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mille hommes de garde impériale russe sous les ordres du grand duc Constantin. Le 27 novembre l'armée alliée, que nous nommerons désormais ainsi, parce qu'elle était composée de Russes et d'Autri– chiens, fit un mouvement en avant, et força l'avant-garde française de se replier. Napoléon affecta la crainte à la suite de ce mouvement, battit en retraite pendant la nuit, et alla prendre position à trois lieues en arrière. Cette manoeuvre, faite à dessein de tirer les alliés de l'emplacement avantageux qu'ils occupaient d'abord, les gonfla d'orgueil, et leur inspira une funeste présomption: ils ne virent plus dans Napoléon qu'un adversaire, à demivaincu avant d'en venir aux mains, qui regrettait de s'être avancé imprudemment, et ne songeait dès lors qu'à se dérober. Toute leur inquiétude consistait dans la crainte de ne pouvoir peut-être pas l'empêcher de s'échapper avec quelques débris de son armée. Napoléon devinant leur pensée à leur contenance, et s'applaudissant du succès de son stratagème, en suivit le développement avec une joie secrète et une patience inaltérable. Il envoya le général Savary au camp allié, pour complimenter l'empereur de Russie et lui demander une entrevue; cette démarche ne pouvait qu'augmenter encore la confiance de l'ennemi. Quand Savary revint, il rapporta à Napoléon, que l'empereur Alexandre lui avait fait l'accueil le plus gracieux; mais que tout le monde autour de lui se croyait à

la veille d'une victoire certaine. Cet officier fut suivi de près par le jeune prince Dolgorouski envoyé pour entrer en pourparlers. Le prince russe, enhardi encore par les précautious extrêmes qu'on affecta de prendre en sa présence, aux avantpostes français où Napoléon vint le recevoir, ne lui proposa rien moins que l'abdication de la couronne d'Italie, et l'évacuation de la Belgique, conditions auxquelles on pourrait consentir à laisser l'armée française regagner paisiblement les frontières de la France. Napoléon, dans l'entretien, eut soin de ne rien dire qui ne sentît la détresse où on le croyait réduit. Confirmé dans la fausse opinion où il était par le retour de son envoyé, l'empereur de Russie ordonna la continuation des mouvemens faits depuis deux jours pour battre et envelopper en même temps l'armée française. Le 1er décembre, les alliés se présentèrent hardiment devant les grand'gardes françaises à portée de pistolet, et défilérent pendant quatre lieues sur une marche de flanc. Loin de paraître vouloir troubler cette manoeuvre, les Français feignirent d'en être épouvantés, et de ne voir qu'avec un profonde terreur le grand nombre d'hommes qu'elle déployait à leur yeux : le prince Murat, ayant fait une sortie dans la plaine, à la tête d'un détachement de cavalerie, rentra aussitôt avec précipitation dans le camp, comme si là, seulement, il eût pu se croire, pour quelques momens, en sûreté.

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Ce n'était cependant pas la crainte qui régnait dans le camp français, ni chez le chef, ni chez le soldat chacun y était plein d'espérance et d'ardeur. L'avant-veille du combat, on avait entendu Napoléon dire, en parcourant les villages de Tellnitz, Sokolnitz et Ménitz : Si je voulais empêcher l'ennemi de passer, c'est ici que je me placerais; mais je n'aurais qu'une bataille ordinaire. Si, au contraire, je renforce ma droite, en la retirant vers Brünn, et que les Russes abandonnent les hauteurs, fussent-ils trois cent mille hommes, ils sont pris en flagrant délit, et perdus sans ressource. Quand les alliés firent, le 1er décembre, le mouvement dont nous venons de parler, il s'écria avec joie : avant demain au soir, cette armée est à moi. La veille, en examinant la position qu'ils occupaient sur les hauteurs, il avait dit : Si les ennemis attendent que j'aille les débusquer de là, ils attendront long-temps.

Le 1er décembre était l'anniversaire du couronnement de Napoléon. Pendant la nuit de cette journée au 2, jour de la bataille, Napoléon parcourut les bivouacs, incognito. Les soldats l'ayant reconnu, allumèrent des fanaux de paille au bout de longues perches et coururent de toutes parts au-devant de lui. Il retourna à sa tente, au milieu de ce cortège à la fois touchant et terrible. Chacun lui adressait l'expression énergique de son amour et de son dévouement. Un vieux grenadier,

s'approchant plus près que tous les autres, lui dit : Général, tu n'auras pas besoin de t'exposer; je te promets au nom des grenadiers de l'armée, que tu n'auras à combattre que des yeux, et que, demain,

nous t'amènerons les canons et les drapeaux de l'armée russe, pour fêter l'anniversaire de ton couronnement. Voilà la plus belle soirée de ma vie, répliqua Napoléon en s'adressant aux officiers qui l'entouraient; mais je regrette de penser que je dois perdre bon nombre de ces braves gens. Je sens, au mal que cela me fait, qu'ils sont véritablement mes enfans; et, en vérité, je me reproche quelquefois ces sentimens, car je crains qu'ils ne finissent par me rendre inhabile à faire la guerre. Il mêlait les exhortations à ces marques d'amitié : Soldats, dit-il en passant devant le cinquante-septième régiment, souvenez-vous qu'il y a long-temps que je vous ai nommé le Terrible.

Dans la bataille, les alliés voulurent se servir de leur gauche pour tourner l'armée française; pendant qu'ils faisaient ce mouvement, Napoléon tomba sur leur centre et l'écrasa, ce qui mit leur aile gauche dans la situation la plus critique. En général, leur plan manqua d'ensemble, et leurs colonnes, se liant mal entre elles, ne purent se secourir convenablement. L'empereur de Russie, et son frère le grand duc Constantin, combattirent bravement de leur personne, mais sans pouvoir

fixer la victoire de leur côté. N'étant qu'au nombre de soixante mille hommes, dont quinze mille ne brûlèrent pas une amorce, les Français restèrent vainqueurs de quatre-vingt-deux mille Russes et Autrichiens, qui tous combattirent.

Le village d'Austerlitz donna son nom à cette action mémorable, que les soldats appelèrent aussi la bataille des trois empereurs.

Les alliés y perdirent plus de quarante mille hommes, dont dix-neuf mille Russes. Une colonne entière, se trouvant acculée à un lac glacé, s'y en gloutit en voulant le traverser, pour échapper au vainqueur.

Les Français prirent toute l'artillerie ennemie, un grand nombre de drapeaux parmi lesquels on compta ceux de la garde impériale russe, quinze généraux et cinq cents officiers de tous grades: ils eurent eux-mêmes sept cent soixante-seize hommes tués et six mille blessés, dont trois mille furent en état de reprendre leur service au bout de huit jours. De ce nombre était le général Saint-Hilaire, qui reçut une blessure dès le commencement de la bataille, et n'en continua pas moins de combattre. Les généraux de division Walther et Kellermann, les généraux de brigade Valhubers, Thiébaut, Sẻ bastiáni, Compans, et Rapp, aide-de-camp de Napoléon, furent aussi blessés. Le dernier, en chargcant à la tête des grenadiers de la garde, fit pri

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