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de l'Empire français. Anquetil, dans son histoire sans couleur, ne s'écarte de Velly que pour suivre Mézeray presqu'aussi ignorant que Velly. Il avoue humblement que sa seule ambition est de mettre d'accord ces deux lumières de l'histoire de France, et il orne alternativement le bas de ses pages du nom de l'un ou de l'autre de ces guides.

pas

La première qualité de l'historien, ce n'est la fidélité à telle ou telle opinion juste, grande, honnête; c'est la fidélité à l'histoire elle-même : l'historien doit être peintre avant tout. Or, si l'on peut refuser au père Daniel la moralité, on doit reconnaître en lui le sentiment de la vérité historique, et surtout exiger qu'à son exemple on bannisse les anachronismes de mœurs, et cette couleur de convention dont chaque auteur revêt ses récits, au gré de la politique du jour. Daniel avait écarté, sans scrupule, la fable monarchique d'un royaume de France avant Clovis, et signalé, comme absurde, la liste de vingt-un rois ni plus ni moins, que, pour maintenir l'unité du royaume, on attribue à la première

race. Ses successeurs, pour faire quelques progrès après lui, auraient dû à leur tour ruiner la fable de Clovis fondateur d'une monarchie du genre de celle de François Ier, Henri IV et Louis XIV. Ils auraient dû soumettre à une appréciation exacte la valeur du titre de ces rois dont le père Daniel avait discuté le nombre.

C'est une honte pour le dix-huitième siècle que le succès de l'ouvrage de Velly. Velly n'a ni la science qui manquait à Mézeray, ni la moralité qui manquait à Daniel. Il se mit à composer une histoire de France (son continuateur Garnier en fait l'aveu) sans préparation et sans études, sans autre talent qu'une déplorable facilité à écrire d'une manière lâche et décolorée. Velly lui-même eut des scrupules de conscience sur le succès de ses premiers volu

1 D'abord on ne laisse figurer dans le catalogue officiel que les rois qui ont eu Paris; c'est comme si l'on ne comptait pour rois d'Espagne que ceux qui ont siégé à Madrid; ensuite on compte parmi ces rois des Franks choisis pour former la longue succession des rois de France, Hilpe-rik Ier qui ne posséda Paris qu'en tiers et conjointement avec ses deux frères Sighe-berht et Gunde-hram. Il faudrait ou supprimer le premier, ou ajouter les deux autres.

mes'; il lut, pour s'aider à rédiger les suivans, les Mémoires de l'Académie des Inscriptions, et transcrivit au hasard, pour rendre enfin son ouvrage un peu substantiel, de longs passages de dissertations inexactes sur les usages et les mœurs antiques. Son plus grand soin fut de mettre en lumière, à chaque siècle, ce qu'il appelle les tendres faiblesses des princes et les fêtes galantes des cours. Ses continuateurs, et surtout Garnier, eurent plus de gravité et de science; mais leur travail, manquant de base, perdit son prix; car sans une vue ferme des premiers temps de notre histoire, il est impossible de bien juger les événemens postérieurs.

Quelle est la meilleure histoire de France'?

Cette question que vous m'adressez et que l'on adresse si souvent aux hommes qui s'occupent des mêmes recherches que moi est bien loin d'être simple; on peut y faire plusieurs ré

1 Voyez la préface de Garnier, premier continuateur de Velly. 2 Dans les cérémonies de la seconde race, il introduit, sur la foi de l'abbé Legendre, des hérauts d'armes qui crient largesse.

3 Si la publication de l'ouvrage de M. de Sismondi eût été commencée alors, j'aurais fait une autre réponse.

ponses différentes, selon le caractère de celui qui a fait la demande. Etes-vous jeune, avezvous au fond du coeur l'amour de la science historique, êtes-vous capable de surmonter, pour cet amour, les fatigues d'une longue étude? Alors ouvrez les glossaires latins du moyen-âge et les glossaires germaniques où se trouvent les racines de toutes les locutions employées dans les lois frankes; puis lisez patiemment et sans yous interrompre, le long Recueil des historiens originaux des Gaules et de la France, commencé par les pères Bénédictins et continué par l'Institut. C'est là qu'est notre histoire, c'est là qu'elle existe plus vraie, plus imposante que jamais ne pourront la présenter les plus beaux génies et les plus savans hommes. N'avez-vous point d'années à consumer dans ce travail, et êtes-vous encore ami assez calme de l'histoire pour pouvoir en séparer l'historien? Lisez le père Daniel; vous le trouverez ce que le trouvait Voltaire, instruit, exact, sage et vrai. Faites-vous au contraire plus de cas de la morale que de la science, avez-vous besoin de rencontrer dans l'histoire moins la vérité

il

que de bonnes maximes et un esprit généreux d'opposition à l'injustice? Que Mézeray soit votre auteur. C'est un enfant plein de probité; il conte sans choix le vrai et le faux. Mais quand viennent sous sa plume les exactions des ministres et l'avarice des gens de cour, sait venger sévèrement la misère de ceux qui travaillent et s'épuisent pour les ministres et la cour. Quant à Velly, compilateur sans goût et sans morale, historien ignorant et lâche, on doit le laisser aux amateurs du faux en littérature et de la bassesse en politique.

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