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On sait dans quel sens moral ce mot s'emploie aujourd'hui, et c'est à notre ancien état politique qu'il doit cette énergie qui l'a fait adopter par plusieurs nations étrangères. Les Allemands, par exemple, s'en servent pour exprimer la condition d'hommes libres dans toute sa plénitude. Ils disent frank und frey, franc et libre. Cette signification, plus moderne pour eux chez qui la différence des conditions ne répondait pas primitivement à une différence de race, a induit en erreur plusieurs critiques sur la vraie signification du nom des Franks dans l'ancienne langue teutonique. Ils ont pensé qu'il équivalait à celui d'hommes libres, et ils se sont trompés'. Ce nom d'une confédération guerrière, formée pour l'attaque plutôt que pour la résistance à l'oppression étrangère, avait un sens conforme à l'impression que ceux qui l'adoptèrent voulaient pro

1 Voyez le Gloss. de Wachter aux mots Wrang et Frech. 11 paroît que, dans le dialecte de quelques unes des peuplades qui formaient la confédération franke, le nom de l'association se prononçait sans n, et qu'on disait frak ou frek, au lieu de frank ou frenk. C'est peut-être pour cette raison que les sceaux de plusieurs des premiers rois portent les mots de Fracorum rex.

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duire autour d'eux. Il signifiait proprement âpre ou rude, et indiquait la volonté de pousser la guerre à outrance, sans peur et sans miséricorde.

Je vous demande pardon de la sécheresse de ces remarques. S'il est permis d'être minutieux, c'est dans ce qui touche à la vérité de couleur locale qui doit être le propre de l'histoire. La nôtre est froide et monotone, parce que tout y est faux et arrangé; le vrai seul peut y ramener le piquant et l'intérêt. Il faut que la perspective de ce but diminue l'ennui des sentiers arides qu'on doit traverser pour l'atteindre.

LETTRE VI.

Sur les trois grandes méthodes historiques en usage depuis le seizième siècle.

DEPUIS la naissance de l'histoire nationale moderne, c'est-à-dire, depuis que l'on a tenté de réunir en un seul corps d'annales les chroniques et les traditions partielles des différentes peuplades dont le mélange a formé les grandes nations européennes, trois méthodes historiques ont été successivement suivies par les écrivains de tous les pays. D'abord l'on s'est mis à extraire des monumens originaux tout ce qui pouvait s'y rencontrer d'aventures surprenantes, de beaux faits d'armes et de galanteries, et sous les noms poétiques de trésor,

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de miroir, de jardin des histoires, on a offert ces aventures à la curiosité des oisifs et des dames de cour. Ce modèle prévalut dans notre histoire durant le quinzième et le seizième siècle. Tel fut le plan commun de tous les auteurs qui prétendirent alors à quelque popularité; les autres composèrent des annales en langue latine, calquées sur celles de Tite-Live ou de Salluste, et se firent beaucoup plus de réputation dans les universités de Flandre et d'Allemagne, que dans les salons des châteaux de France.

Au commencement du dix-septième siècle,

la forme sérieuse de l'histoire antique, réservée jusque là aux seuls écrits rédigés en langue savante, fut introduite dans les récits en langue vulgaire. On fit entrer dans l'histoire de France un plus grand nombre d'événemens; les faits s'y développèrent avec plus d'ordre; il y eut des narrations étudiées et des harangues d'apparat. Le public prit goût à cette nouvelle manière d'écrire; il se passionna pour l'imitation des historiens de la Grèce et de Rome. Raconter avec pompe, supposer des discours bien faits,

tracer des portraits avec finesse, ce furent les qualités que l'on exigea d'un historien, et sur lesquelles on mesura le degré d'estime qu'il convenait de lui accorder.

Un siècle plus tard, les harangues et les récits épiques avaient passé de mode, et l'on demandait de la philosophie. Alors parurent dans l'histoire les longues réflexions jointes au texte, les commentaires sous forme de notes, les dissertations placées en appendice, les digressions sur le gouvernement, les mœurs, les arts, les habillemens, les armes, etc. Voilà les progrès de l'histoire moderne; voilà où elle en est aujourd'hui. Ceux qui l'ont amenée à ce point, jouissent maintenant d'une célébrité européenne; et de même que l'on désirait, il y a cent ans, des Tite-Live pour la France, on désire pour elle, en ce moment, des Robertson et des Hume.

Est-il donc vrai que les livres de ces auteurs présentent le type réel et définitif de l'histoire? Est-il vrai que le modèle où ils l'ont réduite, soit aussi complètement satisfaisant pour notre l'était pour les anciens, par exemple,

siècle que

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