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duire, mais où j'étais parvenu à me faire aimer, où sans violence et seulement par une conduite ferme et mesurée, j'avais concilié les suffrages les plus opposés et constamment fait respecter mon autorité, je pense, en frémissant, que sans doute je n'y rentrerai qu'après que l'ennemi l'aura occupée, qu'après que les ordres de mon souverain y auront été méconnus. Je vois avec peine que je pourrai faire peu de bien dans un coin de mon arrondissement, où pourtant la confiance du peuple m'entoure encore, mais d'où je crains d'être bientôt repoussé par l'ennemi. Du moins, j'aurai la conscience d'avoir, jusqu'au dernier moment, acquitté ma dette; du moins, je recueille les fruits d'une administration qui n'a pas été sans quelque sagesse, ou sans quelque bonheur, puisqu'au sein de l'adversité, les mêmes égards, les mêmes témoignages de bienveillance m'accompagnent que dans ces temps moins malheureux où je pouvais rendre des services et faire quelque bien.

S'il faut quitter Semur, j'irai, suivant les circonstances, à Châtillon ou à Saulieu. Mais si une invasion trop étendue me force d'abandonner mon département, je vous le déclare, Monseigneur, je n'irai pas d'auberge en auberge, traîner ma douleur et la honte d'avoir été contraint de reculer devant l'ennemi. Ma présence à Paris serait inconvenante. Je me réfugierai dans une de mes terres près de la capitale, et j'attendrai que les circonstances me permettent de retourner à Dijon pour y servir Sa Majesté avec le même zèle, à moins qu'elle ne me juge plus utile ailleurs,

Je n'aurais pu sans extravagance songer à aller m'enfermer dans Auxonne, qui est presque à la limite de mon département, lorsque les deux tiers au moins de son étendue sont encore à l'abri d'une invasion subite, et si cette portion de territoire est envahie, je ne pourrais la traverser qu'au milieu des partis ennemis pour me jeter dans une place qui, alors, on a trop de raisons de le croire, serait au pouvoir de l'ennemi.

J'ai l'honneur d'être etc.

Le préfet de la Côte-d'Or,
COSSÉ BRISSAC.

P. S. Dix heures du soir.

--

J'ai différé de fermer ma lettre pour avoir les nouvelles de la journée. Les plus fraîches sont de Dijon, à huit heures du matin, aujourd'hui, 19.

On croyait que l'ennemi entrerait dans la journée. Le poste de Varois, deux lieues en avant de Dijon, sur la route de Langres, s'était replié par ordre supérieur. Les autorités militaires ont dû évacuer. Le général Veaux, dit-on, devait occuper le Val-de-Suzon et le général Belair, de la 18° division, les hauteurs de Sombernon, sur la route de Semur. La ville était tranquille et le conseil municipal en permanence pour veiller à tout. Le bruit se répandait que Nancy avait été pris et Langres évacué. Ce dernier bruit a moins de consistance. On répète que le convoi de poudre dirigé sur Langres

est tombé au pouvoir de l'ennemi. Quelques-uns disent qu'il a été repris. Dieu veuille qu'aucune des mauvaises nouvelles ne se confirme! Mais je n'ai pas dû les passer sous silence, parce que la majeure partie vient de très-bonne part.

C. B

N° 46

Deux lettres du préfet de la Côte-d'Or au ministre de l'intérieur sur les événements qui suivirent sa retraite de Dijon. (Extrait des archives de la secrétairerie de l'État.)

Semur, le 20 janvier 1814, cinq heures du soir.

Monseigneur.

Les mauvaises nouvelles ne sont que trop confirmées. Il est certain que l'ennemi est entré hier à Dijon, au nombre de 600 hommes. Plusieurs personnes auxquelles je croirais volontiers, disent 3,000, beaucoup d'autres, que je ne crois pas, 6,000, Il s'était présenté neuf

dragons en parlementaires; les Dijonnais ont déclaré qu'ils n'ouvriraient leurs portes qu'à une colonne. Quelques heures après, cette colonne s'est présentée et est entrée. On dit que dès hier au soir, cinq éclaireurs ont été jusqu'à Pont-de-Pany. L'alarme est universelle; on les suppose à Sombernon, quelques-uns à Vitteaux. Quant à moi, je suis porté à croire que demain il se présentera des éclaireurs à Semur; cependant ce serait une chose si bizarre, que, sans les ordres qui m'ont été donnés, j'aurais encore attendu. Mais il y aurait de l'imprudence à rester, et je partirai dans la soirée. Je compte aller directement à Auxerre, parce qu'aucun obstacle ne peut arrêter l'ennemi une fois qu'il sera ici, et qu'Epoisses, la dernière commune de mon département, n'offre aucune ressource pour continuer mes fonctions de préfet.

A Son Excellence seule.

Quel désespoir, Monseigneur, d'être ainsi réduit à reculer devant l'ennemi! quel triomphe pour lui! Espérons qu'il ne sera pas de longue durée.

On serait tenté de croire que Langres a cédé, puisqu'on va jusqu'à dire que Châtillon est sur le point d'être occupé. Le sous-préfet m'a fait part de ces bruits. Ses émissaires lui ont rapporté que 400 cavaliers ont dû coucher hier à Boudreville, sept lieues de Châtillon;

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