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reux qui se précipitaient à plusieurs reprises dans la Moskowa; c'était pour retirer des grains que Rostopschine y avait fait jeter. Un grand nombre périrent dans les eaux après des efforts infruc tueux. Telle fut la scène de douleur que l'Empereur fut obligé de traverser pour arriver au Kremlin.

L'appartement qu'il occupait était très-vaste et bien éclairé, mais presque démeublé. Il y avait son lit de fer, comme dans tous les châteaux où il couchait en campagne. Ses fenêtres donnaient sur la Moskowa. On voyait très-bien le feu qui brûlait encore dans plusieurs quartiers de la ville, et qui n'était éteint d'un côté que pour reparaître de l'autre. Sa Majesté me dit un soir, avec une profonde affliction : « Ces misérables ne laisseront pas pierre sur pierre. » Je ne crois pas qu'il y ait dans aucun pays autant de corneilles qu'à Moscou. L'empereur était vraiment impatienté de leur présence, et me disait: « Mais, mon Dieu, nous suivront-elles partout? >

Il y eut quelques concerts chez l'empereur pendant son séjour à Moscou. Napoléon y était fort triste. La musique des salons ne faisait plus d'impression sur cette âme malade. Il n'en connaissait qu'une, qui le remuait en tout temps, celle des camps avant et après les batailles.

Le lendemain de l'arrivée de l'empereur, les sieurs Ed..... et V..... se transportèrent au Kremlin dans l'intention de voir Sa Majesté. Après l'avoir vainement attendue, et ne l'apercevant pas, ils se témoignaient mutuellement le regret d'avoir été trompés dans leur attente, lorsqu'ils entendirent subitement ouvrir une persienne au dessus de leur tête. Ils levèrent les yeux, et reconnurent l'empereur, qui leur dit : « Messieurs, qui ètes-vous? Sire, nous sommes Français. » Il les engagea à monter dans l'appartement qu'il occupait, et continua ses questions : « Quelle est la nature des occupations qui vous ont fixés à Moscou?

Nous sommes gouverneurs chez des gentilshommes russes que l'arrivée des troupes de Votre Majesté a forcés de s'éloigner : nous n'avons pu résister aux instances qu'ils nous ont faites de ne pas abandonner leurs propriétés, et nous nous trouvons présentement seuls dans leurs palais. » L'empereur leur demanda s'il y avait encore d'autres Français à Moscou, et les pria de les lui amener. Il leur proposa alors de se charger de maintenir l'ordre, et nomma chef M. M......, qu'il décora d'une écharpe tricolore, leur recommanda d'empêcher les soldats français de piller les églises, de faire feu sur les malfaiteurs, et leur enjoignit de sévir contre les galeriens, auxquels Rostopschine

avait fait grâce, à condition qu'ils mettraient le feu à la ville.

Une partie de ces Français suivirent notre armée dans sa retraite, prévoyant qu'un plus long séjour à Moscou les exposerait à des vexations. Ceux qui n'imitèrent pas leur exemple furent condamnés à balayer les rues.

L'empereur Alexandre, instruit de la conduite de Rostopschine à leur égard, tança fortement le gouverneur, et lui donna l'ordre de rendre de suite à la liberté ces malheureux Français.

CHAPITRE VI.

Les Moscovites demandant l'aumône.

L'empereur leur fait donner des vivres et de l'argent.-Les journées au Kremlin. L'empereur s'occupe d'organisation municipale. — Un théâtre élevé près du Kremlin. —Le chanteur italien. — On parle de la retraite. - Sa Majesté prolonge ses repas plus de coutume. Règlement sur la comédie française. Engagement entre Murat et Kutuzow. Les églises du Kremlin dépouillées de leurs ornemens. Les revues.

que

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L'empereur reprend la route

de Smolensk. Les nuées de corbeaux. Les blessés d'Ou

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pinskoë. — Chaque voiture de suite en prend un. — Injustice du reproche qu'on avait fait à l'empereur d'être cruel. Explosion des caissons. - Quartier-général. - Les Cosaques. L'empereur apprend la conspiration de Mallet. -Le général Savary. - Arrivée à Smolensk. — L'empereur et le munitionnaire de la grande armée. —L'empereur dégage le prince d'Eckmühl. Veillons au salut de l'empire. Activité infatigable de Sa Majesté. Les traînards. Le

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corps

du maréchal Davoust. Son emportement quand il se voit prêt à mourir de faim. Le maréchal Ney est retrouvé.

Mot de Napoléon.- Le prince Eugène pleure de joie. -Le maréchal Lefebvre.

Nous étions rentrés au Kremlin le 18 septembre. au matin. Le palais et la maison des enfans-trouvés furent à peu près les seuls bâtimens qui demeurérent intacts. Sur notre route, nos voitures étaient entourées d'une foule de malheureux Moscovites qui venaient nous demander l'aumône. Ils nous suivirent jusqu'au palais, marchant dans les cendres chaudes ou sur des pierres calcinées et encore brûlantes. Les plus misérables allaient pieds-nus. C'était un spectacle déchirant de voir plusieurs de ces infortunés, dont les pieds posaient sur des corps chauds, exprimer leur douleur par des cris ou des gestes d'un affreux désespoir. Comme toute la partie intacte des rues était occupée par le train de nos voitures, cette foule se jetait pêle-mêle dans les roues et entre les jambes des chevaux. Notre marche était ainsi très-ralentie, et nous eûmes plus long-temps sous les yeux ce tableau de la plus grande des misères, celle d'incendiés sans pain et sans ressources. L'empereur leur fit donner des vivres et des secours en argent.

Quand nous nous fûmes de nouveau établis au

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