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SOCIETE COMMERCIALE.

COUR DE CIRCUIT, Murray Bay, 9 décembre 1873.

Coram TASCHEREAU, H. E., J.

COUTURIER vs BRASSARD et al.

Jugé :-Qu'une société entre un shérif, un avocat et un marchand, pour l'exploitation d'un moulin à scie, est une société commerciale.

TASCHEREAU, H. E., J. : Les défendeurs, un shérif, un avocat et un marchand, sont propriétaires d'un moulin à scie, pour l'exploitation duquel ils ont fait un acte de société le 26 juillet 1872. Leurs opérations consistent uniquement à scier les billots qu'on apporte à leur moulin, et à les convertir en planches ou madriers, à tant par pied. Comme de raison, ils ne font pas cela eux-mêmes, mais par des journaliers qu'ils engagent. Le demandeur réclame soixante et trois piastres, pour ouvrages faits à ce moulin, et demande contre les défendeurs une condamnation solidaire. Les défendeurs nient être sujets à cette solidarité, et prétendent que la société entre eux est une simple société civile. Je suis d'avis que cette prétention n'est pas fondée, et que leur société est une société commerciale. L'article 1863 du Code Civil dit: "Les sociétés commerciales sont celles qui sont contractées pour quelque trafic, fabrication, ou autre affaire d'une nature commerciale, soit qu'elle soit générale, ou limitée à une branche ou aventure spéciale." Or, les défendeurs se sont associés pourquoi ? Pour la fabrication de planches et madriers. Il ne peuvent prétendre que cette fabrication est accessoire à leurs occupations ordinaires. Il n'achètent rien pour revendre, il est vrai, mais ils louent leurs employés, pour en sous-louer ou revendre les services à ceux qui apportent à leur moulin des billots pour les faire scier, et ce dans un but de spéculation. Les autorités françaises soumettent les opérations semblables à la juridiction de leurs tribunaux de commerce. "On ne pourrait refuser de réputer commerciale l'opération d'un entrepreneur de filature qui convertirait en fils la laine ou le coton qu'on lui confierait dans cette vue. Il en serait de même d'un établis"sement de foulon, de blanchisseurs, qui reçoivent les étoffes ou les toiles de ceux qui les leur confient pour les préparer " ou les blanchir." (Pardessus, Droit Commercial, n° 35.) On voit, au Journal du palais, 1847, un arrêt de la Cour de Paris, du 9 avril 1847, qui a jugé qu'une société formée pour la construction d'une villa sanitaire, destinée à recevoir des malades qui doivent y être traités par le magnétisme, est une société

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commerciale. La preuve du demandeur est complète, par les admissions de Brassard, l'un des défendeurs, entendu comme témoin un associé lie ses co-associés par ses admissions. Les causes de Maguire vs Scott et de Fisher vs Russell, (1) DAY, J., ont depuis longtemps établi cette jurisprudence. Jugement contre les défendeurs, conjointement et solidairement. (18 J., p. 8.)

J. PERRAULT, pour le demandeur.
F. X. FRENETTE, pour les défendeurs.

MINEUR.-OBLIGATION.

COUR DE CIRCUIT, Murray Bay, 7 juin 1873.

Coram H. E. TASCHEREAU, J.

MILLER US DEMEULE.

Jugé-Que c'est au demandeur qui veut recouvrer de l'argent prêté à un mineur à prouver l'emploi utile de l'argent.

TASCHEREAU, H. E, J.: Le demandeur allègue, par sa déclaration, que, par acte d'obligation, passé le 8 mai 1863, le défendeur reconnut lui devoir la somme de £22. 10, pour autant prêté dès avant la passation du dit acte, et c'est cette somme, avec les intérêts depuis 1863, qu'il réclame du défendeur, par la présente action. Le défendeur dit: "le 8 mai

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1863, lorsque j'ai consenti cette obligation, j'étais mineur; 'j'ai été lésé en consentant cette obligation; je n'ai jamais "touché aucune partie de l'argent porté au dit acte; je n'étais pas assisté au dit acte tel que voulu par la loi; en conséquence, je demande à être relevé de la dite obligation, et à ce que le dit acte soit déclaré nul, et l'action renvoyée, avec dépens." Le défendeur a établi qu'il était mineur, le 8 mai 1863, lors du dit acte d'obligation, mais n'a pas fait d'autre preuve. Le demandeur n'a fait aucune preuve. Le demandeur

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(1) Dans une action intentée contre une société en recouvrement du prix de marchandises vendues à l'un des associés, pour l'usage de la société, les réponses sur faits et articles de l'associé ayant fait l'achat, que lesdites marchandises ont été employées au profit de la société, non seulement sont admis sibles, mais font preuve complète contre la société. (Maguire et Scott, C.B. R., en appel, Québec, 16 décembre 1857, LAFONTAINE, J. en C., AYLWIN, J., DUVAL, J., et CARON, J., dissident, confirmant le jugement de C. S., Québec, 15 décembre 1856, 7 D. T. B. C., p. 451.)

