Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

rateur, retournant en quelque sorte sa prosopopée, interroge à son tour le Prince lui-même d'une manière à la fois hardie et mesurée, et lui demande pourquoi, par une noble et touchante erreur de sa grande ame, il crut toujours les autres aussi vertueux que que lui-même, et ne se défia jamais que de lui, tandis qu'il ne devoit se défier que des autres.

Nous citerons encore ce second morceau :

<< Saluons-le donc aujourd'hui Roi-Martyr, puisqu'aussi bien les impies l'ont mis à mort, moins encore peut-être par haine pour la royauté que par haine pour sa religion et pour l'Eglise sainte dont il étoit le digne fils aîné; ainsi que par sa constante résistance à souiller sa main, en scellant la proscription de ses ministres. Saluons-le Roi-Martyr, puisqu'aussi bien c'est de ce nom que l'appelle un grand et saint pontife..... « O jour de triomphe pour Louis, s'écrie-t-il, à qui Dieu a donné, et la patience dans les grandes infortunes, et la victoire sur l'échafaud! nous avons la ferme confiance qu'il a heureusement changé une couronne fragile et des lis qui se seroient bientôt flétris, en un diademe impérissable que les anges eux-mêmes ont tissu de lis immortels». Ainsi s'exprimoit l'immortel Pie V1, lequel alors ne prévoyoit pas encore qu'il seroit martyr lui-même, et qu'un destin à peu près semblable associeroit son nom à la gloire de ce monarque, objet de sa vénération; belles et touchantes paroles, favorable présage de l'harmonie et de l'heureux accord qui va régner entre le successeur de l'un et le successeur de l'autre ; entre un Pie nouveau, honneur de la tiare, et un nouveau Louis, honneur de la couronne, qui doivent resserrer plus que jamais les liens antiques et sacrés qui unissent l'Eglise de France et l'Eglise de Rome; préparer par la restauration de l'épiscopat la res→ tauration de l'Empire, et soutenir ainsi l'un par l'autre le trône de saint Pierre et le trône de saint Louis.

» Mais s'il est permis de croire que le Monarque que nous pleurons n'a plus besoin de nos prières, il ne l'est pas moins de penser qu'il nous accorde déjà les siennes, et qu'il préside déjà du haut des cieux au destin de la France. Il n'est pas moins doux de penser qu'il va être accompli ce vœu sublime de son amour, cette dernière expression de son cœur : Je désire que mon sang fasse le bonheur de la France. Paroles admirables! Est-ce un homme, est-ce un ange qui les a pro

[ocr errors]

noncées? Ah! que ne peuvent-elles percer les voûtes de ce temple, voler aux extrémités de l'univers, afin que l'univers répète jusqu'aux âges les plus reculés : Je désire que mon sang fasse le bonheur de la France. Oui, Prince magnanime autant qu'infortuné, votre mort le fera ce bonheur de la France, comme la mort de Jésus-Christ a procuré le salut du genre humain. Le sang du juste est monté jusqu'au ciel, non pour crier vengeance, comme celui d'Abel, mais pour crier gráce et miséricorde. Il nous couvrira comme d'un bouclier, il nous protégera, il s'interposera entre le ciel et nous. Il nous réconciliera avec Dieu, avec nos frères, avec nous-mêmes. Il éteindra toutes les haines et toutes les discordes. Il fertilisera cette terre de tant de crimes et de tant d'égaremens, pour y faire germer les vertus de nos aïeux. Il ranimera cet esprit religieux qui fit toute leur gloire, il ressuscitera l'honneur antique, il renouvellera le sang françois en renouvelant le sang chrétien. Il scellera la nouvelle alliance qui vient d'unir le Roi et ses sujets, et les Lis qu'il arrosera relevant leur tige superbe, et plus belle et plus vigoureuse, brilleront d'un éclat immortel ».

Après ce discours, qui a duré trois quarts d'heure, et qui a été écouté avec un religieux silence, le célé brant a continué la messe. Les absoutes ont été faites par quatre évêques, et la dernière par le célébrant. On a transporté ensuite les corps dans les caveaux. Les Princes les y ont accompagné un cierge à la main, et avec l'expression de la plus vive émotion.

