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d'un des pages de l'empereur, dont il fut gouverneur pendant quelque temps. Cette charmante personne était d'une si grande jeunesse, que les parens désirèrent que la consommation du mariage n'eût lieu qu'au retour de la campagne, ainsi que cela était arrivé pour le prince Aldobrandini lors de son mariage avec mademoiselle de La Rochefoucault, avant la campagne de Wagram. Le général Auguste de Caulaincourt fut tué dans une redoute où il avait conduit les cuirassiers du général Montbrun, qui lui-même venait d'être frappé à mort d'un coup de canon, dans l'attaque de la même redoute.

L'empereur disait souvent, en parlant de quelques généraux tués à l'armée : « Un tel est heureux; il est mort au champ d'honneur, et moi je serai peut-être assez malheureux pour mourir dans mon lit. » Il avait été moins philosophe à la mort du maréchal Lannes, et je l'ai vu pleurer pendant son déjeuner; même de grosses larmes lui roulaient sur les joues et tombaient dans son assiette. Il regretta vivement Desaix, Poniatowski, Bessières, mais surtout Lannes, et après lui Duroc.

Tout le temps que dura la bataille de la Moskowa, l'empereur eut des attaques de dysurie. On l'avait plusieurs fois menacé de cette maladie s'il ne prenait pas plus de précautions. Il souffrait beaucoup;

il se plaignait peu, et quand il lui échappait quelque exclamation étouffée, c'est qu'il ressentait des douleurs bien aiguës. Or, rien ne fait plus de mal que d'entendre se plaindre ceux qui n'en ont pas l'habitude; car alors on a l'idée de la douleur dans toute son intensité, puisqu'elle est plus forte que l'homme fort. A Austerlitz, l'empereur avait dit : «Ordener est usé; on n'a qu'un temps pour la guerre; j'y serai bon encore six ans, après quoi moi-même je devrai m'arrêter. »

L'empereur parcourut le champ de bataille. C'était un spectacle horrible : presque tous les morts était couverts de blessures; ce qui prouvait avec quel acharnement on s'était battu. Dans ce moment il faisait un fort mauvais temps; il pleuvait; le vent était très-violent. De pauvres blessés, que l'on n'avait pas encore transportés aux ambulances, se levaient à demi de terre afin qu'on pût les remarquer et leur donner des secours. Il y en eut qui crièrent vive l'empereur! malgré leurs souffrances et leur épuisement. Tous ceux de nos soldats qui avaient été frappés des balles russes laissaient voir sur leurs cadavres des blessures larges comme de larges trous, car les balles russes étaient beaucoup plus volumineuses que les nôtres. Nous vimes un porte-drapeau qui s'était enveloppé de son drapeau comme d'un linceul. Il paraissait donner signe de

vie; mais il expira dans la secousse qu'on lui donna en le relevant. L'empereur marchait, et ne disait rien. Plusieurs fois, quand il passa devant les plus mutilés, il mit sa main sur ses yeux pour ne point les voir. Ce calme dura peu : il y avait une place du champ de bataille où des Français et des Russes étaient tombés pêle-mêle; presque tous n'étaient que blessés plus ou moins grièvement. Quand l'empereur entendit leurs cris, je le vis s'emporter, crier après ceux qui étaient chargés d'enlever les blessés, s'irritant du peu de promptitude qu'ils mettaient à faire leur service. Il était difficile que les chevaux ne foulassent point quelques-uns des cadavres là où il y en avait tant. Un blessé fut atteint par le sabot d'un des chevaux de la suite de l'empereur : ce malheureux poussa un cri déchirant; l'empereur se retourna vivement, demandant avec colère quel était le maladroit qui avait blessé cet homme. On lui dit, croyant le calmer, que cet homme n'était qu'un Russe. «Russe ou Français, répliqua-t-il, je veux qu'on emporte

tout. >>

De pauvres jeunes gens; qui étaient venus faire leur première campagne en Russie, frappés à mort, perdaient courage et pleuraient comme des enfans en appelant leur mère. Cet horrible tableau me restera éternellement gravé dans la mémoire.

L'empereur réitéra avec instance ses ordres pour le transport des blessés, tourna bride en silence, et revint au quartier-général le soir. Je passai la nuit près de lui. Il eut le sommeil très-agité, ou plutôt il ne dormit pas. Il répétait plusieurs fois, en s'agitant brusquement sur son oreiller : « Ce pauvre Caulincourt! Quelle journée ! quelle journée ! »

CHAPITRE IV.

Itinéraire de France en Russie.

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Magnificence de la cour de

Conversation de l'empereur avec Berthier.

La

guerre faite à la seule Angleterre. Bruit général sur le rétablissement de la Pologne. -Questions familières de l'empereur. Passage du Niemen. — Arrivée et séjour à Wilna. Enthousiasme des Polonais. - Singulier rapprochement de date. Députation de la Pologne.

triche.

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Réponse de l'empereur aux députés. Engagemens pris avec l'AuEspérances déçues. — M. de Balachoff à Wilna, espoir de la paix. - Premiers pas de l'empereur sur le territoire de la vieille Russie. Retraite continuelle des Russes. Orage épouvantable. Immense désir d'une bataille. - Abandon du camp de Drissa. - Départ d'Alexandre et de Constantin. - Privations de l'armée et premiers découragemens. La paix La paix en perspective après une bataille. Dédain affecté de l'empereur pour ses

enne

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· Projet annoncé et non effectué. - La

campagne

de trois et prompte marche en avant. — Fatigue causée à l'empereur par une chaleur excessive. -Audiences en désha

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