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abattue. « Cet acte, dit l'abbé de Pradt, non-seulement était français, mais européen, parce qu'il était éminemment social. La réconciliation de la France avec la religion de ses pères, hâta la réconciliation de l'Europe avec la France 1. » La Révolution, en effet, semblait achevée, parce qu'elle était vaincue dans ce qu'elle avait eu de plus barbare, dans sa haine vouée à Dieu et au Christianisme.

Aussi de longs cris d'admiration se firent entendre, et la gratitude prit plus d'une fois des formes extrêmes d'enthousiasme. Mais comme à la reconnaissance se mêlait l'anathème contre la Révolution, Bonaparte voulut que les mandements des évêques lui fussent soumis, et il lui arriva d'avoir à modérer lui-même l'adulation. L'élan gagna les lettres et la poésie, et le plus renommé des écrivains, Châteaubriand, subit le charme.

<< Les peuples vous regardent, disait-il à Bonaparte dans

Les Trois Concordats.

Il fit de sa propre main des suppressions au mandement de l'archevêque de Paris pour le consulat à vie. On en peut juger par le passage suivant, où les mots rayés sont indiqués en caractères italiques. « Celui » que le Seigneur destinait à relever son saint temple et à rassembler » ses tribus dispersées, le héros que nous bénissons et qui nous gouverne, le jour fixé par les décrets de Dieu, pour être dans l'avenir » comme le jour d'une nouvelle alliance entre la France et son Christ, » entre le ciel et la terre.

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» Le héros français vole aux combats; il enchaîne la victoire; frappe les rois; il porte ses armes jusqu'aux extrémités de la terre. » C'est ainsi que le Très-Haut prépare tout pour l'accomplisse» ment de ses desseins. C'est alors que le triomphateur s'adresse au » vénérable pontife qui remplit si dignement la chaire de Pierre. Joignons nos mains, lui dit-il; et que ce peuple retourne à son Dieu, qu'il reconstruise ses temples, qu'il recommence ses solen»nités; il dit, et Dieu qui créa le monde et qui établit son Église par »sa parole, Dieu promet qu'il nous donnera des pasteurs selon son » cœur, qui nous nourriront de sa science et de sa doctrine. Il dit, et » le souverain pontife proclame au milieu de la ville éternelle, au sein » de la première et de la plus vénérable de ses basiliques, le rétablissement de la paix religieuse en France, etc. »

« Au lieu de il dit et le souverain pontife, le premier consul mit: » ce même jour le souverain pontife, etc. »

Mémoires historiques sur les affaires ecclésiastiques

de France, tom. I., p. 212.

une lettre mise en tête d'une édition de son Génie du Christianisme; les peuples vous regardent; la France agrandie par vos victoires a placé en vous son espérance, depuis que vous appuyez sur la Religion la base de l'Etat et de vos prospérités. Continuez à tendre une main secourable à trente millions de Français qui prient pour vous aux pieds des autels que vous leur avez rendus 1! »

Telles étaient donc les dispositions publiques. Tout fléchissait devant celui qui avait apaisé la conscience, relevé l'Eglise, pacifié le monde.

1803.-Et aussi sa politique à l'étranger qui avait commencé par être imposante, ne tarda pas à être immodérée. Un traité définitif avec la Porte avait assuré aux bâtiments français la libre navigation de la mer Noire ; la réunion de l'Ile-d'Elbe et celle du Piémont à la France, avaient été prononcées par un sénatus-consulte; un acte de médiation régla souverainement les différends qui existaient entre les cantons suisses, et comme cette intervention n'était pas également approuvée, trente mille Français envahirent les cantons.

26 février. C'est à ce moment que Bonaparte, devant qui l'Europe faisait silence, se souvint qu'il y avait eu autrefois une monarchie, et que l'héritier des rois portait le poids de l'exil avec honneur à Varsovie.

Dès le commencement de sa fortune, Bonaparte s'était vu comme assiégé par ce souvenir. La France royaliste se berçait de l'espérance de voir la vieille monarchie relevée par ses mains; autour de Bonaparte, et dans sa famille même, se nourrissait la même espérance, rêve de gloire et de poésie, et Louis XVIII, enfin, avait provoqué la générosité de son ambition par une de ces lettres qu'il savait, roi découronné, marquer du sceau de la dignité royale.

