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complété chez le duc de Wellington; le maréchal Gouvion-SaintCyr eut le portefeuille de la guerre; M. de Jaucourt, créature de M. de Talleyrand, la marine; M. Louis conserva les finances, où il avait fait preuve de talent en 1814, et alors si violemment ébranlées. On donna à M. Decazes la préfecture de police qui, de M. Réal, était tombée dans les mains de M. Courtin, protégé de la duchesse de Saint-Leu. M. Decazes avait montré un grand dévouement à la cause de la Restauration, et M. de Talleyrand opposa la ferveur de son zèle et sa jeune capacité à la rouerie de Fouché, dont il était important de contrôler les démarches. Le maréchal Macdonald reçut la grande chancellerie de la Légion-d'Honneur, avec la mission spéciale de s'occuper de l'armée de la Loire; M. Beugnot alla se caser aux postes et M. Molé aux ponts et chaussées. L'administration était ainsi constituée.

A Paris, tandis que se passaient ces événements décisifs, les Chambres s'occupaient, dans les journées du 5 et du 6, d'actes constitutionnels, de déclarations solennelles de principes; on discutait gravement les libertés de la nation, les garanties publiques, et l'ennemi occupait Paris; M. Manuel défendait la pairie héréditaire, lorsqu'un détachement de Prussiens faisait évacuer le palais du Luxembourg; Louis XVIII était à SaintDenis, qu'il y avait encore des gens à vue assez courte pour s'imaginer qu'on pourrait obtenir une autre dynastie; le 7, la commission de Gouvernement chargea Fouché de se rendre à Saint-Denis pour y traiter définitivement dans l'intérêt de l'indépendance nationale. Fouché s'était fait donner cette mission pour négocier plus librement avec le Roi. L'entrevue fut précédée d'une lettre dans laquelle le ministre exposait à Louis XVIII l'état du pays, la nécessité d'une grande clémence, et de renoncer aux vieux droits d'hérédité pour en adopter de populaires; il demandait au Roi qu'il adoptât la couleur tricolore, qu'il prononçât la dissolution de sa maison, et qu'il fit son entrée à Paris au milieu de la seule garde nationale. Ces propositions furent longuement discutées. Le conseil du Roi fut

partagé; M. de Talleyrand répugnait à ces idées, et alors peutêtre il avait raison, car l'adoption des couleurs nationales à la seconde Restauration eût été une concession tardive et inutile; Louis XVIII s'y refusa formellement; mais le mot qu'on lui a prêté qu'il aimerait mieux retourner en Angleterre, est de pure invention. Le Roi disait peu de ces mots absolus qui blessaient les partis puissants. A son retour à Paris, Fouché déclara à la commission de Gouvernement que les alliés étaient fermement déterminés à rétablir Louis XVIII, lequel ferait son entrée à Paris le lendemain, 8 juillet. Il ajouta que le Roi était dans les plus favorables intentions; que, quant aux restrictions de sa proclamation de Cateau-Cambresis et Cambrai, elles seraient interprétées dans le sens de la clémence la plus absolue. Il y eut ici une vive discussion entre les membres de la commission. Fouché n'avait pas dissimulé à ses collègues que, 'comme garantie pour les patriotes, il avait accepté le ministère de la police de Louis XVIII. Alors commencèrent à s'échanger des explications vives; la commission de Gouvernement voulait se retirer derrière la Loire avec l'armée, avec la Chambre des Représentants; Fouché déclara que, quant à lui, il resterait à Paris et qu'il ne donnait pas dans de telles folies; mais, pour la sûreté de sa personne et mettre un terme à ces débats, il écrivit un billet secret au duc de Wellington, pour qu'il eût à faire occuper militairement les Tuileries, le Luxembourg et la Chambre des Députés, ce qui fut fait dans la journée du 7. Alors la commission de Gouvernement, déclarant que ses délibérations n'étaient plus libres, se sépara et en adressa le message à la Chambre des Représentants. De toutes parts on cria à la trahison; les projets sinistres continuèrent contre Fouché, mais tous avortèrent avant l'exécution. Paris offrait le soir un spectacle triste et singulier; la garde nationale portait la cocarde tricolore, des drapeaux blancs pendaient aux fenêtres ; les Prussiens campaient dans les places publiques, et leurs canons étaient braqués sur les ponts; le bas peuple était indigné; la garde nationale, circulant dans les rues, avait de la peine à

