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caractère diplomatique. Il les faisait dessiner au trait, non pas avec talent, pas même avec soin, mais avec une naïve brutalité, par cet artiste inconnu qui a promené sa plume tremblottante, rapide et infatigable sur tant de pages de ses recueils, aujourd'hui d'une valeur inappréciable. Ces dessins étaient collés au bas de la copie de l'acte; mais d'autres dessins de sceaux, considérés par Gaignières comme monuments de l'histoire, furent réunis par ses soins avec les reproductions de tombeaux, de dalles funéraires, de peintures, de vitraux, de tapisseries et de broderies, dans des recueils consacrés méthodiquement aux princes, aux évêques,

ment, sans laisser varier le mouvement tant que faire se peult, et presse-t-on l'Argille sur le scau jusques à ce que toutte la circonférence du dict seau soit couverte de la dicte Argille.

« 6o Et aussy tost on sépare doulcement avec la pointe d'un canivet ou aultre chose la dicte Argille d'avec le dict seau, et nettoye-on avec du coton ou aultrement la superficie du dict seau, affin que l'huyle n'y demeure.

« 7o A la dicte Argille, il fault puis faire un petit bord d'ung aultre morceau d'Argille, qui se met à l'entour comme le bord d'un pasté, affin que cela retienne la matière de l'Empreinte.

« 8o Et finalement sur ceste Argille toutte moitte, on jette du soulfre commun fondu dans un pot de terre, et le fault jetter le moins chault que faire se peult; il suffit qu'il puisse couller.

«9° Qui les vouldroit faire noirs, quand le soulfre est bien fondu et bien chault, on y mect du liége bruslé en proportion de la huictiesme partie du soulfre, ensemble un peu de noir à noircir en proportion d'un quart du dict charbon de liége, qui est le suber réduict en charbon.

« 10° Qui les veult rouges, au lieu de noirs, y meet du sinabrion bien broyé et bien sec.

11o Et quant on y a mis la coulleur, il fault laisser à demy reffroidir le soulfre, et le jecter sur l'Argille le moings chault que faire se peult; il suffit qu'il puisse couller.

« 12o Et si tost qu'il est gellé, il le faut séparer légèrement d'avec la dicte Argille. 13o Et envoyer la dicte Empreinte de soulfre bien ageancée dans une petitte boitte avec du cotton, affin que sur ycelle le graveur puisse représenter en taille doulce la vraye manière du siècle que le seau a esté faict, sans rien altérer, ne en la forme du caractère, ne en la semblance du portraict du prince qui y est représenté, ne en ses habillemens.

14o Cela ne sçauroit nuire au seau, bien qu'il ne soit que de cire. Il s'en est faict un monde de preuves. Et c'est de ceste façon là qu'a esté faicte l'Empreinte cy-joincte, sur un seau de l'une des anciennes chartes de St-Denys en France. »

On voit clairement, par la rédaction même de cette note, 1o qu'on recommande d'appliquer aux sceaux le procédé d'estampage en terre glaise dont on se servait pour prendre le moule des intailles et des médailles, procédé qui opère par pression et dont je condamne l'emploi; 2o qu'on enseigne la manière de tirer une

aux familles (1). C'était, comme on voit, une heureuse extension donnée au rôle du sceau, quoique en le maintenant encore dans le domaine généalogique et héraldique; et ce n'était, dans un cadre plus vaste, que ce qu'avaient fait, dans les limites restreintes de leur sujet, les auteurs de nos grandes histoires de

empreinte en soufre telle qu'elle était pratiquée pour les collections d'empreintes de pierres gravées; 3° que cet estampage en terre glaise, ne pouvant donner qu'une empreinte, n'était pas destiné à la formation d'une collection comme nous l'entendons; 4o que le but de la note était de se procurer une empreinte qui évitât l'obligation d'envoyer au loin un artiste pour dessiner un sceau qu'on pouvait, avec ce secours, graver à Paris sans recourir à l'original; 5o que cette opération était nouvelle, ou du moins son application bien exceptionnelle, puisqu'on se croyait obligé de rassurer sur les dangers qu'elle peut faire courir aux sceaux.

