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des péages. Il se plaint que les défendeurs ont commencé des travaux dans la rivière, dans le but de construire un pont dans l'étendue des limites assignées pour ses droits de traverse et de péage, demande qu'il leur soit enjoint de démolir ces travaux, et, de plus, qu'ils soient condamnés à payer $300, pour les dommages-intérêts. Il n'est pas sans importance de bien apprécier quelle est l'espèce d'action exercée par le demandeur. Car, quoique, dans nos tribunaux, on ne s'arrête guère aux différences que le droit romain avait établies entre les actions, et qu'il ne soit pas nécessaire de les désigner par un nom quelconque, il n'en est pas moins vrai et juste de dire que l'exercice des actions découle de la nature des droits. Il y a des actions possessoires, des actions pétitoires, des actions ordinaires, fondées sur des engagements et des obligations découlant ou de la loi, ou des conventions. Le droit précède toujours l'action. La nature du droit règle donc ses conséquences, et l'exercice des actions utiles à sa protection. Le demandeur qualifie son action de complainte en dénonciation de nouvelle œuvre. Les conclusions qu'il a prises sont précises, distinctes, et on peut, sans hésitation, affirmer qu'il exerce l'action possessoire, qui, dans notre jurisprudence, est la complainte en dénonciation de nouvelle ceuvre. Dans quelles circonstances l'action possessoire peut-elle être employée? Notre article 946, l'indique "Le possesseur d'un héritage ou d'un droit réel, à titre autre que celui de fermier, ou de précaire, qui est troublé dans sa possession, a l'action en complainte contre celui qui l'empêche de jouir, à fin de faire cesser ce trouble et être maintenu dans sa possession." Il faut être possesseur d'un héritage ou d'un droit réel, à titre de propriétaire, c'est-à-dire animo sibi habendi, et qu'on soit empêché de jouir. Dans toute action possessoire, un point essentiel est donc la possession; la première chose à examiner est si l'on est troublé dans une possession réunissant les caractères exigés par la loi: car la possession a ses règles et ses effets particuliers. La possession requise est nécessairement celle accompagnée de l'intention animo sibi habendi. On peut donc affirmer qu'elle doit être telle qu'elle fasse présumer la propriété. C'est de la propriété présumée par la possession, que découle l'action possessoire. Bonjean (vol. 2.) définit ainsi la possession: "Posséder, c'est détenir une chose avec intention de la considérer comme sienne, animo domini ou animo sibi habendi, c'est alors la possession civile." La possession est inséparable de l'idée de la propriété ; c'est la manifestation de la propriété. L'action possessoire n'est accordée que pour protéger la propriété. Il n'y a que la possession civile, qui donne les droits de la possession, ces droits découlent du droit de posséder. Partant de ces règles et de ces principes, il suit directement qu'il y a des

choses qui ne peuvent faire l'objet d'une possession. Toute chose hors du commerce, ne peut être l'objet de la possession civile. Car dans ce cas, l'animus domini est illégal, non seulement à l'égard de ces choses, mais de plus, tout rapport à l'acquisition de la propriété par la détention et aux interdits possessoires, capable de produire le droit de la possession, inanque. On ne suppose pas que la volonté d'avoir la chose animo sibi habendi puisse exister.

