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D'autres griefs étaient discutés, celui surtout de n'apporter point de célérité aux affaires de l'Eglise. « On laisse, dit-on, périr les âmes pour des intérêts mondains et de vaines prérogatives de la tiare! Le Saint-Père reçoit des mains du Très-Haut l'humiliante acerbité de ce reproche; mais Dieu et le monde savent si des intérêts mondains et de vaines prérogatives ont guidé ses actions. » Et le Pape expliquait la nécessité des lenteurs en des affaires qui exigent tant d'informations et imposent tant de sagesse.

Nulle plainte enfin n'était omise, et le Pape terminait sa lettre par ces fermes paroles :

<< Si nous étions assez malheureux pour que le cœur de Votre Majesté ne fût pas ému par nos paroles, nous souffririons avec une résignation évangélique tous les désastres, nous nous soumettrions à toutes les douleurs, en les recevant de la main du Seigneur. Oui, la vérité triomphera toujours sur nos lèvres; la constance à maintenir intacts les droits de notre Siége régnera dans notre cœur; nous affronterons toutes les adversités de cette vie, plutôt que nous rendre indigne de notre ministère 1. »

de

Telle était la ferme attitude du Pape en regard du Dominateur de toute l'Europe. Napoléon eut le malheur de ne pas soupçonner ce qu'il y avait de puissant et de formidable dans la condition de ce souverain, résigné à toutes les épreuves, et qui, à toute extrémité, était prêt à se réduire à l'état de moine pour laisser à l'Église la plénitude de son indépendance. Napoléon pensait avoir besoin de régner seul sur l'Italie, et les raisons de Pie VII ne firent qu'agacer son désir; si ce n'est que, désespérant de le vaincre par la politique, il laissa bientôt éclater le dessein de le dompter par la violence.

Ses desseins de domination universelle ne pouvaient désormais échapper à aucune puissance. Déjà le profond renouvellement de la constitution germanique avait troublé ce qui restait d'indépendance dans les chancelleries, et

↑ J'ai suivi la traduction de M. de Reynold-Chauvaney.-Le pape en tous les temps, par le doct. don Juan Gonzalès.

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l'Angleterre profitait de ces dispositions pour souffler de nouveaux orages. Elle eut peu de peine à montrer à la Russie ce qu'il y avait de menace pour le continent dans ce système devant qui tout s'effaçait, les grands empires comme les petits États, et aussitôt un brusque retour se fit dans la politique.

Des préliminaires de paix avaient été signés à Paris entre la Russie et la France [20 juillet]. Le cabinet de Pétersbourg refusa de les ratifier, mais en feignant de continuer les négociations. Négocier pour Napoléon, c'était trahir la défiance, et la défiance était la guerre.

D'autre part, à l'opposé de l'Europe, à Madrid, de vagues pensées d'hostilité s'étaient déclarées. Un favori du roi Charles IV, Godoi, connu sous le nom de Prince de la Paix, avait cru le moment propice de parler dans une proclamation de dangers mystérieux, d'ennemis cachés, de gloire à conquérir, et il avait appelé la nation espagnole aux armes. Provocation imprudente, que Napoléon feignit, pour le moment, de ne pas entendre, mais qui lui plut comme prétexte et comme occasion de desseins mystérieux pour l'avenir. Sa politique présente s'attachait à d'autres injures et à d'autres vengeances.

CHAPITRE VI.

-Ma

Ambiguités de la Prusse. — Irritation et pamphlets à Paris.
nifeste du roi de Prusse. Étrange mêlée de la France, de la
Prusse et de l'Angleterre. - Bataille d'Iéna. - Double défaite des
Prussiens. Toute la Prusse au pouvoir des armées de Napo-
léon. Décret de Berlin sur les gardes nationales de l'Empire.

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La Russie avec ses masses militaires. - Décret de blocus universel contre l'Angleterre. — Napoléon est étourdi par la victoire. - Contrastes; beau trait de Napoléon. — Les Russes s'avancent. - Proclamations. -Nouveaux combats. - Représailles de l'Angleterre. Bataille d'Eylau. Siége de Dantzick; autres comEntrevue et paix de Tilsitt. Abus de la victoire. - Royautés nou

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bats. Bataille de Friedland.

Humiliation de la Prusse.

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velles. La paix n'est qu'une dissimulation. Fuites nouvelles
de Louis XVIII. Napoléon à Paris; pompe des adulations.
Le royaume de Westphalie. Remaniement du monde. Haine
acharnée de l'Angleterre et de la France. Bombardement de
Copenhague. La Russie rompt avec l'Angleterre. L'Angleterre
et le Portugal. État de l'Espagne; dessein de Napoléon. —
Drames funestes.-Suite du système continental; entreprises con-
traires de l'Angleterre et de la France. Junot à Lisbonne. Le
Portugal est frappé d'une contribution de guerre de cent millions.
- Indices d'événements formidables. Une armée française en
Espagne. Intrigues de Madrid. Révolution de palais. Murat à
Madrid. - Violences contre le Pape; bref comminatoire. Le légat
quitte Paris. La famille royale d'Espagne à Bayonne. - Scènes
étranges. — Madrid en révolte contre Murat; horribles punitions;
le roi d'Espagne Charles IV à Compiégne; ses fils à Valençay; un
abîme s'ouvre. Proclamation à l'Espagne. Toute l'Espagne
est en feu. Joseph roi d'Espagne. — Insurrection et désastres.
-Le général Dupont capitule à Baylen. Jugements. Toute
l'Europe s'émeut; épisodes; guerre gigantesque. Le nom de
Wellington paraît en Portugal. — Défaite de Junot à Vimeiro. —
Le Portugal aux mains des Anglais. - L'Empereur des Français
et l'Empereur de Russie à Erfurt. - Vains efforts de pacification
avec l'Angleterre. -Discours de Napoléon au Corps législatif.-