J'ai dit que cette recette était d'une écriture de la première moitié du xvIIe siècle; il m'a passé sous les yeux une foule d'actes de cette époque qui s'en rapprochent sous le rapport calligraphique; seulement, en la confrontant avec les écritures des grands Bénédictins, je n'ai pu l'identifier avec aucune. L'envoi de cette recette répond au besoin qu'on avait dès lors de s'appuyer sur les monuments pour reproduire les personnages historiques, comme on se fondait sur des documents pour établir les faits. Il ne faut pas oublier que Jean du Tillet, qui tenait dans sa main tout le trésor des chartes, avait pris dans les sceaux, dans les statues funéraires, dans les tableaux du temps, les portraits de rois qui accompagnent son récit, et qu'il eut le premier le courage d'omettre un fait qui ne lui paraissait pas prouvé, en même temps qu'il laissait un cadre vide quand il n'avait pas trouvé un portrait contemporain, plutôt que de le remplir d'imagination. Les miniatures de son manuscrit de présentation, exécutés vers 1570, prouvent, mieux encore que les petites gravures de son livre in-4o, combien il exigea d'exactitude de son peintre, qui n'était, à vrai dire, qu'un enlumineur dans le sens que nous donnons aujourd'hui à ce mot: couleurs brillantes, pinceau délicat, faire précieux, tout y est, excepté le sentiment qui reproduit la physionomie, l'aspect, l'air du monument; excepté aussi le talent qui n'aurait pas accepté des bras disloqués et des pieds estropiés; mais l'attitude, la pose, la coiffure, le costume avec le mouvement des plis, les mains au geste forcé, tout est tiré fidèlement du sceau. Cet appel sérieux à l'exactitude ne fut pas entendu, ou plutôt il fut bien vite méconnu. Je n'ai pas pu trouver, parmi les ouvrages d'Auguste Galand qui se conservent en manuscrit à la Bibliothèque impériale, son Traité des chancelliers de France, écrit vers 1642. Il m'intéressait à cause du soin qu'il met à annoncer que son travail est accompagné des figures et empreintes de sceaux qu'il a tirées de plusieurs abbayes de Paris et environs, de monastères et des provinces les plus éloignées. Mais c'est aussi à partir de cette époque que les artistes cessent de comprendre ce quelque chose qui est l'exactitude et la fidélité.

(1) Les recueils de Gaignières sont aujourd'hui disséminés entre le Cabinet des estampes de la Bibliothèque impériale, le Département des manuscrits du même établissement, la Bibliothèque universitaire d'Oxford, et quelques amateurs, parmi lesquels je citerai M. Albert Lenoir.

provinces et l'historiographe des ordres du roi Chérin, mais cette fois par la main d'un artiste de grand talent, pour compléter les généalogies renfermées dans les layettes de l'ordre du SaintEsprit (1).

Au commencement du xvIIe siècle, on reprit avec ardeur le recueil des chartes et diplômes. Le ministre Bertin devint, dès son entrée au contrôle général, en 1759, l'âme et le ressort de cette entreprise. En 1762, il constitua, sous le titre de Dépôt des Chartes de l'histoire et du droit public, de véritables archives centrales, contenant, en copies réservées à une publication prochaine, tout ce que la France avait conservé de documents historiques. Animés par ses encouragements, les Brequigny, Secousse, Sainte-Palaye, Foncemagne, assistés des plus savants Bénédictins, Labat, Poirier, Clément, Brial, dirigeaient cette vaste opération, placée sous la responsabilité plus que sous la direction de Moreau, historiographe du roi.

En 1781, près de deux siècles déjà avaient assisté à la formation de ces collections sans qu'on eût songé à profiter de cette immense exploration de toutes les archives de la France pour recueillir, sur les sceaux, des renseignements méthodiques, pour en prendre des dessins, pour en tenter le moulage. Il fallut qu'un amateur, poussé par une fantaisie particulière, éveillât l'attention sur cette lacune laissée si malencontreusement dans ce grand recueil national. Desmarets, ancien élève du corps du génie, n'était ni artiste, ni diplomatiste; mais les sceaux avaient frappé son imagination, et ces petits monuments étant, par leur dimension, à la portée de ce qu'il appelait son talent, il se mit dès 1771 à les dessiner, d'abord sans suite, puis avec une certaine méthode, et, après dix années d'un labeur acharné, il était parvenu à réunir une collection de trois à quatre mille dessins. C'est alors qu'il offrit de les vendre au roi « pour la moitié du prix qu'il en coûterait pour les faire graver, » et de continuer à dessiner pour le Dépôt des chartes, et sous la direction des membres du comité d'histoire. « J'ai employé, disait-il dans sa demande, les quatorze plus belles années de ma vie à recueillir une collection innombrable de sceaux dont l'histoire et la noblesse de France doivent conserver l'image, lorsque le temps aura achevé de les détruire.»

(1) Bibliothèque impériale, Cabinet généalogique.

Sa pétition, recommandée par d'illustres patrons, fut renvoyée par le garde des sceaux à l'historiographe Moreau, avec ordre de faire un rapport sur la question.

