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tour dans notre royaume, et résolu enfin de faire pour la tranquillité publique tout ce qui ne portera pas atteinte aux droits de notre Maison ainsi qu'à la dignité de notre couronne, avons déclaré et déclarons ce qui suit: La monarchie, dont nous sommes le chef souverain, aura une constitution, gage mutuel et sacré de la confiance des Français en leur Roi et de notre amour pour eux. Nous maintiendrons le gouvernement représentatif tel qu'il existe aujourd'hui, divisé en deux corps, savoir : le Sénat et la Chambre composée des députés des départements. L'impôt sera librement consenti; la liberté publique et individuelle assurée; la liberté de la presse respectée, sauf les précautions nécessaires à la tranquillité publique. La religion catholique, apostolique et romaine, professée par la majorité des Français, sera la religion de l'État, sans toutefois qu'il soit mis la plus légère entrave à la liberté des cultes. Les propriétés seront inviolables et sacrées; la vente des biens nationaux restera irrévocable; les ministres responsables pourront être accusés et poursuivis par une des Chambres qui composent le gouvernement, et jugés par l'autre. Les juges seront inamovibles, le pouvoir judiciaire indépendant, la justice étant le plus précieux des biens que nous nous empresserons de rendre à nos fidèles sujets. La dette publique sera garantie, les pensions, grades, honneurs militaires conservés, ainsi que l'ancienne et la nouvelle noblesse. La Légion-d'Honneur, dont nous déterminerons la décoration, sera maintenue. Tout Français sera admissible aux emplois civils et militaires. Enfin nul individu ne pourra être inquiété pour ses opinions et ses votes. Tels sont les principes sur lesquels sera établie la Charte que nous jurerons et ferons jurer d'observer dès qu'elle aura été consentie par les Corps représentatifs, et acceptée par le peuple français. »

Cette déclaration, rédigée par les sénateurs, fut repoussée par le conseil comme attentatoire aux droits de la Couronne. Le Roi lui-même, et M. de Montesquiou, après lui, en avaient bâtonné tout ce que nous avons indiqué en italiques. Quelques-uns disent que M. de Talleyrand ne présenta ce contre-projet que

pour tromper le Sénat, et que sous main il conseilla la déclaration pure et simple de Saint-Ouen. D'autres projets ne contenaient que la promesse d'une réformation, ce qui convenait très-bien aux prétentions ultérieures des Royalistes purs. Ils furent également rejetés comme dangereux et pouvant compromettre la popularité royale. Enfin une rédaction définitive fut adoptée; ce fut celle si connue de la déclaration de Saint-Ouen qui servit de base à la Charte constitutionnelle. La déclaration de Saint-Ouen était habilement rédigée. En promettant des libertés aussi larges, des garanties aussi désirables que celles qu'avait établies la Constitution sénatoriale, elle ne préjugeait aucune des grandes questions politiques; elle posait un fait reconnu par tous, que la Constitution du Sénat était imparfaite, et qu'elle se ressentait de la précipitation avec laquelle on l'avait conçue. Elle ne disait point que la Charte promise émanât de la puissance royale seule; tout au contraire, le Roi s'engageait à mettre sous les yeux du Sénat et du Corps législatif le travail qu'il aurait fait concurremment avec une commission choisie dans le sein de ces deux corps. C'était un ingénieux moyen d'éluder toutes les difficultés.

Aussi la déclaration de Saint-Ouen fut-elle accueillie avec un véritable enthousiasme qui prépara l'entrée de Louis XVIII à Paris. Cette cérémonie brillante autant que populaire n'excita point cet entraînement pur et sans nuage qu'on avait remarqué à l'entrée de MONSIEUR; le spectacle de la vieille garde, suivant morne, silencieuse, la voiture de Louis XVIII, jetant ses tristes et nobles regards sur les monuments de sa gloire; tout cela faisait vibrer je ne sais quel douloureux sentiment. Le peuple, cubliant bientôt le royal cortège pour consoler ces mâles courages, étouffait les cris de vive le Roi! par ceux de vive la vieille garde! et encore ces consolations populaires ne pouvaient distraire ces glorieux vétérans des grands et sombres regrets pour leurs aigles humiliées. La multitude moqueuse des Parisiens remarqua aussi cette étrangeté de costumes et de physionomies qui formaient le cortége intime de la royauté. La figure de bonté de Louis XVIII

ne pouvait faire pardonner sa corpulence anglaise et la difficulté de ses mouvements; on riaiț de la robe et du chapeau disgracieux de Mme d'Angoulême, de la tournure carrée de M. le duc de Berri, et même des ailes de pigeon du petit-fils du grand Condé. Ces émigrés en vieux costumes faisaient dans l'imagination du peuple un étrange contraste avec les souvenirs de ces jeunes et brillants états-majors qui accompagnaient naguère le grand capitaine aux commémorations d'Austerlitz ou de Wagram.

