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dée par la plus inconcevable défection, nous a contraint à quitter momentanément notre royaume, nous vous avons avertis des dangers qui vous menaçoient, si vous ne vous hâtiez de secouer le joug du tyran usurpateur. Nous n'avons pas voulu unir nos bras ni ceux de notre famille aux instrumens dont la Providence s'est servie pour punir la trahison. Mais aujourd'hui que les puissans efforts de nos alliés ont dissipés les satellites du tyran, nous nous hâtons de rentrer dans nos Etats pour y rétablir la constitution que nous avions donnée à la France, réparer, par tous les moyens qui sont en notre pouvoir, les maux de la révolte et de la guerre qui en a été la suite nécessaire, récompenser les bons, mettre en exécution les lois existantes contre les coupables, enfin pour appeler autour de notre trône paternel l'immense majorité des François, dont la fidélité, le courage et le dévouement ont porté de si douces consolations dans notre cœur.

Donné au Câteau-Cambresis, le vingt-cinquième jour du mois de juin de l'an de grâce mil huit cent quinze, et de notre règne le vingt-unième.

Par le Roi,

Signé, LOUIS.

·Le ministre secrétaire d'Etat de la guerre, Duc DE FELTRE.

Le Roi aux François.

Les portes de mon royaume viennent enfin de s'ouvrir devant moi, j'accours; j'accours pour ramener mes sujets égarés, pour adoucir les maux que j'avois voulu prévenir, pour me placer une seconde fois entre les armées alliées et les François, dans l'espoir que les égards dont je peux ètre l'objet tourneront à leur salut. C'est la seule manière dont j'ai voulu prendre part à la guerre. Je n'ai pas permis qu'aucun prince de ma famille parût dans les rangs des étrangers, et j'ai enchaîné le courage de ceux de mes serviteurs qui avoient pu se ranger autour de moi.

Revenu sur le sol de la patrie, je me plais à parler de confiance à mes peuples. Lorsque je reparus au milieu d'eux, je trouvai les esprits agités et emportés par des passions contraires. Mes regards ne rencontroient de toute part que des difficultés et des obstacles. Mon gouvernement devoit faire des fautes: peut-être en a-t-il fait. Il est des temps où les in

tentions les plus pures ne suffisent pas pour diriger, où quelquefois même elles égarent.

L'expérience seule pouvoit avertir; elle ne sera pas perdue. Je veux tout ce qui sauvera la France.

Mes sujets ont appris, par de cruelles épreuves, que le principe de la légitimité des souverains est une des bases fondamentales de l'ordre social, la seule sur laquelle puisse s'établir, au milieu d'un grand peuple, une liberté sage et bien ordonnée. Cette doctrine vient d'être proclamée comme celle de l'Europe entière. Je l'avois consacrée d'avance par ma charte, et je prétends ajouter à cette charte toutes les garanties qui peuvent en assurer les bienfaits.

L'unité du ministère est la plus forte que je puisse offrir. J'entends qu'elle existe, et que la marche franche et assurée de mon conseil garantisse tous les intérêts et calme toutes les inquiétudes.

On a parlé, dans les derniers temps, du rétablissement de la dime et des droits féodaux. Cette fable, inventée par l'ennemi commun, n'a pas besoin d'être réfutée. On ne s'attendra pas que le Roi de France s'abaisse jusqu'à repousser des calomnies et des mensonges : le succès de la trahison en a trop indiqué la source. Si les acquéreurs de domaines nationaux ont conçu des inquiétudes, la charte auroit dû suffire pour les rassurer. N'ai-je pas moi-même proposé aux chambres et fait exécuter des ventes de ces biens. Cette preuve de ma sincérité est sans réplique.

Dans ces derniers temps, mes sujets de toutes les classes m'ont donné des preuves égales d'amour et de fidélité. Je veux qu'ils sachent combien j'y ai été sensible, et c'est parmi tous les François que j'aimerai à choisir ceux qui doivent approcher de ma personne et de ma famille.

