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il fuyait. Paris, une seconde fois délivré, retentissait des exploits de Montereau. Les empereurs de Russie, d'Autriche, le roi de Prusse, consternés du refoulement de leur avant-garde, hésitaient à avancer ou à reculer. Napoléon, rapide et téméraire comme la surprise, quittait la campagne de Paris et poursuivait Bianchi en retraite sur la route de Troyes. Le 21, il faisait halte à Bray, dans la chambre que l'empereur de Russie venait de quitter pour suivre le courant de reflux qui ramenait les alliés sur la Champagne. Schwartzenberg faisait déjà rétrograder les bagages jusqu'aux défilés des Vosges. Les Russes de la garde de l'empereur qui le suivaient au quartier général autrichien se retiraient à Langres. Les souverains étaient à Chaumont. Soixante lieues d'espace et de liberté de mouvement avaient été reconquis à Napoléon par le canon de Montereau. Le 23, il rentrait vainqueur à Troyes sur les pas des Russes d'Alexandre. La ville délivrée le recevait en triomphe. Témoin des terreurs de l'ennemi, elle croyait voir dans le retour de Napoléon un retour décisif de la victoire.

XX.

Napoléon lui-même partageait la confiance qui renaissait sur les pas de ses invincibles bataillons. La paix, cette fois, était dans ses mains s'il se fût hâté de la saisir. Il perdit du temps à se venger et à repousser dans l'irritation et dans la terreur un parti que ses succès avaient assez puni, les rares partisans de la maison de Bourbon. Ce parti jusque-là n'était qu'un souvenir. Napoléon, en

le frappant, parut le raviver. Il écrivit en lettres de sang le nom des Bourbons qu'il avait intérêt à faire oublier, en dédaignant de vains symptômes sans force encore sur les populations.

Pendant les jours de l'occupation de Troyes par l'ennemi, quelques anciens officiers royalistes de l'émigration, le marquis de Vidranges, le chevalier de Gouault et cinq ou six habitants de la ville, pressés de devancer une opinion encore endormie, se présentèrent à l'empereur de Russie et lui demandèrent la proclamation de la maison royale de leurs anciens maîtres sur le trône de France. L'empereur laissa entrevoir une inclination vague et muette pour le parti de ces souvenirs. Il ne voulut ni préjuger le sentiment de l'empereur d'Autriche son allié, ni engager une parole qu'il aurait à retirer plus tard, ni perdre par une espérance téméraire des hommes aventurés dans l'inconnu. Il répondit que les hasards de la guerre étaient incertains, et qu'il ne se consolerait pas de voir des hommes de bien sacrifiés à une tentative de détrônement de son ennemi. La députation royaliste se retira, secrètement encouragée peut-être par quelques officiers transfuges ou émigrés dans leur enfance attachés au quartier général de l'empereur de Russie. Tout se borna à un petit nombre de cocardes blanches et de décorations de l'ordre de Saint-Louis rattachées par quelques vieillards ou par leurs fils à leurs habits ou leurs chapeaux. Le marquis de Vidranges partit à la suite de cette timide démonstration pour la Franche-Comté, où le comte d'Artois s'était hasardé de paraître à la suite et sous la sauvegarde des Autrichiens. Les complices de son imprudence étaient restés à Troyes.

XXI.

Napoléon, à son entrée dans la ville, demanda qu'on lui livrat les traitres qui, en répudiant son nom, avaient, disait-il, fait cause commune avec les ennemis de leur patrie. M. de Gouault, envoyé à un conseil de guerre avant que l'empereur se fût assis, jugé, condamné, fusillé, malgré les instances de M. de Mégrigny, gentilhomme du pays, écuyer de Napoléon, expia de son sang la témérité de son enthousiasme pour ses anciens maîtres. On l'avait conduit au supplice la poitrine couverte d'un écriteau où on lisait le mot de traître. Le bruit de cette vengeance sur un homme isolé et sans complices, le lendemain de ces victoires qui rendaient César généreux, excita en France moins de terreur que de murmures. Que pouvait la vie ou la mort d'un vieux royaliste coupable de fanatisme ou d'illusions dans une querelle de l'Europe à son dominateur qui se jugeait non sur un champ de supplice, mais sur dix champs de bataille? Napoléon aurait intéressé par l'indulgence, il attrista et indigna par la rigueur. Ce n'était pas la patrie qu'il couvrait par le sang répandu d'un homme, c'était sa dynastie. On trouva cet égoïsme cruel; on se souvint du duc d'Enghien.