Ainsi s'est terminée cette cérémonie imposante et mémorable. Tous ceux qui en ont été témoins ont été frappés de tout ce qu'elle avoit de majestueux et de touchant. La décoration funèbre de ce grand édifice, la présence de ces précieuses dépouilles échappées aux ravages des temps et à la fureur des bourreaux, l'attitude religieuse des Princes qui présidoient à cet acte expiatoire, le deuil et le silence universels, toutes ces grandes images de la mort et de la religion, contribuoient à inspirer le recueillement. Jamais Roi n'étoit descendu dans la tombe en laissant de plus cruels souvenirs; jamais Saint-Denis n'avoit vu de services funèbres qui laissassent dans l'ame une impression plus triste et plus profonde.

Le même jour, des services funèbres ont eu lieu dans toutes les églises de la capitale. Celui de la métropole a été surtout remarquable par sa pompe. Partout le concours et la piété des fidèles ont ajouté à l'intérêt de la cérémonie.

Information faite, en exécution des ordres du Roi, par M. le chancelier.

Le 22 mai 1814, pardevant moi, Charles-Henri Dambray, chancelier de France, chargé par S. M. personnellement de constater les circonstances qui ont précédé, accompagné et suivi l'inhumation de S. M. Louis XVI et de la Reine,

Ont comparu les témoins ci-après dénommés, que j'ai mandés, sur l'indication qui m'avoit été donnée de leurs noms par S. M. 1°. Le sieur François-Silvain Renard, ancien vicaire de la Madelaine, domicilié rue de Caumartin, n°. 12, lequel, après serment de dire la vérité, a déposé ainsi qu'il suit:

« Le 20 janvier 1793, le pouvoir exécutif manda M. Picavez, curé de la paroisse de la Madelaine, pour le charger de l'exécution de ses ordres relativement aux obsèques de S. M. Louis XVI. *

» M. Picavez, ne se sentant pas le courage nécessaire pour remplir une fonction aussi pénible et aussi douloureuse, prétexta une maladie, et m'engagea, comme son premier vicaire, à le remplacer, et à veiller, sous ma responsabilité, à la stricte exécution des ordres intimés par le pouvoir exécutif. Ma réponse fut d'abord un refus positif, fondé sur ce que personne n'avoit peut-être aimé Louis XVI plus que moi; mais sur l'observation juste que M. Picavez me fit que ce double refus pourroit avoir des suites fâcheuses et incalculables pour nous deux, j'acceptai.

>> En conséquence, le lendemain 21, après m'être assuré que les ordres prescrits par le pouvoir exécutif, et relatifs à la quantité de chaux ordonnée et à la profondeur de la fosse qui, autant que je puis me le rappeler, devoit être de dix à douze pieds, avoient été ponctuellement exécutés, j'attendis à la porte de l'église, accompagné de la croix et de feu M. l'abbé Damoreau, que l'on nous remît le corps de S. M.

» Sur la demande que j'en fis, les membres du département et de la commune me répondirent que les ordres qu'ils avoient reçus leur prescrivoient de ne pas perdre de vue un seul ins

tant le corps de S. M. Nous fùmes donc obligés, M. Damoreau et moi, de les accompagner jusqu'au cimetière, situé rue d'Anjou.

» Arrivés au cimetière, jc fis faire le plus grand silence. On nous présenta le corps de S. M. Elle étoit vêtue d'un gilet de piqué blanc, d'une culotte de soie grise et les bas pareils....... Nous psalmodiâmes les vêpres, et récitâmes toutes les prières usitées pour le service des morts; et je dois dire la vérité, cette même populace qui naguère faisoit retentir l'air de ses vociférations, entendit les prières faites pour le repos de l'ame de S. M. avec le silence le plus religieux.

» Avant de descendre dans la fosse le corps de S. M., mis à découvert dans la bière, il fut jeté au fond de ladite fosse, distante à dix pieds environ du mur, d'après les ordres du pouvoir exécutif, un lit de chaux vive. Le corps fut ensuite couvert d'un lit de chaux vive, d'un lit de terre, et le tout fortement battu et à plusieurs reprises.