réprimer cette effervescence. Sur tous les murs de Paris, à côté des proclamations royales, étaient affichés la déclaration des représentants, la constitution, les arrêtés du maréchal Masséna. On ne savait pas sous quel gouvernement on existait, et pourtant Louis XVIII devait faire son entrée le lendemain. M. Decazes avait pris possession le 7 au soir de la préfecture de police; les rapports étaient alarmants; si le Roi entrait par le faubourg populeux de la rue Saint-Denis, n'était-il pas à craindre quelque accident, quelque attentat? Il proposa à Sa Majesté de tourner par Saint-Ouen, Clichy, et de faire son entrée par les Champs-Élysées ou le quartier d'Antin; le Roi refusa: « Il n'y a plus de ligueurs, dit-il, quand on voit la face de son Roi. » La rentrée de Louis XVIII excita de la joie, mais elle était mêlée de tristesse. Quel allait être l'avenir de la France? Huit cent mille étrangers étaient sur son territoire! les opinions les plus ardentes étaient en présence! une armée mécontente se retirait au delà de la Loire; elle menaçait de piller les caisses publiques, commettait des excès; il fallait lutter contre les exigences des ardents Royalistes avec leurs bandes armées, les associations organisées dans le Midi et la Vendée. Que ceux qui accusent les hommes politiques de ce temps s'y reportent par la pensée! qu'ils disent ce que serait devenu le pays avec ces esprits inflexibles qui voulaient jouer le tout pour le tout, et exposer la France à périr pour le triomphe de quelques vagues principes!

Les deux Restaurations furent marquées d'un caractère différent l'une se fit à côté de l'étranger, sans qu'il s'en mêlât trèsdirectement; la seconde fut accomplie sous l'influence du duc de Wellington; mais, pour être vrai, il faut se hâter de dire que l'action des étrangers fut alors loin d'être antilibérale. Alexandre contribua puissamment à faire concéder la Charte, et le duc de Wellington détermina les premières mesures constitutionnelles de Louis XVIII à Saint-Denis. Quelques jours après, la société royaliste agit sur les souverains, et leurs opinions devinrent ardentes contre la Révolution. Il est certain que sans le

dénouement précipité qu'amena la bataille de Waterloo, il eût été possible de faire réussir une combinaison autre que celle de la branche aînée; on l'avait traitée à Vienne, et la légation française, particulièrement MM. de Talleyrand et de Dalberg n'avaient pas inflexiblement défendu les droits de Louis XVIII auprès des empereurs de Russie et d'Autriche. Le triomphe des Anglais à Waterloo et l'immense influence qu'il créa à l'Angleterre et au duc de Wellington, les démarches de M. Pozzo di Borgo, en décidèrent autrement. Après le désastre de l'armée et la chute de Napoléon, il n'y avait plus que des rêveurs qui pussent sérieusement penser obtenir autre chose que Louis XVIII. On oublie trop aujourd'hui que, si l'on eût écouté certains esprits, la France aurait perdu l'Alsace, la Lorraine et sa double ligne de frontières, et tout cela pour des théories abstraites! A tout prendre, mieux vaut encore les hommes politiques qui sauvent un pays par quelques sacrifices momentanés de principes, que ceux qui le perdent pour quelques vanités aristocratiques de moins et quelques garanties populaires de plus.

CHAPITRE VII.

PREMIER MINISTÈRE DE LA SECONDE RESTAURATION.

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La France, les Partis, le Gouvernement après les Cent-Jours. Administration du ministère Talleyrand. Sa séparation d'avec les Royalistes — Divisions avec le duc d'Angoulême. - Liste de proscription. Fouché.

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La Chambre des Pairs.-Ministère de la guerre. - Dissolution de l'armée de la Loire. Le crédit. - M. Louis. Convocation des Députés. Épuration. - Rapports de Fouché. Négociations de M. de Talleyrand avec les Alliés. Impuissance d'aboutir à un traité. Situation des Alliés à Paris. - Exigences. - Motifs qui amènent la dissolution du miLouis XVIII et le premier ministre.

nistère de M. de Talleyrand,

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Juillet à Septembre 1815.

IL est difficile, lorsqu'une idée' nouvelle arrive au pouvoir, lorsqu'un parti s'empare des affaires, d'éviter les réactions; la joie du triomphe, le souvenir des souffrances, l'ambition longtemps comprimée, toutes ces causes agissent fortement pour accabler les hommes qui succombent; ne cherchez point alors la générosité, l'oubli des injures: il faut qu'un Gouvernement nouveau soit bien sage et bien fort pour arrêter cette fougue insatiable qui pousse les esprits ardents aux réactions. Le Gouvernement éphémère des Cent-Jours était tombé. Cette improvisation bizarre, mélange bâtard de la République sans énergie et de l'Empire sans ses victoires et ses grandeurs, avait croulé sans laisser de traces. Tel est le sort des gouvernements qui n'ont pas de racines dans l'opinion et dans les intérêts. Ils passent, et personne ne s'inquiète de ce qu'ils sont devenus. Toutefois, les partis politiques étaient restés debout. Jamais les passions haineuses, les exigences des factions, n'avaient été plus grandes, et le spectacle des malheurs de la patrie, qui devait

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