Je ne veux exclure de ma présence que ces hommes dont la renommée est un sujet de douleur pour la France, et d'effroi pour l'Europe. Dans la trame qu'ils ont ourdie, j'aperçois beaucoup de mes sujets égarés, et quelques coupables.

Je promets, moi qui n'ai jamais promis en vain (l'Europe entière le sait) de pardonner aux François égarés, tout ce qui s'est passé depuis le jour où j'ai quitté Lille, au milieu de tant de larmes, jusqu'au jour où je suis rentré dans Cambrai, au milieu de tant d'acclamations.

Mais le sang de mes enfans a coulé par une trahison dont les annales du monde n'offrent pas d'exemple. Cette trahi

la

son a appelé l'étranger dans le cœur de la France: Chaque jour me révèle un désastre nouveau. Je dois donc, pour dignité de mon trône, pour l'intérêt de mes peuples, pour le repos de l'Europe, excepter du pardon les instigateurs et les auteurs de cette trame horrible. Ils seront désignés à la vengeance des lois par les deux chambres, que je me propose d'assembler incessamment.

François, tels sont les sentimens que rapporte au milieu de vous celui que le temps n'a pu changer, que le malheur n'a pu fatiguer, que l'injustice n'a pu abattre Le Roi, dont les pères regnent depuis huit siecles sur les vôtres, revient pour consacrer le reste de ses jours à vous défendre et à vous consoler.

Donné à Cambrai, le vingt-huitième jour du mois de juin, de l'an de grâce mil huit cent quinze, et de notre règne le vingt-unieme.

Signé, LOUIS.

Et plus bas par le Roi.

Le ministre secrétaire d'Etat des affaires étrangères,
Signé, LE PRINCE DE TALLEYRAND.

La capitale a offert, pendant quinze jours, le spectacle le plus extraordinaire, et, j'ose dire, le plus humiliant. On se flattoit que l'abdication de Napoléon auroit ramené parmi nous le calme, et que le tyran une fois déchu, la France auroit recouvré ses princes légitimes. Il n'en a pas été ainsi. Il s'est fait une ligue de tous les ennemis de la monarchie, de tous les orateurs de la révolution, de tous les partisans de la démocratie pure. Au lieu de reconnoître le monarque que toute la France appelle, on s'est avisé d'abord de proclamer un enfant dont personne ne se soucie, qui n'a ni ne peut avoir aucun droit au trône, qui est à trois cents lieues de nous, et qui ne pourroit réellement nous gouverner avant douze à quinze ans. Un tel roi convenoit mieux en effet à ceux qui vouloient régner sous son nom. C'étoit pour eux un mannequin commode, à l'ombre duquel ils nous eussent exploité à leur aise. Déjà nous voyions revivre les formes populaires. Les actes s'intituloient au nom du peuple. Les assemblées rappeloient les beaux jours de la démocratie. Plus de titres honorifiques, peu de calme et de décence, Des

discussions orageuses, des plaintes, des récriminations. Unt député, qui osa manifester son vœu pour le retour des Bourbons, fut assailli de cris et d'injures.

