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Notes sur l'Orpheline du Temple.

(1) Ovous, que mon amour cherche avec tant d'effroi,
Oma mere, & jadis reine si fortunée!·

Et vous, Elisabeth, dont l'Europe étonnée
Admire l'héroïsme et les saintes vertus,

Mes anges protecteurs, qu'êtes-vous devenus?

Madame Royale a passé près de trois ans et demi dans la Tour du Temple, durant lesquels elle a été séparée de sa mere deux ans et quatre mois, et de sa tante dix-huit mois. Ce fut le 2 Août 1798 que la reine fut amenée à la Conciergerie, et le 9 Mai 1794 que madame Elisabeth fut arrachée des bras de son auguste niece. Madame Royale n'apprit tous ses malheurs que le 20 Septembre 1795.

(2) Je sais que des méchants la fureur assouvie

Vous laisse, ainsi qu'à moi, le fardeau de la vie.

Les membres mêmes du pouvoir exécutif annoncerent au Roi, Je 20 Janvier, qu'il n'y avait aucune charge contre sa famille, et qu'elle serait renvoyée hors de France.

(3) Et pourquoi ce matin, trompant leur vigilance, Un fidele sujet, vaincu par mes douleurs,

A-t-il à mes discours répondu par des pleurs?

Quelques municipaux et plusieurs sentinelles adoucirent les chagrins de la famille royale par leur sensibilité, leurs soins et leurs services; Madame Royale elle-même leur a rendu ces honorables témoignages: "Je souhaite, a-t-elle dit souvent, que le "ciel les récompense de leur profond attachement pour leur Roi. "Je ne les nomme pas, de peur de les compromettre, dans l'état " où sont les choses, mais ils sont gravés dans mon cœur.”,

(4) J'atteste du Dauphin les indignes tortures.

Un décret du 3 Juillet 1799, et un arrêté de la commune, en date du 5, ordonnerent que le Dauphin serait séparé de sa famille et resserré plus étroitement que jamais. Son auguste mere, Madame Elisabeth et Madame Royale embrasserent et baignerent de larmes pour la derniere fois cet enfant désespéré d'une si cruelleséparation. Il pleura deux jours entiers, redemandant sans cesse sa mere, sa sœur et Madame Elisabeth. On le faisait aller souvent prendre l'air sur la Tour; et l'unique plaisir, l'unique consolation de la reine étaient alors de le voir passer de loin à travers une petite fenêtre; elle y restait des heures entieres pour guetter et saisir l'instant de voir cet enfant si chéri et si digne de l'être. 4 F

VOL. XLV.

Le ciel n'a fait, hélas! que montrer aux humains
Cette fleur passagere, ouvrage de ses mains.

On sait par quelle suite inouïe de cruautés bizarres, quand elles n'étaient point atroces, cet auguste infortuné fut enfin conduit au

tombeau.

Louis-Joseph-Xavier-François, Dauphin de France, né à Versailles le 22 Octobre 1781, expira le 9 Juin 1795.

(5) Mon plaisir le plus doux sera de pardonner.

Ce sentiment généreux et inné dans le cœur des Bourbons, animait toutes les pensées de Louis XVI au milieu des persécutions affreuses dont il était devenu l'objet; il s'en croyait d'avance dédom magé en songeant qu'il pourrait peut-être un jour oublier et par. donner. Il fit du pardon un précepte, un devoir à son fils, et ses dignes successeurs garantissent aujourd'hui à l'Europe entiere que le vœu de leur auguste frere sera accompli : "Je recommande à mon fils, s'il avait le malheur de devenir roi, de songer qu'il se "doit tout entier au bonheur de ses concitoyens; qu'il doit oublier "toute haine, tout ressentiment, et nommément ce qui a rapport aux malheurs et aux chagrins que j'éprouve." (Extrait du testament de Louis XVI.)

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(6) Où porté-je mes pas ?...Lamballe !...je m'arrête !... Ce lieu rougit encor du sang de votre tête.

