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être à même de pouvoir en donner à Votre Excellence selon ses désirs; mais, comme l'ennemi est habile, il les fait presque toujours contraires à nos désirs et à nos projets, cela ne peut pas vous convenir.

« D'ailleurs, les mouvements de l'ennemi et les nouvelles que j'en donne peuvent être telles à six heures du matin et telles autres à neuf heures. La colonne qui vient de Spremberg peut gêner les dispositions du général en chef; mais il n'en reste pas moins vrai qu'elle arrive.

«Le reproche que Votre Excellence vient donc de me faire si gratuitement n'a pas été fondé sur la justice qui vous distingue, mon général, et qui seule m'a donné jusqu'à présent l'envie et la force, physique autant que morale, de supporter toutes les fatigues qui sont inséparables du poste que j'occupe depuis le commencement de la campagne. « LÖWENSTERN.

« P. S. Je n'ai point eu le loisir de terminer ma lettre. L'ennemi vient de me déloger d'Hoyerswerda. J'ai contre moi Ney et Lauriston.

«Le lieutenant-colonel Barnenkoff a manqué d'être fait prisonnier. Mes Cosaques l'ont délivré. Je me retire sur Königswartha. J'ai quelques prisonniers, presque tous des Hollandais et des Italiens, qui se plaignent extrêmement des marches forcées qu'ils ont faites depuis Leipzig.

«Le colonel Prendel est à ma gauche, Hellwig à ma droite et le major Blücher avec moi. J'ai trouvé à Königswartha les généraux Ilowaïsky IV et Ilowaïsky XII et le général Radionoff. Aussitôt que je suis arrivé, ils ont continué leur retraite. Je les ai vivement engagés à rester sur place avec leurs 8 régiments de Cosaques. L'ennemi, me poursuivant avec chaleur et tombant tout d'un coup sur 8 régiments de Cosaques, aurait pu être joliment frotté. Ils ne l'ont pas voulu,

donnant pour prétexte qu'ils avaient l'ordre d'attendre mon arrivée. Je les ai suivis bientôt après, laissant un poste d'observation à Wartha et un autre à Königswartha.

« J'arrive dans ce moment à Johnsdorf, et je charge le comte Buxhöwden de vous remettre la lettre.

<< LÖWENSTERN.

<< Johansdorff, 7/19 mai 1813. »

Barclay de Tolly. - Affaire de Königswartha. — Le général Barclay de Tolly, qui venait d'arriver avec son corps d'armée de Thorn qu'il avait assiégé et pris, fut chargé, de mème que le général York, de quitter la position de Bautzen et d'aller à la rencontre de Lauriston et de Ney. Il avait fait volte-face pour combattre ces deux corps et les empêcher de faire leur jonction avec Napoléon.

Le général Barclay de Tolly me manda auprès de lui pour avoir des renseignements positifs sur la force et la direction que prenait l'ennemi. Il me fit l'honneur de m'attribuer le mérite d'avoir, par mes rapports et mon activité à suivre les mouvements de l'ennemi, donné la première idée de s'opposer à la jonction de ces deux corps avec l'armée de Napoléon. Il me dit que c'était sur mes rapports que l'Empereur et le roi de Prusse s'étaient décidés à le détacher pour combattre l'ennemi. Il m'ordonna de couvrir et d'éclairer la gauche du prince Stcherbatoff, qui devait commencer l'attaque dans les bois de Königswartha et de régler nos opérations d'après les succès de la journée.

Le général Stcherbatoff attaqua l'ennemi avec beaucoup de succès et, après une fusillade des plus vives et ayant placé sur la grande route une batterie qui mitrailla l'ennemi pendant une demi-heure, il fondit sur lui à la baïonnette, le culbuta et le refoula sur Königswartha. Il prit 15 pièces de canon, quelques milliers de prisonniers et détruisit toute une

division italienne. Les généraux Peyri, Martelli1, Balathier et Saint-André furent faits prisonniers; les deux derniers moururent de leurs blessures.

Aussitôt que je pus déboucher du bois, je me mis à la poursuite de l'ennemi et, ayant fait une charge très heureuse sur les fuyards, qui firent des efforts inutiles pour se rallier, je fis quelques centaines de prisonniers, et l'ennemi ne parvint à s'arrêter qu'à une lieue de Königswartha, où, protégé par des bois et des défilés, je fus forcé de m'arrêter.

L'affaire de Königswartha avait parfaitement réussi de ce côté. Le général Barclay de Tolly s'était couvert de gloire. York n'avait pas été tout à fait aussi heureux. Mais Ney, voyant son aile droite menacée, dut s'arrêter et donna le temps au général Barclay de détacher le général Jouzoff? à son secours, ce qui rétablit le combat et le fit tourner à notre avantage.

J'eus l'ordre de rester la nuit sur le champ de bataille et de couvrir le mouvement. Le général Barclay s'en retourna de suite avec son corps pour regagner la position de Bautzen. Il reçut pour cette belle affaire le cordon de Saint-André, et moi, comme toujours, rien, quoique le mérite qu'on me donnait d'avoir causé cette victoire m'en donnât quelque espoir et que tout le monde m'en fit compliment d'avance.