Il faut, dit Bonjean, “que celui qui a recours à la complainte retinendo possessionis, ait la possession juridique proprement dite. De cette nécessité, il suit que l'action possessoire, soit d'une chose qui n'est pas dans la catégorie des choses publiques et communes. Examinons la possession du demandeur telle qu'il l'a qualifiée, et telle qu'il l'a réellement d'après les faits et la loi. Il se déclare propriétaire du pont désigné dans le statut, qui lui a octroyé le droit de prendre des péages, et qu'il est en possession, à titre de propriétaire, de ce pont et du droit d'exiger des péages. La possession est du pont et du droit de péage. Voici comme la demande qualifie et désigne sa propriété : « Un pont bâti et construit sur la rivière Yamaska, qui est navigable et flottable, et qui a toujours été une voie publique, de 180 pieds de longueur sur 18 de largeur, et le droit d'exiger des péages." On ne prétend qu'à la possession d'une construction faite sur une rivière navigable avec la permission de l'autorité. Cette possession découle du titre qu'on invoque. Ce titre doit dans la circonstance qualifier la possession, comme la nature même de la propriété, et, par conséquent, les effets du droit de posséder. Le concessionnaire est déc'aré, par le titre, propriétaire du pont, des maisons de péage, des montées et abords, ainsi que des péages. La propriété comme la possession, sont limitées au pont et aux péages. Ainsi, nulle propriété, nulle possession de la rivière, mais seulement le droit de l'obstruer, par la construction d'un pont, et le droit d'exiger péage de ceux qui passeront sur le pont. Pour exercer l'action possessoire, il faut justifier d'un trouble dans la possession du pont et des péages. Quel est le fait allégué comme constituant le trouble? C'est que les défendeurs, prétendant avoir droit de construire un pont dans les limites de la concession, ont commencé à faire des travaux dans la rivière, dans le but de se procurer un passage. Il n'y a pas dans ce fait un trouble dans la possession. Il n'y a là aucune intervention quant au pont même; aucun acte qui prive le demandeur de sa jouissance ou qui l'expose à la perdre. Les travaux que les défendeurs ont faits dans la rivière, n'étant pas autorisés par l'Etat, peuvent les exposer à des accusations, à des indictments pour obstruer la voie publique, mais non à des poursuites privées de la part de toutes

personnes qui se prétendent intéressées à faire enlever ces obstructions. Comme l'enseigne Blackstone: The law gives no private remedy for anything but a private wrong. "No action lies for a public or common nuisance, but an indictment only." Telle action ne compète à des particuliers que lorsqu'ils souffrent un tort considérable, personnel et actuel. Or il est évident dans l'espèce, que le pont même, ou les péages, qui sont l'héritage du demandeur, n'ont pas souffert un dommage actuel ; que le pont n'est point exposé à destruction quelconque par le nouvel œuvre. La question des profits futurs, est chose essentiellement distincte et séparée de celle de la possession. On jouit, comme on le faisait auparavant, en recevant péage de ceux qui traversent. La diminution possible des péages, par le fait que, plus tard, quelques personnes pouvant faire usage du nouveau pont, n'affecte pas plus la possession, que la diminution à craindre du fait de l'établissement d'un grand centre d'affaires, qui appellerait, dans une direction toute opposée, les personnes qui étaient dans l'habitude de circuler sur le pont du demandeur. Faisons l'application des règles qui viennent d'être exposées au litige comme action possessoire. Lu trouble dont on se plaint est à raison d'entreprise sur une rivière navigable, sur chose publique et commune. La règle est que ces choses ne peuvent être possédées, que les voies de fait, sur ces choses ne donnent pas lieu entre les particuliers aux actions possessoires, parce qu'ils n'ont ni propriété, ni possession de ces choses. Le fait représenté comme trouble n'a enlevé au demandeur aucune portion de la possession de sa propriété. Il n'y a pas plainte que le nouvel oeuvre est de nature à rendre le pont moins sûr, plus exposé à souffrir par la crue des eaux, à gêner l'exploitation qu'avait le demandeur. Nullement; tous ses droits de posséder, comme sa possession, sont restés ce qu'ils étaient. Ainsi tous les éléments de la complainte manquent. En vain, dira-t-on, mais, outre cette possession matérielle du pont, la défense que contient la concession, de ne pas construire de pont dans telles limites, constitue un droit, qui accorde l'exercice de l'action possessoire, contre les personnes qui feront cette construction. Section 10, chap. 32, 26e Vict. Cette défense n'ajoute rien à la propriété du demandeur, qui n'est saisi que du pont. Le droit à des péages est corollaire de la propriété du pont. Péages et pont, c'est même propriété, même possession. Il n'y a pas deux droits, deux propriétés, deux possessions. Tout fait qui n'affecte nullement la propriété et la possession du pont, si toutefois il est susceptible de pouvoir ultérieurement diminuer les profits, ne peut être atteint par l'action possessoire, mais il est soumis, comme tout fait de l'homme pouvant causer un tort, aux tions ordinaires et aux conséquences de la loi, chaque fois qu'il