Marie-Thérese-Louise de Savoie Carignan, du sang des rois de Sardaigne, veuve de Louis-Alexandre-Joseph-Stanislas de Bourbon, prince de Lamballe, fils du vertueux duc de Penthievre. De grands revers manifesterent en elle un grand caractere. Instruite à Aix-laChapelle de l'abandon où se trouvait la reine, par l'éloignement forcé de la plus grande partie de sa maison, elle se montra plus jalouse de partager les périls de son auguste amie, qu'elle ne l'avait été de s'associer à son éclat. Le 3 Septembre, à trois heures, la tête de cette princesse, massacrée à l'hôtel de la Force, fut portée au Temple au bout d'une pique, par six assassins, qui firent le tour de cette prison.

(7) O princesse !... ô Tourzel! que la postérité Bénisse, en l'admirant, votre fidélité, etc.

Madame la marquise de Tourzel, gouvernante des enfants de France, d'abord prisonniere au Temple avec la famille royale, eut la douleur de se voir transférée à la Force avec Madame la princesse de Lamballe. Après la mort de la Reine, elle demanda plusieurs fois la permission d'être renfermée avec Madame Royale; mais ses prieres furent rejetées. On ne lui permit de voir cette princesse qu'une ou deux fois par semaine, et ce ne fut encore que deux mois avant le départ de Madame Royale.

(8) Un écrit me restait, feuille chere et sacrée,

Madame Elisabeth avait elle-même composé plusieurs prieres, une entr'autres pour la France. Les officiers municipaux l'arracherent des mains de Madame Royale, avec un sacré cœur de Jésus. Le ciel, qui avait mis entre son caractere angélique et celui de Madame une si heureuse conformité, semblait s'être également plu à en répandre dans les traits de leur visage. "Puissé-je surtout, a dit "souvent Madame Royale dans sa prison, puissé-je avoir ses vertus, "et l'aller retrouver dans le seia de Dieu, où je ne doute pas qu'elle "ne jouisse du prix de sa vie et de sa mort, qui ont été si mé"ritoires!"

(9) La France à ce beau jour attachait autrefois

La fête consacrée au plus saint de nos rois.

Ce fut le jour de la Saint-Louis 1792, que la famille royale reçut pour la derniere fois des nouvelles de Mesdames, retirées à Rome dès le commencement de la révolution: ce fut le 25 Août 1795 que quelques Français donnerent à l'auguste prisonniere du Temple la marque touchante de souvenir dont il est question dans ces vers.

(10) Arbres hospitaliers, recevez mes adieux !

Le fait est historique: on détruisit la promenade du Temple, seule et innocente distraction aux peines de l'illustre captive. C'était un de ces calculs de cruauté, si communs à cette époque, et qui n'avaient pas même d'excuse dans le prétexte d'une utilité quelconque. Mais n'oublions pas de répéter, à la gloire de l'huma. nité et pour l'honneur du nom français, que la sensibilité nationale et le respect pour le sang de nos rois, l'emporterent quelquefois sur le délire du moment, dans les âmes même de ceux que la loi chargeait de son exécution.

SPECTACLES DE PARIS.

THEATRE FRANÇAIS.

Héraclius.

Crispe, il n'est que trop vrai, la plus belle couronne
N'a que de faux brillants dont l'éclat l'environne;
Et celui dont le Ciel pour un sceptre fait choix,
Jusqu'à ce qu'il le porte en ignore le poids.
Mille et mille douceurs y semblent attachées,
Qui ne sont qu'un amas d'amertumes cachées :
Qui croit les posséder les sent s'évanouir,
Et la peur de les perdre ôte l'heur d'en jouir.
Sur tout qui, comme moi, d'une obscure naissance,
Monte par la révolte à la toute-puissance,

Qui, de simple soldat, à l'Empire élevé,
Ne l'a que par le crime acquis et conservé;
Autant que sa fureur s'est immolé de têtes;
Autant dessus la sienne il croit voir de tempêtes;
Et, comme il n'a semé qu'épouvante et qu'horreur,
Il n'en recueille, enfin, que trouble et que terreur.
J'en ai semé beaucoup, et, depuis quatre lustres,
Mon trône n'est fondé que sur des morts illustres ;
Et j'ai mis au tombeau, pour régner sans effroi,
Tout ce que j'en ai vu de plus digne que moi.

