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<< Lieutenant général, oui, avait dit M. de Chateaubriand, qui venait d'arriver à Paris, et qui avait été porté en triomphe au Luxembourg, mais pour roi, Henri V. » Les paroles des députés et des pairs n'allaient pas encore au delà, quelle que put être la liberté de leur pensée; la Commission municipale avait déclaré la déchéance du gouvernement de Charles X, M. Casimir Périer refusa de signer cette proclamation, qui dépassait, disait-il, leurs pouvoirs. Une délégation de douze membres de la Chambre des Députés fut désignée pour aller offrir au duc d'Orléans la lieutenance générale du royaume; il venait d'arriver à Paris de Neuilly, à pied et non sans difficulté. Lorsque la députation se présenta au Palais-Royal, le prince demanda quelques heures pour réfléchir; le temps pressait; il accepta. Une proclamation fut aussitôt publiée : « Habitants de Paris! les députés de la France, en ce moment réunis à Paris, ont exprimé le désir que je me rendisse dans cette capitale pour y exercer les fonctions de lieutenant général du royaume. Je n'ai pas balancé à venir partager vos dangers, à me placer au milieu de votre héroïque population, et à faire tous mes efforts pour vous préserver de la guerre civile et de l'anarchie. En rentrant dans la ville de Paris, je portais avec orgueil ces couleurs glorieuses que vous avez reprises et que j'ai moi-même longtemps portées. Les Chambres vont se réunir; elles aviseront aux moyens d'assurer le règne des lois et le maintien des droits de la nation. La Charte sera désormais une vérité'. »

La proclamation ne satisfaisait pas toutes les passions et toutes les espérances violemment excitées dans le peuple, elle répondait aux sérieux désirs et aux besoins profonds des hommes éclairés pressés de mettre un terme au désordre; sur le rapport de sa délégation, la Chambre des Députés adopta une déclaration adressée à la France. rédigée et portée à la tribune par M. Guizot :

<< Français,

«La France est libre. Le pouvoir absolu levait son drapeau, l'héroïque population de Paris l'a abattu. Paris attaqué a fait triompher, par les armes, la cause sacrée qui venait de triompher en vain dans les élections. Un pouvoir usurpateur de nos droits, perturbateur de notre repos, menaçait à la fois la liberté et l'ordre, nous rentrons en possession de l'ordre et de la liberté. Plus de craintes pour les droits

1. M. Guizot, Mémoires pour servir à l'histoire de mon temps.

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acquis, plus de barrières entre nous et les droits qui nous manquent

encore.

« Un gouvernement qui, sans délai, nous garantisse ces biens est aujourd'hui le premier besoin de la patrie. Français! ceux de vos députés qui se trouvent déjà à Paris se sont réunis, et, en attendant l'intervention régulière des Chambres, ils ont invité un Français qui n'a jamais combattu que pour la France, M. le duc d'Orléans, à exercer les fonctions de lieutenant général du royaume. C'est, à leurs yeux, le moyen d'accomplir promptement par la paix le succès de la plus légi

time défense.

« Le duc d'Orléans est dévoué à la cause nationale et constitutionnelle, il en a toujours défendu les intérêts et professé les principes. Il respectera nos droits, car il tiendra de nous les siens; nous assurerons par des lois toutes les garanties nécessaires pour rendre la liberté forte et durable. »

