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dois à l'écriture et au seing de Votre Majesté. L'ordre qu'elle contient de me rendre auprès de Votre Majesté n'est pas l'expres sion libre de sa volonté, et mon honneur, mon devoir, ma tendresse même me défendent également d'y obéir. »

Ces distinctions, posées par M. le comte de Provence, n'étaient point admises par les cabinets sérieusement préoccupés de la révolution française. Louis-Stanislas-Xavier avait beau invoquer les lettres-patentes d'institution de régence que lui avait délivrées son frère le 6 octobre, lors du départ de Versailles pour Paris, ces lettres avaient été de fait annulées par le retour de Louis XVI et l'acceptation de la Constitution de 1791. Telle était l'opinion du baron de Breteuil et des ministres des cabinets étrangers. Après le 10 août, de nouvelles démarches furent faites aussi inutilement. La captivité du roi Louis XVI était réelle au Temple, mais les sollicitations de MONSIEUR ne trouvèrent appui que lorsque la catastrophe du 21 janvier 1793 eut appelé Louis XVII, mineur, à la couronne de France. Ce fut alors que le comte d'Antraigues publia son fameux Mémoire sur la régence, qui lui valut toute la confiance de MONSIEUR. Emmanuel-Louis-AlexandreDelaunay, comte d'Antraigues, avait été député de la noblesse aux États généraux. Il s'y était distingué par une série d'écrits pleins d'érudition et de sagacité sur l'origine de ces états. Mais, après la prise de la Bastille et le mouvement rapide de la révolution, le comte s'était assis à droite, et avait voté avec les membres les plus ardents de ce côté de l'assemblée. Il quitta la France en février 1790 et se retira en Suisse, où il écrivit plusieurs brochures en faveur de l'émigration. L'une d'entre elles, sous le titre Tout ou rien, lui avait gagné l'attention des Princes. C'était une âme ardente, mais tempérée par une raison froide et de véritables lumières. Le comte d'Antraigues avait un besoin de mouvement qui le rendait propre à conduire les affaires de l'émigration. Le Mémoire de M. d'Antraigues sur la régence fut publié à Neufchâtel; il y était dit : « que le pouvoir légitime, que la liberté de Louis XVI avait cessé du jour où l'Assemblée nationale prononça l'exécrable serment de ne plus re

connaître au Roi le pouvoir de la dissoudre. En fait de régence, il demeure prouvé qu'il faut s'en rapporter à la loi fondamentale, et que cette loi veut qu'en cas de minorité ou d'empêchement du Roi, la régence soit déférée au plus proche parent. Et, en conséquence, MONSIEUR, frère du Roi, a obéi aux lois fondamentales en prenant le titre de régent, en imitant Charles V ét Charles VII, et en se proclamant seul et sans aucune autre intervention le légitime administrateur de l'empire pendant la minorité de Louis XVII. Au lieu de blâmer MONSIEUR de s'être emparé de la régence après l'assassinat de Louis XVI, c'est d'avoir différé jusqu'à ce moment d'obéir aux lois de l'État qu'il aura à se justifier aux yeux de la postérité. La loi était précise. La prison du Roi était manifeste depuis le 6 octobre 1789. Dès cet instant, l'exercice de la royauté était dévolu au plus prochain héritier de la couronne. La prison de Louis XVI, martyr, était mille fois plus rigoureuse que celle de Jean, prisonnier d'Édouard, quand Charles V se déclara régent. Maintenant que sous le glaive du régicide reposent les têtes les plus sacrées, que le jeune Roi n'aperçoit autour de lui que les assassins de son père, c'est précisément dans ce moment difficile que le légitime régent de France doit en réclamer le titre ; c'est lorsque tout est perdu qu'il doit espérer encore; c'est lorsque les lois sont anéanties qu'il doit attester par son exemple leur indestructible empire. Ainsi se conduisit Charles VII, ainsi s'est conduit MONSIEUR; et on ose improuver en lui un acte de courage dont ses augustes ancêtres lui avaient donné l'exemple! Il aurait dû, dit-on, attendre la reconnaissance des Puissances; non, il devait la prévenir. Les Puissances peuvent ignorer nos lois; c'est à l'héritier du trône à les leur rappeler, c'est à lui à leur dire : Le Roi ne meurt jamais en France; il vit en Louis XVII, et il agit par moi, légitime régent de son empire. » Ce Mémoire était destiné tout à la fois à convaincre les émigrés dévoués au comte d'Artois, qui ne voulaient pas de la régence parce qu'elle allait centraliser les intrigues et les affaires dans les mains de MONSIEUR, et les cabinets étrangers, qui, dans leur dessein de conquête et de partage de la

France, s'opposaient à l'adoption d'un titre royal en faveur d'un membre de la Maison de Bourbon. Les émigrés s'entendirent à la fin. L'autorité fut ainsi divisée : le comte d'Artois reçut la dignité de lieutenant-général du royaume, et MONSIEUR celle de régent. Les Royalistes reconnurent ces deux titres. Ils furent mis à l'ordre dans l'armée du prince de Condé.