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Il court en Espagne. Il anime les combats. Il change les lois par des décrets. Semblants de soumission. Napoléon rentre à Paris. Actes d'administration. Fondation de l'Université.

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Tandis que la Russie éloignait, par ses difficultés de diplomatie, une paix suspecte, la Prusse tentait d'échapper par des alliances à une prépondérance qui menaçait d'être une oppression; on l'avait vue soigneuse de se lier par des traités avec l'Angleterre, la Russie et la Suède, durant la longue neutralité qu'elle avait gardée envers la France; mais cette situation ambiguë ne pouvait désormais suffire à la politique de Napoléon. Aussi lorsque la Prusse vit se consommer cette transformation du corps germanique, aisément elle pénétra ce qu'elle renfermait pour elle de perplexité et de péril; aussitôt, elle essaya de former au Nord une contre-fédération, dessein téméraire, précisément parce qu'il était naturel, et qui donna lieu à l'explosion soudaine des colères de Napoléon.

Les journaux et les pamphlets de Paris annoncèrent à Berlin l'espèce d'animosité que la Prusse s'était attirée par ses longues ambiguités; la personnalité s'ajoutait à la politique; la reine de Prusse était injuriée; l'outrage devenait une raison d'Etat ; c'était l'indice des fureurs qui se mêleraient à la lutte, et qui pourraient souiller la victoire.

Mais cela même irrita le patriotisme des Prussiens; les flatteries françaises avaient, depuis le dernier siècle, exalté leur vanité; les insultes allumèrent leur courage. Ils se crurent dignes de lutter contre l'oppresseur des Etats, ils demandèrent la guerre, tandis que leur gouvernement continuait de parler de paix ; et déjà, en effet, la guerre était à leurs portes.

En un moment, sept corps d'armée avaient enveloppé la Prusse, et Napoléon en personne était arrivé à Bamberg. Bernadotte, Lannes, Davoust, Augereau, Ney, Soult, Lefèvre, marchaient sous ses ordres; Murat commandait, selon la coutume, la grande réserve de cavalerie. Un huitième corps, sous les ordres de Mortier, se formait dans la Westphalie. Le roi de Prusse eut à peine le temps de lancer un ma

nifeste à 1 Europe. Il dénonçait les actes de violence de Napoléon, lequel ‹‹ était parvenu à ce degré d'ambition que rien ne peut satisfaire, et qui marchait sans cesse d'usurpation en usurpation. » Griefs trop justes, mais qui laissaient sans excuse l'imprévoyance et la témérité du roi, qui se plaignait de la sorte; car lui-même avait voulu profiter de la dislocation des vieux États pour s'emparer du Hanovre, et c'est ce qui faisait qu'il avait à soutenir une guerre d'agression contre l'Angleterre, en même temps qu'une guerre défensive contre la France, et cela ôtait de la justice à ses plaintes, en même temps que de la force à ses armes.

C'était là une étrange mêlée; trois puissances aux prises, trois guerres dans une guerre. Fox venait de suivre Pitt au tombeau; un moment, on avait pensé que ce grand politique mettrait fin aux luttes sanglantes de l'Angleterre et de la France; sa mort rompit des négociations commencées, et Napoléon continua de suivre sa fortune, sans prendre souci des derniers restes de la marine française, qui çà et là expiraient sous le feu des escadres de l'Angleterre.

La guerre avec la Prusse s'était ouverte par des combats isolés. Bernadotte avait eu un avantage à Schleitz, dans la petite principauté de Reuss, et Maison avait brillé à ses côtés. Suchet, de la division de Lannes, avait eu un engagement avec le prince Louis de Prusse à Saalfeld, à huit lieues d'Erfurt; le prince y avait péri; l'infanterie prussienne avait été mise en pleine déroute; trente canons et mille prisonniers étaient restés aux mains du vainqueur. C'était le prélude d'une action plus sanglante et plus décisive.

14 octobre. L'armée française était coupée en deux grands corps séparés par un intervalle de six lieues, mais obéissant à une même inspiration de commandement et d'opération.

Napoléon, avec quatre-vingt-cinq mille hommes, occupait Iéna, ayant pour lieutenants Soult à la droite, Augereau à la gauche, Lannes au centre, avec Lefèvre, qui commandait la garde impériale; sur les bords de la Saalle s'étendait la cavalerie de Murat.

En regard, se développaient les Prussiens au nembre de

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