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s'agit de condamnations découlant d'obligations de faire ou de ne pas faire. Cette défense n'a pas créé de servitude au profit de la propriété du demandeur, sur le domaine public. Car la règle qui fait les rivières et les eaux, choses publiques et communes, fait également, qu'elles ne sont pas plus susceptibles de propriété privée, que de servitude, qui est une propriété par l'inhérence du droit de servitude à la propriété. On ne peut comprendre que de simples particuliers exercent des actions confessoires ou négatoires, les uns contre les autres, à raison de délits et de voies de fait sur le domaine public. Or la dénonciation de nouvel œuvre est, suivant le cas, ou une action confessoire, ou une action négatoire. J'ai voulu, par cette discussion, démontrer que l'action possessoire a un caractère tout particulier et des effets égalements spéciaux, et, partant, que les faits de son caractère particulier manquant, les effets ne pouvaient en découler. Les concessionnaires de privilèges exclusifs, ne possèdent pas d'après la loi commune, mais d'après un titre aussi spécial qu'il est exclusif: c'est de là qu'il faut partir pour s'assurer quand les actions ordinaires leur competent, avec leurs avantages et leurs conséquences gérérales. Il est donc adjugé, que le demandeur n'avait pas, dans l'espèce, l'action possessoire pour sauvegarder les droits qu'il réclame. C'est ainsi que nos tribunaux ont jugé dans les décisions qu'on trouve dans les rapports. L'action de Leprohon vs Globenski, était une action personnelle, fondée sur obligation ex maleficiis, pour réparation du tort causé. (1) Celle de Lachapelle. citée incidemment, était de même nature. Dans Jones vs La Compagnie du chemin de fer Stanstead, Shefford et Chambly

(1) Par le Statut du Canada de 1847, 10 et 11 Vic., ch. 99, Edouard Martial Leprohon et Joseph Amable Berthelot furent autorisés (section 1) à construire un pont de péage sur la rivière Jésus à St-Eustache, et à charger (s. 5) certains péages, et il fut défendu (section 9) de construire un autre pont ou de pratiquer une autre voie de passage, pour gages, à une distance d'une lieue de ce pont ou de s'en servir, sous peine par ceux qui construiraient un pont ou s'en serviraient de payer à Leprohon et Berthelot des péages triples de ceux imposés par cet acte, et par ceux qui passeraient ou transporteraient quelqu'un sur ce pont de payer pour chaque personne, voiture ou animal traversé, une somme n'excédant pas quarante chelins, les pénalités devant (section 14) être recouvrées devant un ou plusieurs juges de paix, et étant réservés à Sa Majesté. Il a été jugé, sous ces dispositions, que le propriétaire d'un moulin qui a pratiqué ou fait pratiqué au moyen de bacs ou chalands, des voies de passage, et une traverse dans les limites du privilège d'un pont de péage, construit par Leprohon et Berthelot pour y traverser les gens gratuitement à son moulin, mais dans le but de se procurer des gains par la mouture de leurs grains, est passible des dommages-interêts envers le propriétaire de ce pont à raison de la perte de ses profits qui lui sont ainsi enlevés indirectement. (Leprohon vs Globensky C. S. Montréal, 28 juin 1854, DAY, J., SMITH, J., et C. MONDELET, J., P. D. T. M., p. 90 ; 2 R. J. R. Q., p. 385, et § R. J. R. Q., p. 25 ; et C. S. Montréal, 31 mars 1859, BADGLEY, J., 3 J., p. 310, et 8 R. J. R. Q., p. 19; et Globensky et uxor et Luskin et al., C. B. R. en appel, Montréal, ler mars 1862. LAFONTAINE, J. en C., AYLWIN, J. (dissident), DUVAL, J., MEREDITH, J., et C. MONDELET, J. A., confirmant le jugement de C. S., 6 J., p. 645, et 8 R. J. R. Q., p. 22.)

