Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

vaisseaux de ligne, quatre frégates, cent quatre vingt-quatorze vaisseaux de transport, quarante mille hommes de débarquement et soixante millions en numéraire.

Chemin faisant il s'empara de l'ile de Malte, qu'il pilla. Cette conquête lui coûta peu de peine. La ville et les forts qui avaient plus d'une fois résisté à toutes les armées ottomanes lui furent livrés par de lâches chevaliers, à la tête desquels étaient les commandeurs Dolomieu, Bardonauche et Touzard. Il débarqua sous les murs d'Alexandrie le Juillet 1798.

Tandis qu'il s'avançait vers le Caire, l'amiral Nelson livra à sa flotte un combat tel que les annales de la marine française n'en offrent pas un second exemple. De nos treize vaisseaux de ligne neuf furent pris, deux brûlés et deux s'échapperent; des quatre frégates deux s'échapperent, la troisieme fut brûlée, la quatrieme coulée bas.

L'amiral en chef Brueys et son capitaine de pavillon CasaBianca furent tués; le contre-amiral Blanquet du Cheyla fut dangereusement blessé et pris. De tous les chefs de cette escadre le contre-amiral Villeneuve fut le seul qui s'échappa sur l'un des deux vaisseaux qui ont survécu à cette horrible catastrophe (1erAoût 1798).

En écrivant cette nouvelle à son frere Joseph, Buonaparté ne lui dissimula pas l'embarras dans lequel il se trouvait, et les dangers qu'il avait à craindre, et ses regrets d'avoir entrepris cette expédition, et son désir de revenir en France. Toutes les lettres de ses officiers étaient remplies de plaintes sur leur sort, sur la misere qu'ils éprouvaient, sur l'issue fatale qu'ils redoutaient.

Buonaparté débutait en Egypte sous de mauvais auspices. Le cours de son expédition s'en est ressenti jusqu'à la fin. Souvent vainqueur des Mamelucks et des Turcs, quelquefois battu par les beys, toujours harcelé par les Arabes, par le climat, par les privations de toute espece, courant en vrai Don Quichotte, du Caire à Sués, de Suës à Saint-Jean-d'Acre, de Saint-Jean d'Acre à Aboukir, détruisant tout sur son passage, ne fondant rien, et ne songeant, au bout de treize mois, qu'aux moyens de fuir et de quitter, comme un déserteur, cette terre classique qu'il s'était vanté de conquérir, et de rendre aux sciences, aux arts et au bonheur. Voilà ce qu'il a fait, et ce qu'ont si maladroitement vanté ses flatteurs et ses amis.

Cette expédition nous a coûté les restes de notre marine, quarante mille guerriers, et la perte de notre plus ancien allié; et telle est d'une part l'insolente audace de ce chef de brigands, que, dans sa correspondance avec le directoire, il ne parlait que de ses succès brillants, de ses victoires éclatantes, de ses espérances magnifiques! Il disait à ses soldats:

"Vous allez entreprendre une conquête dont les effets sur la civilisation et le commerce du monde sont incalculables. Vous porterez à l'Angleterre le coup le plus sûr et le plus sensible, en attendant que vous puissiez lui donuer le coup de la mort. Nous ferons quelques marches fatigantes, nous livrerons plusieurs combats, nous réussirons dans toutes ces entreprises; dans quelques jours d'ici les beys et les Mamelucks n'existeront plus."

Il écrivait au pacha d'Egypte :

"Tu est sans doute instruit que je ne viens point en Egypte

pour détruire le koran et détrôner le sultan; tu sais que le sultan n'a pas de plus ancien ami et de plus ancien allié que le Français; viens donc à ma rencontre, et maudis avec moi la race impie des beys."

Il adressait aux peuples d'Egypte cette proclamation:

"Peuples d'Egypte, on dira que je viens pour détruire votre religion; ne le croyez pas: répondez que je viens pour rétablir vos droits, punir les usurpateurs, et que je respecte, plus que les Mamelucks, Dieu, son prophête et le koran.

"Kanis, imans, scheiks, dites au peuple que nous sommes amis des vrais musulmans ? N'est-ce pas nous qui avons détruit le pape? N'est-ce pas nous qui avons détruit les chevaliers de Malte? N'est-ce pas nous qui avons été dans tous les siecles les amis du grand seigneur? Trois fois heureux ceux qui seront avec nous! ils prospéreront dans leur fortune et dans leur rang. Malheur à ceux qui combattront contre nons, ils périront tous.'