» Nous nous retirâmes ensuite en silence après cette trop pénible cérémonie, et il fut, autant que je puis me le rappeler, dressé par M. le juge-de-paix un procès-verbal, qui fut signé de deux membres du département et de deux de la commune. Je dressai aussi un acte mortuaire en rentrant à l'église, mais sur un simple registre, lequel fut enlevé par les membres du comité révolutionnaire lors de la clôture de cette église».

Ce qui est tout ce que le témoin a dit savoir, et a signé après lecture faite. Signé, RENARD.

2o. Le sieur Antoine Lamaignere, juge-de-paix du premier arrondissement de Paris, demeurant rue de la Concorde, n°. 8, lequel, après serment de dire la vérité, nous a dit:

« Qu'il n'avoit pas assisté à l'inhumation du Roi, mais qu'il s'est transporté sur les lieux au moment où le corps de S. M. étoit déjà couvert de chaux ; que la place qui aujourd'hui est conservée dans le jardin du sieur Descloseaux, ancien avocat, est bien celle où le Roi a été inhumé», et a signé après lecture faite. Signé, LAMAIGNÈRE.

3°. Le sieur Jean-Richard-Eve Vaudremont, greffier du juge-de-paix du 1°r. arrondissement, demeurant rue de la Concorde, no. 8, après serment de dire la vérité, nous a dit :

« Qu'il avoit accompagné le juge-de-paix auquel il est atta

ché dans la visite qu'il a faite au cimetière de la Madeleine, rue d'Anjou, peu de temps après l'inhumation du Roi, et pendant qu'on recouvroit la fosse, et qu'il est en état d'attester que le corps de S. M. avoit été placé dans le même local qui se trouve aujourd'hui marqué par des saules pleureurs dans le jardin du sieur Descloseaux», et a signé après lecture faite. Signé, VAUDREMONT.

4°. Le sieur Dominique-Emmanuel Danjou, ancien avocat, domicilié rue d'Anjou, n°. 48, lequel, après serment de dire la vérité, nous a dit:

« Qu'il avoit été également témoin de l'inhumation du Rot Louis XVI et de S. M. la Reine; qu'il les avoit vu descendre tous deux dans la fosse, dans des bières découvertes qui ont été chargées de chaux et de terre; que la tête du Roi, séparée du corps, étoit placée entre ses jambes; qu'il n'avoit jamais perdu de vue une place devenue si précieuse, et qu'il regardoit comme sacrée, quand il a vu faire par son beau-père l'acquisition du terrain déjà enclos de murs, qu'il a fait rehausser pour plus grande sûreté; que le carré où se trouvent les corps de LL. MM. a été entouré, par ses soins, d'une charmille fermée; qu'il y a été planté des saules pleureurs et des cyprès», et a signé après lecture faite. Signé, DANJOU.

5o. M. Alexandre-Etienne-Hyppolite, baron de Baye, maréchal des camps et armées du Roi, lequel, après serment de dire la vérité, nous a dit:

« Qu'il avoit vu passer la voiture qui conduisoit au cime tière de la rue d'Anjou le corps de S. M. le Roi; mais qu'il n'avoit pas suivi l'inhumation; a seulement entendu dire d'une manière positive que le corps de S. M. avoit été placé dans le local décoré depuis par les soins de M. Descloseaux; qu'il a même connoissance qu'on a offert audit sieur Descloseaux un hôtel à Paris, en échange de ce précieux terrain, que ledit sieur Descloseaux a voulu conserver », et a signé après lecture faite. Signé, BAYE.

Fait et clos à Paris, à l'hôtel de la chancellerie, le 22 mai 1814. Signé, DAMBRAY. Certifié conforme par nous, secrétaire-général de la chancellerie et du sceau. LE PICARD.

Le 18 janvier 1815, nous, Charles-Henri Dambray, chancelier de France, commandeur des ordres du Ror, accompa

« ZurückWeiter »