la complainte fut refusée, pour des raisons analogues à celles qu'on vient d'exposer, et aussi pour d'autres raisons qu'il est inutile de rapporter. (1) L'autorité de Blackstone, qu'on a invoquée, pour justifier la présente demande, est plutôt corroborative de l'ordre de choses que je cherche à faire prévaloir. Le juge cite plusieurs passages de l'auteur, vol. 3, page 218. On verra plus tard que la doctrine de Blackstone est la doctrine de notre droit, et son enseignement celui de nos jurisconsultes. En décidant comme il vient d'être fait sur la possession du demandeur, et sur son droit d'exercer la complainte, il n'est réellement a jugé que sur une des phases de son action. Mais si toutefois il n'a pas l'action possessoire, il a toujours une action en réparation du tort qu'il prétend avoir souffert par les faits des défendeurs; et, comme il demande condamnation, à raison des dommages qu'il prétend que ces derniers lui ont causés, il reste à examiner si le tort a été commis, et quelle

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(1) La section 1 du chap. 29 des Statuts du Bas-Canada de 1826, 6 Georges 4, intitulé: "Acte pour autoriser Robert Jones à bâtir un pont de péage sur la "riviere Richelieu, à Saint-Jean dans la paroisse Saint-Luc, près des Ra"pides, pour fixer les droits de péage sur icelui, et qui pourvoit des règlements pour le dit pont," est en ces termes : Il sera loisible au dit Robert 'Jones, et il est par le présent autorisé et a pouvoir d'ériger et bâtir, à ses propres frais et dépens, un pont-levis solide et suffisant sur la dite rivière Richelieu, à la ville de Dorchester, Saint-Jean, au haut des rapides, c'est à-dire, à quelque point ou place convenable dans l'espace intermédiaire, entre la propriété appartenant maintenant à Ephraïm Molt, sur la rue de Divi"sion et le terrain appartenant maintenant à Robert Hall, et occupé par lui "dans la susdite ville de Dorchester, communément appelée Saint-Jean, à ériger et construire une maison de péage et une barrière, avec d'autres dépen"dances sur ou près du dit pont, dont la porte, pour le passage des vaisseaux, chaloupes ou cageux, aura au moins trente pieds d'ouverture entre les piliers, "et aussi de faire et exécuter toutes autres matières et choses requises et né"cessaires, utiles ou commodes pour ériger et construire, entretenir et sou"tenir le dit pout projeté, maison de péage, barrière et autres dépendances, "suivant la teneur et le vrai sens de cet acte." La section 10 du même Statut, se lit comme suit: "Aussitôt que le dit pont sera passable et ouvert pour l'usage du public, dès lors aucune personne quelconque ne pourra ériger ou faire ériger aucun pont ou ponts, pratiquer ou faire pratiquer aucune voie de passage pour le transport d'aucune personne, bestiaux ou "voitures quelconques, pour gain ou lucre à travers la dite rivière Richelieu, "à une demi-lieue au-dessous, et une lieue au-dessus du dit pont, et si quelque personne ou personnes construisent un pont ou des ponts de péage sur "la dite rivière dans les dites limites, elle paiera ou elles paieront au dit "Robert Jones, ses héritiers, exécuteurs, curateurs ou ayants cause, trois fois "la valeur des péages imposés par le présent acte, pour les personnes, bestiaux et voitures qui passeront sur tel pont ou ponts, et si quelque personne ou personnes passent en aucun temps que ce soit, ou transportent pour gages ou gain aucune personne ou personnes, bestiaux, voiture ou voitures à travers la dite rivière, dans les limites susdites, tel contrevenant ou "contrevenants encourront et paieront pour chaque personne, voiture ou "auimal ainsi traversé, une somme n'excédant pas quarante chelins, courant. "Pourvu que rien contenu dans cet acte ne sera censé s'étendre à priver le "public de passer la dite rivière dans les limites susdites à gué ou en canot, ou autres voitures d'eau sans lucre ou gages." Par la section 3 du chap. 107 des Statuts du Canada de 1853, 16 Victoria, intitulé: Acte pour incorporer "la compagnie du chemin de fer de Stanstead, Shefford et Chambly," cette compagnie fut autorisée à construire un chemin de fer d'un point sur le fleuve

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