Les admissions d'un associé, en réponse à des interrogatoires sur faits et articles, après la dissolution de la société, lient les autres membres de la société. (Fisher vs Russell et al., C. S., Montréal, 27 février 1858, Day, J., 2 J., p. 191, et 6 R. J. R. Q., 472.).

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dit: "Le défendeur a plaidé lésion, c'était à lui à la prouver: "le fait seul qu'il était mineur, lorsqu'il a consenti cette obligation en ma faveur, n'est pas suffisant pour renvoyer l'ac"tion: l'obligation consentie par un mineur n'est pas nulle "de plein droit: le mineur ne peut être restitué que s'il a été "lésé: minor restituitur non tanquam minor, sed tanquam læsus; or, le défendeur n'ayant pas prouvé qu'il a été lésé, je dois avoir jugement contre lui." A cela le défendeur répond: "Je n'avais pas à prouver lésion; la loi la présume en ma faveur: c'était au demandeur à prou66 ver que cet argent m'a profité, et a tourné à mon avantage, et, n'ayant pas fait cette preuve, il ne peut recouvrer de moi cette somme, et son action doit être renvoyée." C'est là, la cause telle que soumise à la cour. Voyons quels sont les articles de notre code qui se rattachent à la question. Le premier est l'article 290: "Le tuteur prend soin de la per"sonne du mineur et le représente dans tous les actes civils." Le second est l'article 984: "Quatre choses sont nécessaires pour la validité d'un contrat: des parties ayant la capacité légale de contracter; leur consentement donné légalement; quelque chose qui soit l'objet du contrat; une cause ou considération licite." Le troisième est l'article 985: Toute personne est capable de contracter, si elle n'en est pas expres"sément déclarée incapable par la loi." Et l'article 986: "Sont incapables de contracter: les mineurs, dans les cas et sui"vant les dispositions contenues dans ce code." L'article 1002 dit: "La simple lésion est une cause de nullité, en faveur du "mineur non émancipé, contre toutes espèces d'actes lorsqu'il n'est pas assisté de son tuteur, et lorsqu'il l'est, contre toutes espèces d'actes autres que ceux d'administration." En parlant de ce dernier article, les codificateurs disent, dans leur rapport, vol. 1, page 13: " Cet article pose la règle générale "quant à l'effet de la lésion des mineurs: il diffère de l'article "1305 du code français sur le même sujet. Ce dernier article "donne lieu à une variété d'interprétations dont les commentateurs se sont aidés pour soutenir des opinions très diver"gentes. Il n'est guère nécessaire de dire que les commissaires "ont tâché d'éviter l'ambiguïté d'expressions qui a causé tant "de discussion, et ils croient avoir rendu en termes non équivoques la règle qui prévaut dans notre droit." J'avoue qu'il me semble cependant que notre article n'est pas très lucide. Les commentateurs s'accordent à dire que l'article 1305, et ceux qui s'y rattachent du code Napoléon, sont très obscurs, et, malgré ce qu'en disent nos codificateurs, les articles correspondants de notre code ne me semblent guère plus clairs. Mais comme ils nous sont donnés comme loi préexistante, nous avons l'avantage d'avoir pour nous guider sur la question les com