Cependant les alliés approchoient. L'armée françoise se réu-. nit sous les murs de Paris, et on manifesta le projet de défendre les hauteurs qui couvrent cette capitale, et où on avoit élevé des fortifications à grands frais. Bientôt la capitale fut cernée. Des engagemens partiels eurent lieu. Les François eurent, dit-on, l'avantage en quelques endroits. Mais ils n'avoient aucun renfort à attendre, tandis que les alliés en recevoient journellement. Paris étoit dans les alarmes. On étoit. effrayé des suites d'une défense qui pouvoit entraîner la ruine de la capitale. Quel pouvoit être l'avantage et le but d'une résistance insensée, qui auroit toujours fini par l'occupation de cette grande cité? C'étoit ce que se demandoient les hommes les plus sages. Leurs plaintes furent enfin écoutées, et une convention fut conclue entre les deux armées. Les troupes françoises s'engagèrent à se retirer derrière la Loire, et les postes furent successivement occupés par les alliés. Qui croiroit du moins que de ce moment l'autorité royale alloit être proclamée et reconnue? Mais non. Les chambres continuèrent leurs séances. Celle des députés se fit remarquer surtout par une exaltation prodigieuse. La haine des rois, et surtout des Bourbons, y éclata avec autant de force que dans la feue convention. On n'y prononçoit leurs noms qu'avec l'accent de la fureur et du mépris. Cette chambre, au lieu de courir au-devant du Roi que toute la nation désiroit, se mit à faire encore une constitution; il n'y avoit pas encore un mois que la dernière avoit été proclamée. Ces députés avoient la prétention de représenter la nation, tandis qu'ils n'avoient été élus pour la plupart que par un nombre de votans fort audessous de celui requis par les constitutions. Il étoit notoire que, dans presque tous les départemens, la majorité des électeurs avoient refusé de concourir aux élections pour ne pas prêter un serment qui leur répugnoit. Ainsi il se trouvoit que des députés, au lieu de représenter un département, ne représentoient que le très-petit nombre de votans qui les avoit nommés. Cette considération auroit dû rendre ces citoyens plus modestes. Ce sont bien eux qui formoient cette minorité factieuse dont ils se sont plaint quelquefois. Leurs débats annoncerent toujours cet esprit de faction, dans lequel plusieurs d'entr'eux avoient été nourris. Ils montrèrent une.

hauteur, une roideur, une jactance, une exagération qui, dans les circonstances où ils étoient, parurent ridicules. Loin de chercher à fléchir, par leur soumission, le prince qu'ils avoient méconnu, ils luttèrent avec arrogance contre le torrent de l'opinion, ils s'opiniàtrèrent à s'assembler et à délibérer, ils cherchèrent à égarer les esprits et surtout l'armée. Malheureusement ils furent secondés par quelques hommes qui partageoient leur esprit, et que les troubles présens avoient mis en place. On n'omit rien pour corrompre la garde nationale qui avoit donné de si grandes preuves de zèle, et qui avoit veillé au maintien de l'ordre avec tant de constance et de sagesse. On fit entrer dans son sein des étrangers animés d'un autre esprit. On fit retentir à ses oreilles les mots magiques et souvent trompeurs, d'honneur, de liberté et d'indépendance, comme si ces nobles sentimens étoient compromis par le retour d'un Roi, qui, pendant un règne trop court, n'a montré que les intentions les plus bienfaisantes les plus pacifiques, les plus libérales. Un autre objet qui occupa sérieusement, pendant quelques jours, les esprits, ce fut la couleur de la cocarde. Les chambres discuterent avec gravité un point si important. Il fut déclaré dans des adresses placardées avec profusion que la France étoit en danger si on ne conservoit pas la cocarde et le drapeau tricolor. On mendia des signatures à ces adresses. Et qui étoient donc ceux qui tenoient si fortement à cette couleur ? Toujours les gens de la révolution. Il leur sembloit que leur cause étoit moins désespérée si on en conservoit l'emblême. La cocarde qu'avoit portée Robespierre et Marat, leur paroissoit plus précieuse à conserver que le panache de Henri IV et de Turenne. Il y a quelque chose de si ridicule dans cette importance à telle ou telle couleur, qu'il faut espérer que nous aurons honte nous-mêmes de ces discussions, et que nous sentirons combien il étoit absurde de vouloir forcer le Roi à renoncer aux couleurs pures de sa famille, et à arborer celles qui avoient servi aux artisans de la révolution. Et dans quel temps faisoit-on cette absurde proposition? Lorsque de toutes parts le drapeau blanc étoit arboré dans les provinces, quand tant de François accouroient au-devant du Roi décorés de la cocarde blanche. Quelques particuliers auroient-ils donc eu le pouvoir de faire changer les couleurs véritablement nationales, celles qui ont servi à la France pendant des siècles, qui ont guidé nos pères dans les combats,

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