Ainsi, après 25 ans d'exil, Louis XVIII rentrait aux Tuileries; tout était changé dans la patrie: mœurs, institutions, esprit religieux. Une génération nouvelle était née et croissait à l'ombre des opinions et des idées de la révolution française; le gouvernement de la Restauration allait se trouver placé dans des circonstances difficiles; il fallait faire oublier son origine due, sinon à l'étranger, du moins aux circonstances d'une invasion et aux malheurs de la France; il fallait ne point manquer. de reconnaissance pour les services d'une émigration fidèle, et ne point froisser des intérêts nouveaux aussi légitimes; une cour vieillie et une France jeune, l'émigration et la révolution allaient être en présence; jamais gouvernement ne s'était trouvé dans une circonstance plus délicate, les hommes d'État et les souverains étrangers eux-mêmes ne le dissimulaient pas.

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A travers toutes les protestations d'amitié et d'alliance que donnaient les monarques alliés à Louis XVIII, il y avait bien des mécontentements. Lorsque Fouché arriva à Paris, dans les premiers jours de la Restauration, il fut conduit par M. de Talleyrand chez l'empereur Alexandre, qui lui dit dans un entretien particulier « Pourquoi arrivez-vous si tard? vous nous auriez été utile. Que pensez-vous de tout ce que nous avons fait ici? » Fouché lui répondit : « Je crois que Votre Majesté s'est fait éclairer avant de prendre ses déterminations; c'est une œuvre fort difficile qu'elle a entreprise : dans quelques mois ce problème sera résolu. Mais, répliqua l'Empereur, ce n'est pas moi qui ai fait tous ces arrangements; s'ils ne réussissent

pas, il faut s'en prendre à M. de Talleyrand, au Sénat et à la ville de Paris: j'ai voulu laisser les Français libres d'exprimer leurs vœux. Quant à ma façon de penser personnelle, je n'ai pas de prédilection particulière pour les Bourbons. » Le Czar avait-il hérité des sentiments de Catherine pour le comte d'Artois? Était-il blessé des expressions de reconnaissance exclusive de Louis XVIII pour l'Angleterre et le prince régent? prévoyait-il déjà, comme cela se réalisa au congrès de Vienne, que la France et M. de Talleyrand échapperaient à son influence? voulait-il, par la connaissance personnelle qu'il avait des opinions de Fouché, se conserver les sentiments d'un personnage dont il connaissait la sagacité et la haute influence? Alexandre, comme chacun sait, n'était pas toujours sincère; peut-être jouait-il une double politique avec un homme qui, cependant, pénétrait tout et se livrait bien rarement.

Cette intimité de l'empereur de Russie avec les personnages influents du libéralisme, l'action exercée par lui sur l'esprit de Louis XVIII, pour la publication de la Charte, lui furent plus tard reprochées. Lorsqu'on apprit à Vienne le débarquement de Napoléon, l'empereur d'Autriche, s'adressant à Alexandre, lui dit : «Eh bien! Sire, voyez ce qu'il est arrivé d'avoir protégé vos Jacobins de Paris! » - « C'est vrai, répondit Alexandre; mais pour réparer mes torts, je mets ma personne et mes armées au service de Votre Majesté ' »

'Cette réponse a été faite publiquement, un soir, chez l'impératrice d'Autriche, où l'on jouait une scène ou tableau vivant, représentant l'entrevue de Maximilien Ier et de Marie de Bourgogne.

CHAPITRE IV.

LE GOUVERNEMENT DE LA RESTAURATION EN 1814.

La maison du Roi. Le Ministère. Le Gouvernement. Conférences

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pour la Charte. Constitution des Chambres. La première Chambre

-

Les adresses. - La

presse.

des Pairs. La Chambre des Députés. Négociations diplomatiques pour le traité de Paris. La Famille royale.

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Les travaux législatifs.

Mai-Octobre 1814.

LORSQU'UN pouvoir absolu s'écroule, les premiers jours d'un gouvernement libre sont toujours faciles, parce qu'il se fait autour de lui tant de bruit, qu'il peut agir sans qu'on y prenne garde; mais la première effervescence passée, cette liberté devient inquiète; ce qu'elle a salué comme un heureux événement, elle le critique comme un obstacle. A tout prendre, mieux vaut pour un pays un gouvernement énergique qu'un principe de liberté qui dissout incessamment les forces et les hommes de la société. Louis XVIII était enfin aux Tuileries, à la tête de ce gouvernement de France, objet de sa constante ambition; il méditait son règne depuis 20 ans, à travers les fortunes diverses de sa vie agitée. Louis XVIII avait l'âme française ; il était fier de sa nation comme de sa race. Il avait vu l'enthousiasme populaire; car, il faut se hâter de le dire, les Bourbons ne furent pas reçus avec répugnance; ils furent considérés par le plus grand nombre comme un gage de paix et de liberté! Napoléon avait fatigué la France de gloire et de conquêtes: on avait besoin de repos; il y avait bien quelques méfiances contre l'entourage de la royauté, mais on s'abandonnait avec joie aux promesses de la Restauration. La première nuit de Louis XVIII aux Tuilerics fut une nuit d'émotion et de bonheur. Le Roi aimait à raconter

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