LIVRE TROISIÈME.

Blücher abandonne la

Demande de suspension d'armes par les alliés. Conférences de Lusigny. Prise de Soissons par les alliés. Blücher réunit tous ses corps d'armée. -Il marche sur Troyes vers Schwartzenberg. Rencontre de Napoléon et de Blücher. Combat de Méry-sur-Seine. vallée de la Seine et s'élance sur Paris par la vallée de la Marne. - -Mortier et Marmont se replient sur Paris. Soissons repris par Mortier. Napoléon quitte Schwartzenberg et court sur Blücher. Il l'atteint à la Ferté-sous-Jouarre. - Blücher passe la Marne poursuivi par Napoléon.Blücher, cerné par l'empereur, Mortier et Marmont, s'échappe par Soissons, abandonne l'Aisne et se retire sur Laon. - Napoléon franchit l'Aisne à Béry-au-Bac, et rencontre à Craonne les corps russes et prussiens qui viennent couvrir Blücher. Bataille de Craonne. - Batail'e de Laon.

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Schwartzenberg marche sur Paris et Tactique de l'empereur.

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Il retourne à

Halte de Napoléon à Reims. s'avance jusqu'à Provins. Troyes pour agir sur les derrières de l'ennemi. - Panique des alliés. — Schwartzenberg recule jusqu'à Troyes et Dijon. · Bataille d'Arcis-surAube.- Nouveau plan de campagne de l'empereur. - Décret de levée en masse. - Lassitude de la France. - Marche de Napoléon vers SaintDizier. - Traité de Chaumont. Concentration des armées alliées à Châlons. Leurs hésitations. Elles marchent sur Paris. de Paris et de la France. Fuite de Marie-Louise.

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1

Situation

I.

L'ennemi s'écartait partout à marches forcées de Troyes, devenu le quartier général de Napoléon. On ne savait jusqu'où l'entraînerait la panique dont il était saisi à l'approche et au nom de l'empereur. Napoléon, après quelque repos, cherchait, sans vouloir le poursuivre à outrance, à le frapper sur ses dernières colonnes égarées, et à l'intimider assez pour que la terreur tînt sa place pendant qu'il retournerait une troisième fois sur l'armée de Blücher.

Ayant fait halte pour la nuit, le 17, à Nangis, dans la chaumière d'un charron, il reçut en parlementaire le prince de Lichtenstein, envoyé par le généralissime le prince de Schwartzenberg, pour demander une suspension d'armes, dans l'intention, disait le prince de Lichtenstein, de donner du temps à de sérieuses négociations de paix. Napoléon, affectant plus de confiance dans le résultat de ses victoires qu'il n'en avait peut être au fond de sa pensée, se plaignit des encouragements donnés aux partisans des Bourbons contre lui. « Est-donc une guerre » au trône, dit-il, au lieu d'une guerre au conquérant » qu'on prétend me faire? Le comte d'Artois est à Vesoul » au milieu de vos troupes, et on le tolère ! Le duc d'An» goulême est au quartier général de lord Wellington, et » on lui laisse adresser de là des proclamations au midi » de l'Empire et à mes propres soldats! Dois-je croire >> mon beau-père l'empereur François assez aveugle ou >> assez dénaturé pour conspirer le détrônement de sa » propre fille et le déshéritement de son petit-fils? »>

Le prince rassura l'empereur, dissipa ses doutes, jura que le séjour de quelques princes de la maison de Bourbon parmi les armées de l'Europe n'était qu'une tolérance, tout au plus une possibilité utile de diversion entre ennemis qui se combattent; mais les alliés, ajoutat-il, ne voulaient que la paix, non l'empire. Napoléon refusa de s'expliquer avant d'avoir pris conseil de la nuit. De nouveaux courriers pouvaient lui apporter à toute heure de nouveaux droits à être exigeant. Il s'endormit sur ce refus.

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