A la lecture de cette proclamation, que terminait l'énumération des garanties nécessaires à la liberté, la Chambre répondit par des acclamations et se porta aussitôt au Palais-Royal. Le lieutenant général se préparait à partir pour l'Hôtel de Ville; les députés l'y accompagnèrent; quelques cris malveillants retentissaient dans les rues : « Plus de Bourbons! » répétait-on. En masse cependant la foule criait encore: << Vive la charte!» « Messieurs, dit le duc d'Orléans en montant l'escalier, c'est un ancien garde national qui vient rendre visite à son ancien général. » M. Viennet lut la proclamation de la Chambre, assez froidement accueillie par la populace. Le général de La Fayette ne tarda pas à rendre au prince sa visite. « Vous savez, lui dit-il, que je suis républicain et que je regarde la constitution des États-Unis comme la plus parfaite qui ait jamais existé. Et moi aussi, répondit le duc d'Orléans; mais croyez-vous, dans la situation de la France et d'après l'opinion générale, qu'il nous convienne de l'adopter? Non, répartit M. de La Fayette; ce qu'il faut aujourd'hui au peuple français, c'est un trône populaire, entouré d'institutions républicaines, tout à fait républicaines. - C'est bien ainsi que je l'entends,» dit le duc.

Les républicains ne comptaient pas sur ces déclarations princières; cependant ils avaient eux aussi tenu à entretenir le lieutenant général. « Demain vous serez roi, monseigneur, dit M. Boinvilliers; peutêtre est-ce la dernière fois que vous entendrez la vérité, permettez-moi de vous la dire. » Le prince ayant prononcé avec sévérité le nom de la

Convention, M. Godefroy Cavaignac s'écria vivement : « Monseigneur oublie que mon père était de la Convention! - Le mien aussi, monsieur, repartit le duc d'Orléans avec un accent douloureux, et, tout en chérissant sa mémoire, il m'est permis de vouloir préserver mon pays des entraînements dont il a été la victime. » Des conversations de M. de La Fayette avec le prince naquit l'engagement qu'on appela le Programme de l'Hôtel de Ville; il promettait la révision de la Charte. « Je suis condamné à ne rien proposer, dit le duc d'Orléans. Je ne prendrai pas la couronne, je la recevrai de la Chambre des Députés aux conditions qu'il lui conviendra de m'imposer. Les modifications à la Charte, quelles qu'elles soient, ne peuvent donc être faites que par elle seule. » La passion populaire avait déjà réclamé contre cette phrase contenue dans la déclaration du duc d'Orléans comme dans la proclamation de la Chambre des Députés : « La Charte sera désormais une vérité. » Un erratum du Moniteur du 31 juillet contenait cette rectification absurde: « Une Charte sera désormais une vérité. »

Pendant que M. le duc d'Orléans acceptait des mains des députés la lieutenance générale du royaume, bientôt destinée à devenir la royauté, Charles X, encore à Saint-Cloud, voyait arriver auprès de lui le maréchal Marmont avec les troupes mécontentes, affamées, désertant en grand nombre. Le maréchal conseillait au roi de se retirer sur la Loire, à Blois ou à Tours, et d'y convoquer les grands fonctionnaires avec le corps diplomatique. Le Dauphin s'emporta, il s'était opposé au retrait des ordonnances et au renvoi du ministère: «Mon père est le maître, dit-il, mais je suis loin d'approuver tout ce qu'il fait. » Une scène violente s'engagea avec le duc de Raguse, jusqu'à ce point que le maréchal fut reconduit comme un prisonnier dans ses appartements. Ce fut à grand'peine que le vieux roi réussit à rétablir une bonne intelligence apparente. Dans la nuit, cédant aux terreurs de madame la duchesse de Berry qui croyait la sûreté du château menacée, le roi partit pour Versailles, et de là il se rendit à Rambouillet, première et douloureuse étape d'un nouveau voyage vers l'exil. Le Dauphin ayant tenté un retour offensif sur Sèvres, plusieurs corps refusèrent de faire feu ou mirent bas les armes. Mme la Dauphine revenait de Vichy. Elle avait été constamment opposée à la pensée d'un coup d'État, par vertu et par respect pour la foi jurée. Le roi se jeta dans ses bras: «Comment me pardonnerez-vous? » s'écria-t-il. Toujours héroïque dans l'infortune, la fille de Marie-Antoinette avait été poursuivie par l'insurrection à

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