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ainsi, donnant la main au cardinal Pacca, son secrétaire d'état. On les conduisit à la porte du palais qu'on avait enfoncée. Là se trouvait une voiture dans laquelle on les fit monter.

Hors de la porte du Peuple, où vient aboutir la route de Florence, des chevaux de poste avaient été préparés. Ils furent attelés sur-le-champ, et la voiture partit sous une escorte de gendarmes, le général étant assis sur le siége.

Les postillons romains avaient reçu l'ordre de faire la plus grande diligence possible. Arrivés à la Storta, premier relai de cette route, ces bonnes dans une affliction profonde, et les yeux gens, mouillés de larmes, allèrent se jeter aux pieds du saint Père, et lui demandèrent sa bénédiction. Il la leur donna avec l'air de douceur et de bonté qui le caractérise, et en leur disant : « Courage, mes enfans, courage et prière. » Le général, remarquant l'émotion des spectateurs, qui étaient en grand nombre, se hâta de faire partir la voiture, que l'on tint très-exactement fermée pendant la route, malgré la chaleur à laquelle le pape est extrêmement sensible. Les postillons, à leur retour pleuraient encore en racontant ce qui s'était passé dans ce moment.

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La voiture où était sa sainteté fut conduite en toute hâte aux frontières de la Toscane. Le jour même de l'enlèvement, elle arriva à Radicofant, premier village des états de cette province. Il était

alors dix heures du soir. Le pape avait déjà parcouru un espace d'environ trente-six lieues de France. L'on ne s'était arrêté que le temps nécessaire pour changer de chevaux. Toutes les fois que l'on aperçut le souverain pontife, il reçut des marques de respect pour sa dignité, et d'intérêt pour sa personne. Ces sentimens, en général, éclatèrent sur toute sa route, jusqu'à ce qu'il fût arrivé à Savone: de là, lorsqu'on le transféra à Fontainebleau, après une longue et étroite captivité, on ne put rien remarquer, car on eut grand soin de cacher son passage au peuple. Ses geôliers imaginèrent, pour y parvenir, tout ce qu'ils purent, se montrant même en cela étrangers à toute bienséance.

. On fit sortir le saint Père, de Savone, de nuit, et à pied. Afin qu'il ne fût pas reconnu, on lui avait mis sur la tête un chapeau rond; et on l'avait revêtu d'une redingotte. Les souliers noirs qu'on lui avait fait faire, s'étant trouvés trop courts, on avait noirci ses pantoufles qui étaient blanches. De tels détails révoltent celui qui les trace, et c'est à peine s'il peut tenir la plume pour les achever.

Ce que souffrit le saint Père pendant ce voyage, ne peut s'exprimer, et n'est comparable qu'à la résignation et à la dignité qu'il montra. Dès le premier jour, la fatigue et la chaleur l'indisposèrent : il éprouva une colique violente, et l'on fut obligé de suspendre sa marche jusqu'au lendemain. Deux

jours après, sa voiture fut cassée sa sainteté en éprouva une forte commotion; l'on continua néanmoins d'avancer. Comme il passait, le lundi 17 juillet, entre Rivoli et Suze, il éprouva une défaillance. Lorsqu'il fut revenu à lui-même, il dit au colonel de gendarmerie qui commandait alors son escorte : « Avez-vous l'ordre de me conduire mort, ou vif? Si votre ordre est de me faire mourir, continuons la route: s'il est contraire, je veux m'arrêter. » Le colonel fit arrêter la voiture dans un petit village voisin. Le pape voulait descendre chez le curé du lieu: on le conduisit dans la maison du maire; encore ne put-il s'y reposer que peu d'instans; on le fit bientôt remonter en voiture.

Ce ne fut que le dimanche 23 janvier 1814, que le saint Père partit de Fontainebleau pour retourner à Rome. Encore est-il vrai de dire qu'en autorisant ce départ, Napoléon fit un sacrifice aux circonstances, plutôt qu'il ne céda à une inspiration généreuse. Tombé dans le malheur, on lui faisait alors des reproches de tous les côtés, et il est probable qu'il voulut en diminuer la somme en réformant l'une des actions les plus condamnables de sa vie. Il n'avait traité le pape à Fontainebleau, qu'ainsi qu'un prisonnier ordinaire à qui l'on cherche à faire acheter sa liberté par des concessions injustes. Sa sainteté eut les plus graves sujets de se plaindre de lui personnellement. Il tenait beaucoup à quelque chose que le saint Père lui refusa

dans une de ses visites. On rapporte que dans sa fureur, il eut l'irréligion d'insulter le souverain pontife, et qu'il l'aurait même frappé, si le général Duroe, son maréchal du palais, ne l'eût retenu. On ajoute qu'il ordonna à celui-ci de faire conduire le pape au château de Vincennes. Le lendemain, cependant, quand il fut revenu de son délire, il demanda au général si son ordre avait été exécuté : « Non, répondit Duroc ; j'ai voulu vous laisser le temps de la réflexion. en remercie, répliqua Napoléon. » C'était réparer à demi sa faute; mais de tels emportemens sontils pardonnables à un homme qui joue le rôle de souverain, surtout quand ils ont pour victime le chef suprême de la religion, qui, passant par-dessus mille considérations très-propres à le retenir, a conféré l'onction sainte à ce même homme.

Je vous

Telle fut, si l'on ne compte pas le traité relatif à l'Etrurie et au Portugal, la première entreprise extravagante dans laquelle Napoléon se trouva engagé par son système de guerre contre l'Angleterre. Une autre suivit bientôt, aussi immorale, aussi absurde, et bien plus terrible encore dans ses conséquences, car elle engloutit une partie des ressources militaires de son imprudent auteur, et le priva, pour le moment de l'extrême péril, d'une grande portion des moyens qu'il pouvait y opposer.

Il avait été stipulé par le traité qui, le 27 octobre 1807, avait dépossédé la maison royale de

1808. Portugal, que le roi d'Etrurie serait indemnisé par la province portugaise d'Entre - Duero-et- Minho, et par la ville d'Oporto, qui lui appartiendraient désormais sous le titre de Lusitanie septentrionale; que don Manuel Godoï, prince de la Paix, premier ministre d'Espagne, aurait en toute propriété et souveraineté la province de l'Alentejo et le royaume des Algarves, sous le titre de Principauté des Algarves; que les provinces de Beira, TraslosMontes, et de l'Estramadure Portugaise seraient tenues en dépôt jusqu'à la paix générale, et qu'alors on en disposerait suivant les circonstances, et conformément à ce qui serait convenu entre les deux hautes puissances contractantes; enfin, qu'à l'époque de la paix générale, ou, au plus tard, du jour de la signature du traité, au terme de trois années, l'empereur des Français s'obligeait à reconnaître le roi d'Espagne comme empereur des deux Amériques, et que ce monarque acquerrait, pour lui et ses successeurs, le droit d'investiture sur les nouvelles souverainetés du Portugal, si les dynasties régnantes s'éteignaient. Dans une convention secrète il avait été, de plus, stipulé le même jour, qu'un corps de troupes françaises, secondé par trois divisions espagnoles, serait chargé de l'exécution du traité.

Le Portugal avait été en effet bientôt envahi par l'armée combinée. En 1801 il avait échappé aux conséquences d'une invasion semblable par un

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