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mentateurs sous la Coutume de Paris, et la jurisprudence sous l'ancien droit français, en même temps que l'opinion des commentateurs sous le code Napoléon. Je n'ai pas à traiter ici, dans toute son étendue, la question de la capacité et de l'incapacité des mineurs. Il s'agit, dans la présente cause, d'un prêt d'argent fait à un mineur, et voici toute la question : Est-ce à celui qui a prêté à un mineur à prouver que l'argent a profité à ce mineur pour recouvrer contre lui, ou bien est-ce au mineur à prouver qu'il a été lésé pour faire renvoyer l'action? Je n'hésite pas à dire que c'est au demandeur à prouver l'emploi utile de l'argent. Sous le droit romain, comme sous la Coutume de Paris, et sous le code Napoléon, le prêt fait à un mineur a toujours été mal vu. Le sénatus-consulte Macédonien, et différents arrêts des Cours et des Parlements de France ont défendu expressément de prêter aux mineurs, et aux fils de famille, et Lallier, lors des conférences sur le Code Napoléon, appelait le prêt à un mineur "ce fléau de l'inexpérience." La loi présume, en pareil cas, 1° que celui qui prête connaît l'état de la personne qui contracte avec lui; 2° que le mineur est trop irréfléchi, et a trop peu d'expérience pour employer utilement son argent; 3° que celui qui prête à un mineur, contrairement au vœu de la loi, sans exiger que celui-ci soit assisté de son tuteur, encourage le vice, la débauche et la prodigalité, ou bien veut profiter de la faiblesse de son emprunteur pour exiger des intérêts usuraires et l'amener à sa ruine. Cependant la loi ne refuse pas entièrement au prêteur tout recours. Si le mineur a profité de cet emprunt, la règle d'équité naturelle qui veut que personne ne s'enrichisse aux dépens d'autrui, prévaut toujours, et permet au prêteur de recouvrer, mais seulement pour autant que le mineur a profité de l'emprunt, et quatenus locupletior fecit. Et c'est au prêteur à prouver quatenus minor locupletior factus est, et l'emploi utile de l'argent. Le mineur n'a pas de preuve de lésion à faire la loi le présume iésé, et c'est là, une des présomptions légales dont par l'article 1239 du Code. Et même si le mineur a emprunté, assisté de son tuteur, sans l'autorisation du conseil de famille, c'est là la loi. Car le tuteur lui-même n'a pas le droit d'emprunter pour son pupille. "Sans l'autorisation du juge ou du protonotaire, accordée sur avis du conseil de famille, il est interdit au tuteur d'emprunter pour son pupille," dit l'article 297 de notre code. Dans la présente cause, le défendeur, alors mineur, a consenti cette obligation pour argent emprunté du demandeur, non seulement sans autorisation de justice, sans l'avis du conseil de famille, mais même sans son tuteur. Le mineur émancipé même n'a ce droit que s'il est commerçant, et alors, seulement pour les fins de son commerce (art. 321). Et si le débiteur d'un mineur paie à ce mineur seul,

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malgré la faveur de la libération, c'est au débiteur à prouver que ce qu'il a payé a tourné au profit et à l'avantage du mineur, suivant l'article 1146: "Le paiment fait au créancier "n'est pas valable, s'il était incapable de le recevoir, à moins que le débiteur ne prouve que la chose payée a tourné au "profit de ce créancier." Voir là-dessus, Pothier, Obligations, n° 504, et les autorités citées au code Lahaye, sur l'article 1241 du Code Napoléon. Et par les articles 1009 et 1011 de notre code, si un mineur non autorisé vend an immeuble £500, et les reçoit, il pourra plus tard se faire remettre cet immeuble, et aura l'immeuble et les £500, à moins que celui qui les lui a payés prouve que cet argent a tourné au profit du mineur, même si, au contrat de vente, ce mineur était assisté de son tuteur, pourvu qu'il y eût absence de l'avis du conseil de famille, ou de l'autorisation en justice. Et avant l'article 1010 de notre Code, qui est de droit nouveau, même quand toutes les formalités voulues avaient été remplies, il y avait encore pour le mineur lieu à la restitution, mais alors il lui fallait prouver lésion, et c'est dans ce cas qu'il était restitué comme lésé et non comme mineur, et que s'appliquait la maxime: Minor restituitur non tunquam minor sed tanquam lasus. Vide Meslé, Minorité, ch. 24, p. 503. Dans le recueil des arrêt de Louet, lettre M, ch. 19, après avoir cité différentes décisions sur la question, le commentateur Brodeau remarque: "Quand un mineur vend son immeuble par contrat volontaire, sans avis des parents, sans solennité, sans décret, ni autorité de justice, ou emprunte de l'argent ou rente, ou par obligation, l'on présume que par la même facilité qu'il a été induit à vendre ou à constituer la rente, et à passer l'obligation, il l'a été pareillement à reconnaître avoir reçu le prix mentionné au contrat: c'est donc à l'acquéreur qui a acquis, ou au créancier qui a prêté frauduleusement, de mauvaise foi, et contre l'autorité des lois, à prouver que le prix est tourné au profit du mineur, à l'emploi duquel il a dû veiller pour sa sûreté." Ferrière, Dict. Droit, Verbo Mineur, page 280: "De ce principe, qu'un mineur ne peut être restitué que quand il a été lésé, il s'ensuit encore qu'il n'est pas restituable contre les obligations qu'il a faites pour son utilité et à son avantage; en sorte que, s'il s'est obligé pour chose qui ait été employée à la conservation de ses biens, quoiqu'il prouve sa minorité, il ne peut être restitué; mais il faut que la partie adverse prouve que in rem et utilitatem ejus versum est." Ferrière, Grand Coutumier, 3me vol., sur art. 239, n° 34, p. 516, dit: Tout mineur est restituable contre les promesses qu'il a faites et les obligations qu'il a contractées pour prêt d'argent, à moins que le créancier ne prouve que le mineur l'a employé in rem et utilitatem suam, et quatenus versum est, il n'est pas restituable; et quoique la

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