<«< Quelle que soit leur conduite apparente, lui avait-il mandé [20 février 1800], des hommes tels que vous, Monsieur, n'inspirent jamais d'inquiétude. Vous avez accepté une place éminente, et je vous en sais gré. Mieux que per

2° éd. du Génie du Christ., chez Migneret, 1803.

sonne vous savez ce qu'il faut de force et de puissance pour faire le bonheur d'une grande nation. Sauvez la France de ses propres fureurs, vous aurez rempli le premier vœu de mon cœur; rendez-lui son roi, et les générations futures béniront votre mémoire 1. >>

Et une seconde fois, Louis XVIII avait ajouté : « Non, le vainqueur de Lodi, de Castiglione et d'Arcole, le conquérant de l'Italie et de l'Egypte ne peut pas préférer à la gloire une vaine célébrité. Cependant, vous perdez un temps précieux : nous pouvons assurer la gloire de la France. Je dis nous, parce que j'ai besoin de Bonaparte pour cela, et qu'il ne le pourrait sans moi. »

Ces lettres avaient quelque temps troublé Bonaparte, et sa réponse avait été laborieuse. Bonaparte avait fini par engager le roi à sacrifier son intérêt au repos et au bonheur de la France. L'histoire, avait-il dit, lui en tiendrait compte; ; et il avait ajouté : « Je ne suis point insensible aux malheurs de votre famille, et j'apprendrai avec plaisir que vous êtes environné de tout ce qui peut contribuer à la tranquillité de votre retraite. » Après quoi, il avait feint d'écarter de son esprit cette image de la royauté, si ce n'est qu'elle y rentrait d'elle-même par la difficulté pressentie d'enraciner sa propre puissance, et de la rendre maitresse de l'avenir. « Si je ne vis pas trente ans, disait-il dans ses épanchements d'intimité, pour achever mon ouvrage, vous aurez après moi de longues guerres civiles; car mes frères ne conviendraient pas à la France, vous savez ce qu'ils sont. » Et c'est sous l'impression de ces alarmes qu'on le vit revenir à cette pensée de la royauté absente, dont la France, craignait-il, pouvait se souvenir quelque jour, si elle ne trouvait pas en son pouvoir des conditions de perpétuité.

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25 février 1803. Il envoya donc à Louis XVIII un émissaire chargé de lui offrir un établissement royal en Italie, à la condition qu'il renoncerait à ses droits en

Texte dans les Mém. de Bourrienne, tom. IV.

• Ibid.

France; et ainsi pensa-t-il échapper aux alarmes qui troublaient ses préméditations et ses espérances.

L'histoire a encadré la réponse du monarque exilé. « Je ne confonds pas, disait-il, M. Bonaparte avec ceux qui l'ont précédé; j'estime sa valeur, ses talents militaires; je lui sais gré de quelques actes d'administration; mais il se trompe, s'il croit m'engager à renoncer à mes droits; loin de là, il les établirait lui-même, s'ils pouvaient être litigieux, par les démarches qu'il fait en ce moment. » Dans ce duel entre le roi dépouillé et le général d'armée dominateur de l'Europe, ce fut le roi dépouillé qui resta vainqueur, sanglante blessure pour un homme à qui la gloire ne pouvait suffire; motif trop inaperçu peut-être d'une politique désespérée, et qui semblera plus tard inexplicable dans un tel génie.

festes. guerre.

CHAPITRE IV.

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Défiances et plaintes de l'Angleterre. - Rupture de la paix; ManiMessage au Sénat. - Lettre aux évêques. Actes de Retour aux formes monarchiques; création nouvelle; l'Institut. Soins politiques. - Affreux désastres. St-Domingue. -Conspirations. Pichegru et Georges Cadoudal. Justice impla cable. Moreau est arrêté. - Fatal épisode du duc d'Enghien. Interrogatoire; jugement; mort du prince.-Explosion en Europe.

Lettre des princes de la maison de Bourbon. Jugement de l'histoire. Le premier consul continue ses réformes. — Formidables apprêts de guerre. Mort de Pichegru.-Pressentiments de l'Empire; motion du tribun Curée; empressements d'adulation. Le Sénat prend les devants; il propose l'Empire à Bonaparte. — Harangues sur l'hérédité.—Bonaparte moins prompt que les flatteurs. Sénatus-consulte. - Bonaparte accepte l'Empire. – NAPOLÉON Empereur. Hommages publics. Entraînement de la France. Scènes atroces à Saint-Domingue. Dessalines empereur d'Haïti. Napoléon entoure de pompe le gouvernement de la France.-Étonnants contrastes; la République et la Monarchie; changement de rôle ; Talleyrand et Fouché. - Les salons; le faubourg St-Germain et la cour.—Littérature de l'Empire; réaction dans les lettres; jugements de Napoléon.

Cependant cette domination de Bonaparte sur l'Italie, sur la Suisse, sur la Hollande, chaque jour aggravée par des actes politiques, avait irrité l'Angleterre. Des armements se faisaient dans les ports de France, et vainement on annonçait qu'ils étaient destinés à Saint-Domingue, dont la possession restait douteuse en regard d'une guerre d'esclaves à peine assoupie; l'Angleterre y voyait pour elle-même une menace. Des ingénieurs français, sous le nom de consuls, avaient, disait-on, épié ses côtes et sondé ses ports, et cette idée d'une agression française, toujours facilement accréditée, faisait de la paix un péril de plus contre lequel le cabinet de Londres avait à se prémunir. Ce prétexte lui avait suffi pour ne pas évacuer l'ile de Malte, et c'était ici une violation manifeste du traité d'Amiens.

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