J'espere que l'on me pardonnera de citer cette longue tirade de vers en faveur de leur nouveauté; ce n'est pas qu'on ne les ait applaudis pour la premiere fois sur la scene, il y a près de cent-soixante-dix ans mais ne sont-ils pas entierement neufs pour cette nombreuse partie de la génération actuelle, qui se contente pour cultiver son esprit, le matin des journaux, et le soir du théâtre? De toutes les suppressions ordonnées par cette sombre inquiétude, compagne inséparable de la tyrannie, il faut convenir que celle de cet admirable début d'Héraclius, était sans contredit la plus raisonnable et la mieux motivée; mais j'ignore par quelle raison les acteurs n'ont pas aujourd'hui rétabli le texte dans toute son intégrité. Quelle vigueur de pinceau dans ce tableau rapide de la situation d'un usurpateur qui, pour parvenir au trône, de la poussiere dans laquelle il était confondu, ne s'est élevé que par des crimes, et a mis sous ses pieds les lois les plus saintes de la justice, de l'honneur et de l'humanité! Il n'y a pas un trait à effacer; il n'y a pas un coup qui ne porte, et tous les Phocas à venir y verront à jamais leur condamnation et leur supplice. Aussi de nos jours a-t-on trouvé qu'il était un peu déplacé qu'un poëte du siecle de Louis XIV se fût avisé de remplir ses ouvrages, comme par esprit de prophétie, d'applications d'une telle insolence, tandis que la plupart de nos modernes Linus avaient l'attention de monter leurs lyres complaisantes sur un tout autre ton. Toutefois il était bien difficile de mettre au pilon Corneille tout entier. Il ne restait donc plus qu'un seul moyen, c'était de supprimer, d'adoucir et de remplacer, et nous avons vu l'auteur d'Héraclius soumis aux corrections de la police. Pour dédommager Corneille des suppressions auxquelles l'avait exposé son génie trop hardi et trop libre, un poëte moins recommandable par l'audace de sa pensée que par l'élégance de sa plume, avait été chargé d'ajouter plus de cent vers à cet ouvrage remarquable du

pere de la tragédie. Une pareille augmentation n'était dans le fait qu'un appauvrissement véritable, et quel correcteur, en effet, pouvait se flatter de donner l'équivalent de ces vers gravés dans toutes les mémoires?

Un chétif centenier des troupes de Mysie
Qu'un gros de mutinés élut par fantaisie,
Oser arrogamment se vanter à mes yeux
D'être juste seigneur du bien de mes aïeux!
Lui, qui n'a pour l'Empire autre droit que ses crimes;
Lui, qui de tous les miens fit autant de victimes,
Croire s'être lavé d'un si noir attentat

En imputant leur perte au repos de l'Etat !

Et de ceux-ci, que les événements dont nous sommes témoins ont réellement transformés en oracle :

On dit qu'Héraclius est tout près de paraître.
Tyran, descends du trône et fais place à ton maître.

On aurait peine à citer tout ce qu'Héraclius offre de rapprochements et d'applications; je ne puis toutefois me refuser au désir de transcrire encore les trois vers suivants, qui ne sont pas moins remarquables par leur beauté que par leur rapport frappant avec les circonstances;

Il semble que de Dieu la main appesantie
Se faisant du tyran l'effroyable partie,
Veuille avancer par là son juste châtiment.

La hardiesse d'une telle image sert à-coup-sûr de com pensation à ce qui peut lui manquer de justesse, et pour apprécier le bonheur d'une semblable licence il ne faut que s'en rapporter à l'effet qu'elle produit.

Au mérite d'une intrigue fortement nouée qui attache et occupe l'esprit en dépit de l'antiquité de la piece, à celui d'une foule de beaux vers, de ces vers tels que Corneille en a seul possédé le secret, quoiqu'il les fasse trop souvent acheter par de longues tirades entortillées, boursouflées et par fois même presque barbares, Héraclius joint encore aujourd'hui l'avantage de renfermer une foule d'allusions, dont pas une n'est perdue pour la majorité des spectateurs. Elle applaudit le poëte, et pour lui-même et pour cette multitude de sentiments et de peusées qu'il a exprimées avec tant de bonheur, et dont la grande leçon que le Ciel vient de donner au monde établit mieux que toutes les dissertations la justesse et la vérité. Quelques esprits froids pourront blâ

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