Système continental en Europe.-Louis Bonaparte, roi de Hollande, résiste aux desseins de Napoléon; plaintes de Napoléon; menaces contre la royauté de Louis. Caractère de Louis Bonaparte. - Napoléon poursuit son dessein; rupture de Napoléon avec son frère.-Desseins nouveaux ; Napoléon annonce à Joséphine son projet de divorce; scène touchante.-Convention de mariage avec l'archiduchesse Marie-Louise; discours de Fontanes.. Un sénatus-consulte sanctionne la réunion des États du Pape à l'Empire. Mariage à Vienne et à Paris; conduite des Cardinaux. Actes du gouvernement; système général de l'administration; la police domine les lois. Justice ordinaire et justice exceptionnelle, décret sur les prisons. --Louis cesse de régner; la Hollande fait partie de l'Empire. - Industrie et travaux publics; prix décennaux; état des sciences.

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1809. L'année nouvelle s'ouvrait sous des présages sombres; et l'esprit des peuples se portait avec épouvante

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