Dans ce rapport, Moreau s'exprimait ainsi : « En 1780, M. Desmarets, président de l'élection de Senlis, qui, par goût, se livroit à son talent de dessiner, fit connoissance avec Dom Grenier, chargé de la collection des chartes en Picardie. II montra à ce religieux plusieurs sceaux qu'il avoit dessinés, et Dom Grenier, frappé de la beauté de l'ouvrage, le pria de lui en confier quelques-uns pour les faire voir, à son retour à Paris, aux membres du comité d'histoire et de droit public. A son retour, nous en parlâmes à monseigneur le Garde des sceaux; et Dom Grenier le pria de vouloir bien permettre qu'on lui présentåt M. Desmarets. L'un des objets de nos travaux étant de donner au public une collection entière et imprimée de tous les diplômes et de toutes les chartes qui intéressent notre histoire, il nous sembloit que, s'il étoit possible de faire graver au bas des chartes des sceaux anciens que l'on pourroit y trouver, cette attention ajouteroit infiniment à l'utilité et au prix de ce grand ouvrage. »

En effet, le comité s'était extasié sur la beauté des dessins de Desmarets, sur l'utilité de les faire graver au bas des chartes, et il avait émis l'avis qu'on achetât les trois ou quatre mille dessins de sceaux déjà faits, en donnant à leur auteur le moyen de continuer son œuvre. Moreau ne partage pas cette opinion, sans avoir cependant rien à reprocher à des dessins qu'il admire, mais par les raisons que voici : « Si nous nous contentons de payer à M. Desmarets les trois ou quatre mille sceaux qu'il a déjà, qu'en ferons-nous? Cela ne sera qu'une parcelle très-isolée d'une collection immense que nous n'aurons jamais. Si ces trois ou quatre mille sceaux, nous les faisons ensuite graver à grands frais pour en orner environ trois à quatre mille chartes de Picardie, cette recherche ne fera qu'accuser l'imperfection du reste de la collection et notre impuissance. Avouons, d'ailleurs, que les armoiries n'intéressent que les généalogies, et que notre objet n'est que l'histoire et le droit public. »

Le comité eut raison de son président. Le 14 janvier 1786, le garde des sceaux achetait à Desmarets sa collection de dessins de sceaux, moyennant 500 livres de rente viagère, payables sur

le crédit alloué pour la recherche des chartes; en outre il le nommait dessinateur du Cabinet d'histoire et du droit public, et lui faisait ouvrir les archives de Saint-Germain-des-Prés, pour la continuation de son travail.

Il est impossible, après avoir vu les dessins de Desmarets, de lire sans tristesse sa correspondance avec le ministre, les lettres des Bénédictins, le rapport de l'historiographe du roi et la décision définitive (1). Ces dessins sont pitoyables, et l'on cherche vainement, dans cette réunion d'hommes distingués, les jugements éclairés et les propositions pratiques qu'on serait en droit d'attendre de leurs lumières. Desmarets n'avait ni l'instinct naturel, ni l'habitude acquise du dessin; il s'était exercé soit dans l'atelier d'un graveur, soit en copiant des estampes, à une pratique timide de dessin au pointillé, qui, avec des peines infinies et un labeur de galérien, lui permettait de donner un certain relief à des figures dont le corps ne tient pas sur les jambes, dont la tête grimace avec des yeux louches ou hagards. Dessin faux, caractère nul, ensemble baroque, telles sont les qualités des images enfantines que tout ce comité se flatte de reproduire dans sa grande publication, sans entrevoir que, de ces dessins, et surtout de reproductions plus exactes, on peut former une collection méthodique d'un puissant secours pour les études auxquelles il s'intéresse et pour divers genres d'investigations. Il ne voit encore, dans le sceau, qu'un instrument d'authenticité, comme son président le réduit à un auxiliaire des généalogistes.

La publication du Recueil des historiens des Gaules et de la France se poursuivait depuis 1738, parallèlement à la formation du Recueil des chartes, sans se montrer plus favorable à la sigillographie. En 1840, MM. Naudet et Daunou, chargés par l'Académie des inscriptions et belles-lettres de lui faire un rapport sur la méthode à suivre dans la composition du Recueil, à partir du dix-neuvième volume, proposèrent d'excellentes modifications; mais arrivés aux planches qui doivent accompagner la suite de cet important ouvrage, ils passent en revue tout ce qui peut être reproduit, statues, tombeaux, édifices, puis les inscriptions, et en dernier lieu les monnaies et médailles, « qui aideraient les progrès de la science historique; » quant aux sceaux, ils ne les (1) Bibliothèque impériale, Département des manuscrits.

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