1. Il s'agit ici du général Martel (Philippe-André), qui commandait une des brigades de la division italienne, mais qui, pas plus que le général Saint-André (San Andrea), ne figure dans les rapports français au nombre des prisonniers faits par les Russes à Königswartha. En tous cas, s'il a été pris à Königswartha, il aurait été, ce que nous n'avons pu contrôler et ce qui nous parait d'ailleurs peu probable, échangé pendant l'armistice, puisque le même général Martel prit part, à la tête d'une des brigades de la division Fontanelli, à la bataille de Jüterbogk, où il fut blessé, au combat de Wartenburg, à la bataille de Leipzig et enfin à celle de Hanau où il fut fait prisonnier.

2. Avant de faire soutenir York par la 9a division général Jouzoff), 4 régiments présentant en tout un effectif de 2.000 hommes, Barclay de Tolly lui avait envoyé les 8 bataillons du général-major Sulima (1.600 hommes) dont se composait la 1 division de grenadiers.

Je suis attaqué par Lauriston. Le lendemain, de grand matin, je fus attaqué par Lauriston qui, se doutant du mouvement rétrograde de Barclay, m'accabla de toutes ses forces. Le départ précipité de Barclay, qui pressentait combien sa présence serait nécessaire à Bautzen, fit qu'il n'avait pu emporter ses blessés. Il m'avait chargé de les ramasser; mais les moyens de transport me manquaient totalement, et j'étais fort embarrassé, ayant l'ennemi devant moi, qui me harcelait continuellement et ne me laissait aucun repos.

Je résolus, dans cet embarras, de faire descendre un régiment de cheval et je fis charger les blessés sur les chevaux et, comme le terrain est très boisé, l'ennemi ne put voir cette opération et ne sut point profiter de l'avantage qu'il avait sur moi.

Ce ne fut qu'à Milkel1, où j'avais envoyé d'avance pour faire préparer des chariots, que je pus donner quelque soulagement à mes pauvres blessés. Je fus bien heureux d'en avoir sauvé une grande partie et de les envoyer sous bonne escorte sur les derrières de l'armée.

Mes Cosaques avaient pris, la veille, quelques calèches aux généraux ennemis, dans lesquelles je fis placer les officiers blessés, et je fus béni par tous ces malheureux, qui me devaient leur existence et un soulagement à leurs maux.

Les occasions d'agir avec humanité sont si rares à la guerre qu'il faut toujours les saisir avec empressement et s'en féliciter.

Combat de Milkel. Figner. Le général Ilowaïsky vint me rejoindre à Milkel'; ma communication avec le général Lanskoï fut derechef rétablie; mais elle ne fut pas de longue durée : car le général Ilowaïsky me quitta bientôt, me laissant à Milkel pour m'opposer à l'ennemi, qui menaçait de tourner notre droite en forçant le passage de la Sprée.

1. Milkel, à 8 kilomètres de Königswartha.

Toute cette journée fut pour moi très agitée et très inquiétante. Seul, sans infanterie et sans canon, je n'avais presque aucun moyen de défense et, malgré cela, les ordres me pleuvaient de tenir ferme. J'avais repoussé plusieurs partis de cavalerie avec succès; mais à la fin, l'ennemi, ayant fait avancer du canon et de l'infanterie, me canarda et me canonna à outrance.

J'avais fait descendre de cheval une centaine de Cosaques, très bons tireurs, et je défendis les approches du village. Peu de leurs coups manquèrent le but, et je parvins à en imposer à l'ennemi qui ne put distinguer si j'avais de l'infanterie ou non. Car, perdant du monde par le feu, l'effet était le même pour lui. Un tambour, que j'avais pris la veille, fit aussi son effet. Je le fis battre continuellement et dans plusieurs directions, et le stratagème réussit parfaitement bien à maintenir l'ennemi dans l'erreur. Il s'arrêta, ne poussa pas son attaque avec vigueur, continua à me canonner et à jeter des obus dans le village pour l'incendier et tacha de me déloger de cette manière.

Sur ces entrefaites, le colonel Figner, toujours là où il y avait du danger ou de la gloire à acquérir, arriva fort à propos avec son détachement. Il accourut à mon secours sans y avoir été autorisé par personne. Deux pièces de canon qu'il avait avec lui furent de suite placées sur une petite hauteur et dirigèrent leurs feux sur la batterie ennemie, qui, croyant et s'imaginant qu'un renfort considérable m'était arrivé, se replia en toute hâte sur Königswartha.

Je débouchai aussitôt avec mes Cosaques à sa poursuite: mais il ne m'opposa pas sa cavalerie, mais bien des masses d'infanterie qui me forcèrent de calmer mon ardeur et me tuèrent plusieurs Cosaques. En m'envoyant une bordée à toute volée, j'eus deux balles dans mes habits et une dans mon bonnet. Je l'avais échappé belle.

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