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entr'ouvert, et une seule monarchie était possible.› L'établissement du règne nouveau fut pour tout le monde une délivrance. Moi aussi, je suis des victorieux, » disait M. Royer-Collard, triste parmi les victorieux.

La France s'était hâtée de secouer un joug qui n'avait pas longtemps ni lourdement pesé sur ses épaules. Jalouse des libertés qu'elle avait acquises à travers tant de secousses et de crimes, elle s'était révoltée dès qu'elle les avait vues menacées, sans user de cette forte patience qu'apprennent à l'épreuve les peuples exercés dans leur propre gouvernement. Elle ne sentait pas encore les difficultés de l'entreprise qu'elle tentait en fondant une dynastie nouvelle, en face de partis nombreux et violemment divisés; elle sembla prendre plaisir à aggraver ces difficultés en changeant la charte comme la dynastie. Il n'y avait là, à coup sûr, point de nécessité. La Charte venait de traverser avec puissance et honneur les plus rudes épreuves. Le roi Charles X, pour échapper à son empire, avait été contraint de la violer, et elle n'avait point péri sous cette violence; dans les rues comme dans les Chambres, elle avait été le drapeau de la résistance et de la victoire. On eut la fantaisie d'abattre et de déchirer ce drapeau.

Les mains résolues ne manquaient cependant pas à la défense. Dès que les tendances essentiellement révolutionnaires apparurent, les hommes engagés dans le grand évènement qui s'accomplissait reconnurent combien ils différaient entre eux, et ils se séparèrent; ce fut de la révision de la Charte que data la politique de la résistance. Le parti de gouvernement commençait à se former, encore mal uni, inexpérimenté, flottant, mais décidé à pratiquer sérieusement la monarchie constitutionnelle et à la défendre courageusement contre l'esprit de bouleversement.

Les représentants des deux tendances contraires se trouvaient réunis dans le cabinet nouveau, formé par le roi Louis-Philippe au lendemain de son avènement. M. Dupont de l'Eure et M. Laffitte y soutenaient le parti du mouvement, auquel se ralliaient également le général Gérard et M. Bignon; M. Casimir Périer, le général Sébastiani, le baron Louis, M. Molé, M. Dupin, étaient les partisans plus ou moins décidés de la politique de résistance. MM. de Broglie et Guizot marchaient constamment d'accord, comme ils l'ont fait sans un nuage ou un dissentiment à travers leur longue carrière. « Quoique divers d'origine, de situation et aussi de caractère, nous étions unis non-seulement par

une amitié déjà ancienne, dit M. Guizot dans ses mémoires, mais par une intime communauté de principes et de sentiments généraux, le plus puissant des liens, quand il existe réellement, ce qui est rare. » M. de Broglie a, dans son testament, rendu à cette étroite union un témoignage qui devait toucher jusqu'au fond du cœur l'ami destiné à lui survivre : « Je regarde, a-t-il écrit, notre longue amitié comme l'un des biens les plus précieux que Dieu m'ait accordés. »

Les complaisances du roi Louis-Philippe, sinon son intime confiance, étaient réservées à ceux de ses ministres qui penchaient vers la gauche; de ce côté surtout lui venaient alors les dangers et les embarras. L'œuvre de la réorganisation administrative absorbait les forces de ceux qui en étaient chargés; ils avaient en même temps à lutter contre les entreprises révolutionnaires partout latentes et actives. Le général de Lafayette avait été confirmé dans son commandement de la garde nationale; la passion radicale pour l'effacement du passé s'était manifestée à la fois dans le titre de la Charte désormais qualifiée comme la Charte de 1830, et dans la transformation du sceau de l'État, décoré de drapeaux tricolores derrière l'écusson de la maison d'Orléans. Bientôt, à leur tour, les fleurs de lis devaient disparaître des emblèmes de la France.

Les élections destinées à remplacer dans la Chambre les députés démissionnaires ou à confirmer le titre de ceux qui avaient été appelés à des fonctions publiques, prouvèrent avec éclat la faveur populaire qui s'attachait au nouvel établissement royal. La Chambre des Pairs, gravement mutilée par un assez grand nombre de démissions comme par l'expulsion exorbitante des pairs nommés sous le règne de Charles X, se trouvait en outre menacée dans le principe fondamental de son hérédité; elle obtint le droit de choisir elle-même son président. M. Pasquier fut désigné pour ce poste important, que lui avait déjà confié le duc d'Orléans en qualité de lieutenant général du royaume. Des projets de loi nombreux et utiles furent sur-le-champ portés devant les Chambres; le 29 août, le roi passa pour la première fois une grande revue des gardes nationales de Paris et de la banlieue, où il fut accueilli par des acclamations enthousiastes. La répression des désordres matériels, fruit et suite de l'émotion populaire, et la fermeture des clubs rassurèrent les gens sages et rendirent au commerce inquiet l'espérance d'une prompte reprise dans les affaires. «La France a fait une révolution, dit M. Guizot à la Chambre, mais

elle n'a pas entendu se mettre dans un état révolutionnaire permanent. Les caractères saillants de l'état révolutionnaire, c'est que toutes choses soient incessamment mises en question, que les prétentions soient indéfinies, que des appels constants soient faits à la force, à la violence. Ces caractères existent tous dans les sociétés populaires actuelles, dans l'action qu'elles exercent, dans l'impulsion qu'elles s'efforcent d'imprimer à la France. Ce n'est pas là le mouvement, mais le désordre; c'est la fermentation sans but, non le progrès. Puisque le pouvoir est armé d'un moyen légal contre les dangers des sociétés populaires, non seulement il ne doit pas l'abandonner, mais il doit s'en servir. Il l'a déjà fait, et il est décidé à le faire tant que l'exigeront le bon ordre dans le pays et le progrès régulier de ses libertés. »

C'était contre les ministres du roi Charles X, objet de la colère et de la rancune populaires, que se soulevaient le plus violemment des haines difficiles à contenir. « Qu'auriez-vous fait à M. de Polignac si vous l'aviez trouvé?» demandait M. Odilon Barrot à une femme qui s'était obstinée à fouiller la voiture des commissaires revenant de Cherbourg où ils avaient accompagné le vieux roi. « Ah! monsieur, s'écriat-elle, je l'aurais étranglé de mes mains. » Ceux des ministres qui avaient été arrêtés s'expliquaient avec peine et le motif de leur emprisonnement, et la fureur du peuple. On leur fit comprendre que leur captivité les défendait seule de l'émeute grondant sans cesse contre eux. Mis en accusation le 27 septembre, sur une proposition de M. Eusèbe de Salverte, ils se virent menacés le 17 octobre, jusque dans le château de Vincennes, par un soulèvement populaire livré aux plus odieuses passions. La multitude qui encombrait les rues de Paris et qui demandait à grands cris la tête des ministres, repoussée du jardin du PalaisRoyal, s'élança avec emportement sur les routes qui conduisaient à la forteresse. Le général Fabvier, qui commandait la place de Paris, était inquiet de la sûreté des prisonniers; le général Pajol, commandant de la division militaire, avait reçu l'ordre de prendre à cet effet les dispositions nécessaires; déjà l'émeute était arrivée devant Vincennes. Réveillés par les cris, vers onze heures du soir, les ministres accusés l'avaient vue par leurs étroites fenêtres, à la lueur des torches, s'amonceler devant le château et en réclamer l'entrée. Le général Daumesnil était chargé de la garde de la place; il fit ouvrir la porte, et se présentant seul à la foule : « Que voulez-vous?-Nous voulons les ministres.

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