Ce fut peu de temps après cette belle proclamation, que les habitants du Caire, qui apparemment ne l'avaient pas lue, ou ne l'avaient pas comprise, refusant de payer une imposition de dix piastres par maison, furent rangés dans la classe de ceux qui ne devaient pas prospérer dans leur fortune, et furent mitraillés dans les mosquées, dans leurs maisons et dans les rues. Leurs bourreaux eux-mêmes avouent qu'ils en tuerent quatre-vingt mille dans cette affaire. Tout ce qui échappa à cette boucherie, chercha son salut dans la fuite et à la campagne.

C'était ainsi que le nouveau Solon régénérait l'Egypte, rétablissait les peuples dans leurs droits, et respectait Dieu, son prophête et le koran; et il osait s'en vanter! Et telle était d'un autre còté la stupide crédulité de la plupart des Parisiens, qu'en lisant ces récits tantôt burlesques et tantôt abominables, ils étaient prêts de se prosterner devant le génie d'un homme qui avait arboré l'étendard tricolor sur les pyramides d'Egypte, qui exterminait les beys, protégeait l'alcoran, et promettait d'affranchir et d'éclairer tous les peuples de l'Afrique et de l'Asie!

Nous avons dit plus haut que, malgré les craintes qu'inspiraient le directoire et Buonaparté, les officiers de celui-ci n'écrivaient guere en France que des plaintes qui démentaient étrangement les récits pompeux du général.

Nous ne citerous qu'une seule lettre, extraite de la correspondance de l'armée française en Egypte, interceptée par l'escadre de l'amiral Nelson, et publiée à Londres en 1799.

No. VI.

Colbert à son Ami Colasse.

Tersi, 6 thermidor an 6.

"Je m'empresse, mon cher ami, de te donner de mes nouvelles et de te dire quelques mots des souffrances horribles et des désagréments, de toute espece que nous avons éprouvés.

"Je suis dans le dénuement le plus absolu de toutes les choses nécessaires à la vie. Souffrances sur souffrances, privations, morVOL. XLV.

3 X

tifications, regrets, fatigues, nous éprouvons tout de la premiere main; les trois quarts du temps mourir de faim, tel est le tableau et abrégé de mon existence, dans ce maudit pays, où je voudrais, pour dix ans de ma vie, n'être jamais venu.....

Buonaparté quitta cette terre de désolation avec plus d'empressement qu'il n'y était arrivé, il y a eu bien des versions sur les motifs de son évasion: ses flatteurs ont dit, et les idiots ont répété qu'il n'en avait pas eu d'autre que le zele du bien public et le désir qu'il avait de réparer les désastres de nos armées. C'est bien dans son cœur qu'il faut aller chercher le zele du bien public! Et, quant au désastre de nos armées, il n'en avait aucune connaissance, il ne songeait donc pas à les réparer.

La vérité est qu'il saisit avec ardeur, pour terminer son exil, le moment où les affaires militaires l'avaient ramené sur la côte. Il profita du relâche et de la tranquillité qu'il venait de s'assurer par le combat d'Aboukir, pour s'embarquer à l'insu et des Egyptiens et de son armée.

Ses flatteurs ont encore dit que son arrivée en France avait excité une joie universelle. Cela n'est pas vrai.

Son arrivée surprit tout le monde, ne réjouit personne, et jeta seulement l'alarme dans les deux grands partis qui divisaient le gouvernement, et qui durent lui soupçonner des intentions secretes de les combatttre et de se mettre à leur place.

La curiosité du public fut grande en effet, non sur sa personne mais sur ses projets. Chacun se demandait que va-t-il faire?

Il va rétablir la monarchie, répondaient les uns: il vient pacifier l'Europe, répondaient les autres,

Il fallait avoir une grande dose de crédulité, pour ajouter foi à ces deux conjectures.

Messieurs, messieurs, répliquaient les observateurs éclairés, vous n'aurez ni paix, ni monarchie. Cet homme a reçu de la nature une ame ardente, un caractere absolu, une ambition démesurée, il apporte de l'Egypte des ressentiments, un style oriental et le sceptre des Mamelucks. Vous aurez avec lui un tyran farouche et une guerre éternelle.

Les événements n'ont que trop justifié ces sombres présages.

CHAPITRE VII.—Une nouvelle Révolution était inévitable.

Depuis la journée du 30 prairial (18 Juin) qui renouvela le directoire, en réformant ses usurpations et en avilissant son autorité, la république se traînait entre un gouvernement chancelant et une législature anarchique. Toutes les factions inquietes et mécontentes la poussaient vers un dénouement, quelconque. Quoique les jacobins n'eussent pu faire prévaloir leurs innovations et leurs fureurs, ils s'étaient rendus assez redoutables pour obliger le pouvoir exécutif à les ménager. Ils ne régnaient pas, mais ils embarrassaient, ils contrariaient tous ceux qui osaient régner*.