Quant aux cabinets étrangers, le comte de Moustiers se chargea de la négociation. Il lui fut ordonné par MONSIEUR de démontrer aux cours l'urgence d'organiser un centre commun pour diriger le parti royaliste en France. Une première conférence où assistaient le duc de Brunswick, le prince de Hohenlohë-Kirchebert, le prince de Nassau et le marquis de Lambert, ne produisit aucun résultat. Les négociations se poursuivirent avec persévérance. L'impératrice Catherine reconnut la régence, et accrédita le comte de Romansow. Les autres cabinets ne furent jamais francs dans la reconnaissance de cette qualité. Il y eut hésitation et tâtonnement, MONSIEUR, devenu régent, après avoir séjourné quelques mois en Allemagne, vint habiter Vérone. Il y forma, de sa cour, un conseil de régence composé de M. le duc de la Vauguyon, du baron de Flachslanden et du marquis de Jaucourt. M. de la Vauguyon, de la famille des Quelen, homme d'esprit et de manières, était fils unique du duc de la Vauguyon, gouverneur des Enfants de France. Il avait porté le titre de duc de Saint-Mégrin, et fait la guerre de Sept-Ans; l'un des menins du Dauphin, depuis Louis XVI, il fut successivement ambassadeur à La Haye, ministre des affaires étrangères, puis ambassadeur à Madrid; il avait acquis une certaine réputation d'habileté diplomatique, mais au fond peu capable d'affaires, se piquant d'insouciance et d'originalité. On lui demandait un jour son sentiment sur la révolution française, il répondit : « Je ne suis pas ennemi de la liberté et de l'égalité. Je suis cosmopolite. >> Son fils, le prince de Carency, prodigue, spirituel, instruit, remplissait alors la Suisse et l'Italie de sa célébrité aventureuse. Le baron de Flachslanden et le marquis de Jaucourt n'exerçaient qu'une influence secondaire. Tout se faisait directement par le duc de la

Vauguyon, ou confidentiellement par le comte d'Avaray, l'ami intime du régent, mais qu'il n'aimait point à mêler dans les affaires. Le prince de Broglie avait eu un moment le ministère de la guerre, mais il avait des rapports plus directs avec la partie active de l'émigration et l'armée de Condé. L'homme important, l'homme agissant était le comte d'Antraigues. Le régent lui avait confié la correspondance à l'intérieur. Il avait organisé les agences, fondé les associations en France. L'on peut dire qu'il y mettait un zèle et un dévouement remarquables. M. de Montgaillard n'avait point encore offert ses services. MM. de la Vauguyon et d'Antraigues faisaient tout, et ils avaient la confiance entière du régent. Au reste, une foule d'intrigants, de courtisans se pressaient autour de ce pouvoir déchu. C'était un trafic d'argent, une véritable exploitation des subsides de l'Espagne, de l'Angleterre et des autres Puissances.

La cour de M. le comte d'Artois était entièrement séparée de celle du régent. Il y avait même de la jalousie, de la haine entre ces deux fractions émigrées. M. le comte d'Artois suivait les avis de M. de Calonne, son favori. Rien ne se faisait que par la coterie de ce ministre. Le comte François d'Escars, le marquis de Rivière, le comte Melchior de Polignac étaient dans les amitiés et dans les faveurs du prince. Il trouvait dans ces nobles favoris des agents pour répondre à l'activité incessante de son esprit. M. le comte d'Artois, immédiatement après avoir reçu le titre de lieutenant-général du royaume, se dirigea sur Saint-Pétersbourg, d'après l'invitation de l'impératrice Catherine. Il y fut reçu avec honneur; mais son séjour dans la capitale de la Russie laissa une fâcheuse impression sur son caractère. Il s'agissait de lui confier 30 000 Russes, que les subsides de l'Angleterre devaient conduire sur les côtes de Bretagne, pour seconder les Vendéens. Mais le comte d'Artois montra si peu d'empressement, que le prince Esterhazy au nom de l'Autriche et le comte Platon de Zowbow, favori de l'impératrice, abandonnèrent ce projet. Toutefois, pour exciter le caractère chevaleresque du prince, caractère dont on parlait alors, Catherine lui donna une épée

dont la poignée était garnie en diamants et lui dit : « Que cette épée vous ouvre le royaume de France, comme à Henri IV, votre aïeul. >> Le comte répondit : « Je vous jure que je me rendrai digne de la haute opinion de Votre Majesté Impériale. » Que fit ensuite M. le comte d'Artois? Arrivé à Londres, il vendit l'épée donnée par l'impératrice 4 000 liv. sterling, qu'il employa en des secours généreux envers l'émigration. L'épée n'avait point été remise pour faire des actes de bienfaisance, mais pour conquérir un royaume!

Le régime de la Constitution de 1793 avait si violemment tendu les ressorts, si effroyablement mis en jeu la machine du gouvernement, qu'après la chute de Robespierre une réaction vive et caractérisée se manifesta contre la République. La révolution faite au sein de la Convention nationale et des Comités n'avait rien de royaliste; les hommes qui l'avaient tentée avaient donné des gages sanglants à la Terreur : tous étaient régicides; mais ceux qui font un mouvement n'en prévoient jamais la portée, il entraîne toujours au delà du but qu'on se propose: le 9 thermidor ouvrit la | porte aux plus effrayantes réactions; la Convention, les autorités constituées, tout fut poussé par les flots de l'opinion publique. Après le 9 thermidor, le royalisme fut une mode. Les jeunes gens de Paris et des provinces n'osaient point ouvertement porter la cocarde blanche; mais des signes les distinguaient; les cadenettes, les habits à collets longs et rabattus, le nom de Muscadins les séparaient des Républicains, désignés par l'épithète de Terroristes. Aux théâtres, au Palais-Royal, on poursuivait les patriotes des cris de proscription et de l'air du Réveil du Peuple. Il y avait chaque jour des combats sanglants entre les Jacobins et les jeunes gens de bonne compagnie. Dans les réunions, dans les bals, les dames n'accueillaient que ceux qui avaient cassé au moins un bambou sur les épaules d'un patriote ou d'un Conventionnel. Partout, dans le Midi, s'étaient organisées des bandes ardentes comme le climat de Provence; sous le nom de Compagnie de Jésus ou du Soleil, elles massacraient les Républicains. Avignon avait vu venger ses glacières, Marseille était témoin

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