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se mit à traiter de la paix. La première conférence entre Napoléon et l'empereur de Russie eut lieu surle fleuve du Niémen: on s'y prodigua, de part et d'autre, les marques d'estime et les protestations d'amitié; dès la seconde, l'empereur de Russie traversa lefleuve avec Napoléon, et vint ainsi se confier à la loyauté de l'armée française; abandon digne du grand cœur de celui qui s'y livrait, et dont il était impossible que des guerriers français abusassent. On vit bientôt les deux souverains des deux plus grandes nåtions de l'ancien continent, n'avoir plus qu'une cour et une table. Le roi de Prusse ne tarda point à venir prendre part aux négociations. L'armée française exécuta des évolutions devant lui et devant son auguste allié; et, dans cette occasion encore, on jura de ne plus faire que s'estimer et s'aimer. Un officier de l'état-major français demanda au grand duc Constantin, s'il croyait la paix assurée : « Oui, rẻpondit le prince; les Français et les Russes doivent s'estimer et ne plus se battre. »

La paix fut, en effet, signée le 7 juillet avec l'empereur de Russie, et le 9 du même mois avec la Prusse. Par ces traités Napoléon fit reconnaître son premier frère, Joseph, comme roi de Naples; son second frère, Louis, comme roi de Hollande; et son troisième frère, Jérôme, comme roi de Westphalie; le royaume de ce dernier se composant de provinces cédées par le roi de Prusse, à la gauche de l'Elbe, et d'autres états possédés alors par l'empe

reur Napoléon. (Note 4.) La Russie et la Prusse s'engagèrent, de plus, à fermer leurs ports au commerce anglais; dernière condition qui était un abus imprudent de la victoire, lequel blessant deux souverains puissans et voisins, dans leur gloire et dans leur indépendance, ne pouvait manquer de leur faire, un peu plus tard, reprendre les armes contre la France.

Cette paix laissa néanmoins quelques instans de repos; la France en jouit avec enthousiasme. Jamais elle ne s'était vue aussi grande et aussi chargée dé lauriers. Elle savait aussi payer un noble tribut de sa reconnaissance à ses héros; le décret suivant, émané de son chef, après la bataille de Jéna, en est un témoignage glorieux :

« 1o. Il sera établi, sur l'emplacement de la Madelaine de notre bonne ville de Paris, un monument dédié à la grande armée, portant sur le frontispice: Napoléon aux soldats de la grande armée;

» 2o. Dans l'intérieur du monument seront inscrits sur des tables de marbre, les noms de tous les hommes, par corps d'armes et par régimens, qui ont été aux batailles d'Ulm, d'Austerlitz, et de Jéna; et sur des tables d'or massif les noms de tous ceux qui sont morts sur le champ de bataille. Sur des tables d'argent sera gravée la récapitulation, par département, des soldats que chaque département a fournis à la grande armée ;

3o. Autour de la salle seront sculptés des bas

reliefs où seront représentés les colonels de chacun des régimens de la grande armée, avec leurs noms. Ces bas-reliefs seront faits de manière que les colonels soient groupés autour de leurs généraux de division et de brigade par corps d'armée. Les statues en marbre des maréchaux qui ont commandé des corps, ou qui ont fait partie de la grande armée, seront placées dans l'intérieur de la salle ;

4°. Les armures, statues, monumens de toute espèce, enlevés par la grande armée dans ces deux campagnes; les drapeaux, étendards et timballes conquis par la grande armée avec les noms des régimens ennemis auxquels ils appartenaient, seront déposés dans l'intérieur du monument;

» 5o. Tous les ans, aux anniversaires des batailles d'Austerlitz et de Jéna, le monument sera illuminé, et il sera donné un concert, précédé d'un discours sur les vertus nécessaires aux soldats, et d'un éloge de ceux qui périrent sur le champ de bataille dans ces journées mémorables. Un mois auparavant, un concours sera ouvert pour recevoir la meilleure pièce de musique et de poésie analogue aux circonstances. Une médaille d'or de cent cinquante doubles napoléons sera donnée aux auteurs de chacune de ces pièces qui auront remporté le prix. Dans les discours et odes, il est expressément défendu de faire aucune mention de Napoléon;

» 6°. Les travaux commenceront avant le rer, mai 1807, et devront être achevés avant l'an 1809;

» 7°. Il sera acheté cent mille francs de rente en inscriptions sur le grand-livre, pour servir à la dotation du monument et à son entretien annuel.

» Une fois le monument construit, le grand conseil de la légion d'honneur sera chargé de sa garde, de sa conservation et de tout ce qui est relatif au concours annuel. »

On vit entrer solennellement dans Paris, l'épée, la ceinture et la décoration du grand Fréderic, ainsi que les drapeaux de sa garde pendant la guerre de sept ans. Napoléon avait voulu que ces nobles dépouilles, trouvées à Postdam, auprès du tombeau de ce grand roi, fussent jointes aux trophées nombreux déjà rassemblés à l'hôtel des Invalides : il eût, sans doute, mieux fait de les laisser dans l'asile religieux qu'on leur avait donné; la tombe des héros veut être respectée, et les fautes ou les malheurs de leurs enfans ne donnent pas le droit de porter atteinte à leur gloire.

Cependant ce fut peut-être à Postdam que Napoléon montra le plus de grandeur: c'est là du moins qu'il fit la plus belle action de sa vie politique, Le prince de Hatzfeld, prussien, avait été chargé par lui du gouvernement civil de Berlin. On découvrit bientôt qu'il instruisait secrètement le roi de Prusse, des mouvemens des Français. Il fut arrêté, et il allait être traduit devant une commission militaire. Madame la princesse de Hatzfeld, enceinte de huit

mois, vint se jeter aux pieds de Napoléon. Elle croyait seulement son mari victime de la haine que son père, le ministre Schulembourg, portait à la France. Napoléon l'eut bien vite détrompée, en lui faisant connaître le véritable délit qu'on imputait au prince. La princesse alors cria à la calomnie: Vous connaissez l'écriture de votre mari, lui répartit Napoléon, je vais vous faire juge; et il lui montra la correspondance qui avait été interceptée. Madame de Hatzfeld perdait connaissance à chaque ligne de cette correspondance: Eh bien, madame, lui dit Napoléon ému, vous tenez cette lettre, jetezla au feu; cette pièce anéantie, je ne pourrai faire condamner votre époux. Ces paroles sont vraiment d'un souverain, et jamais grâce n'a été plus noblement accordée par aucun. Napoléon y avait bien préludé chez le grand-veneur de Saxe, dans la maison duquel un orage l'avait forcé de se réfugier. On lui présenta une Egyptienne, veuve d'un officier français. Il lui fit une pension de 1200 francs, et, se chargeant en même temps de l'éducation de son enfant, dit ces belles paroles aux personnes de sa suite: C'est la première fois que je mets pied à terre pour un orage; j'avais le pressentiment qu'une bonne action m'attendait là.

Le 27 juillet il était de retour à Saint-Cloud. Le 15 août il assista à un Te Deum, qui fut chanté dans la cathédrale de Paris en actions de grâces de la paix; et le lendemain, il ouvrit solennellement la

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