M. Le Maire, aujourd'hui un de nos professeurs les plus distingues, alors commissaire du Directoire auprès du bureau central, fit de puissants et d'heureux efforts pour comprimer ceux des jacobins qui voulaient faire un mouvement dans Paris.

Deux des directeurs les favorisaient; B...... se tenait à l'écart par calcul ou par indolence; les bureaux et les administrations offraient la bigarrure la plus monstrueuse. A côté de quelques hommes instruits et honnêtes, en petit nombre, se trouvaient placés des bandits aussi pervers qu'ignorants, qui épiaient l'instant de commettre de nouveaux crimes, et qui étaient chargés de les préparer.

Les conseils étaient divisés, comme le directoire. Lesjacobins y dominaient par leur audace plus que par leur nombre *.

Jamais assemblée délibérante ne montra un tel vide de sagesse, de connaissances et de capacité la plus vulgaire. Elle venait de proclamer deux lois qui allumerent entre elles la haine générale celle des ôtages, qui fit soulever tous les départements de l'ouest et celle de l'emprunt forcé, qui ne reçut aucune exécution.

Les recettes en souffrance et affaiblies, les troupes sans paye, des projets insensés, des lois sans force, des législateurs sans considération, une corruption sans exemple infestant les bureaux et les administrations, la guerre civile prête à éclore, nulle fixité ni dans les plans, ni dans les institutions, ni dans les volontés : telle était la situation intérieure de l'état.

Chacun sentait, chacun disait même assez haut qu'un caustique violent pouvait seul guérir cette gangrene générale. Mais quel médecin, quel empyrique devaient l'appliquer? Cela n'était pas aussi clair: jacobins et modérés invoquaient également la constitution; jacobins et modérés avaient également décidé qu'elle ne pouvait plus subsister.

Depuis la mi-Octobre toutes les subdivisons de partis s'étaient fondues en deux grandes sections: l'une de jacobins, qui tendait à relever le pouvoir de l'ancien comité de salut public; l'autre de modérés, qui réclamait des lois et un pouvoir exécutif plus concentré.

On s'accorde généralement à regarder S... comme le chef de ce dernier parti, et comme l'auteur de la révolution qui devait le faire triompher; mais une foule de considérations, de lenteurs et d'obstacles embarrassaient sa route, lorsque le retour imprévu de Buonaparté, sans changer son plan, en accéléra l'exécution.

Dès les premiers jours de son arrivée, le général prouva aux deux partis qu'il pouvait se passer de leurs secours, en leur laissant croire toutefois qu'il ne refuserait pas leurs services. Il se déploya avec une assurance et une hauteur qui attesterent l'opinion qu'il avait de son importance, de sa fortune et de son ascendant sur les circonstances actuelles. Dédaigneux, froid et taciturne avec les magistrates supérieurs, caressant avec la soldatesque, dissimulant ses vues et ses affections, il réussit à les masquer, il se vit recherché par deux les partis.

(La suite au Numéro prochain.)

Le foyer des jacobins, leur grand théâtre, leur bureau central était au manége, rue du Bac, où l'on voyait rassemblés des hommes que l'on a vu depuis occuper des places très-lucratives, et entr'autres un sieur T......,qui recevait, avant le 29 Mars dernier, de riches appointements à la police, aux droits réunis et dans l'ins truction publique.

LITTÉRATURE.

Observations d'Auguste de Kotzebue sur une Traduction Anglaise du VOYAGE AUTOUR DU MONDE, du Capitaine Crousenstern, par — Hoppner, Esq.

[Traduit de l'Allemand.]

Il est pénible pour un Allemand qui, comme l'auteur de ces observations, aime et estime la nation anglaise, de devoir s'élever contre un écrivain de cette nation, dût même la justice de sa cause lui servir d'excuse. Mais il s'agit de mettre au jour la vérité il s'agit de défendre un ami injustement attaqué, et que sa généreuse modestie empêche de le faire lui-même. Il s'agit enfin de l'honneur des hommes de lettres d'Allemagne, qui ont prononcé d'une commune voix sur l'ouvrage du capitaine Crousenstern, et dont le jugement se trouve paralisé par le veto de M. Hoppner. Voilà les motifs qui m'ont porté à faire connaître mon avis sur cette traduction, me flattant d'avoir quelque titre à la confiance pour ce qui regarde la langue allemande. Je m'abstiendrai de toucher les objets qui me sont peu connus; mais je crois devoir mettre dans mes remarques, à l'égard de ceux qui sont à ma portée, d'autant moins de réserve, qu'elles ont pour but de détruire les erreurs que ce traducteur se permet de répandre sur le public anglais.

L'Europe est inondée de mauvaises traductions, qu'on ne juge pas dignes d'une censure, puisqu'elles ne décelent que de l'ignorance, et que l'ignorance mérite compassion. Mais lors

« ZurückWeiter »